Lorsqu'une cithare aux accents guerriers résonne entre les murs d'un vénérable hôtel parisien, c'est généralement qu'Ubisoft n'est pas loin. L'éditeur français avait convié un groupe de chanceux à fouler la terre surchauffée du Péloponnèse, théâtre des dernières aventures de la confrérie des assassins, pendant une journée entière. Après avoir fait grosso modo les dix premières heures d'Assassin's Creed Odyssey, nous vous disons pourquoi il pourrait s'agir là de l'un des meilleurs épisodes en date.
Si tu perces en Grèce tu feras de la graisse en Perse.
Et si on parlait tout de suite de ce qui nous a le plus enthousiasmés à propos d'Odyssey ? Un véritable effort d'écriture d'abord, que ce soit au niveau de l'histoire principale ou des quêtes annexes. Et pour la première fois un système de dialogue à choix multiples qui, loin d'être accessoire, impactera le déroulement de l'histoire et la personnalité de son héros.
Si vous pensiez qu'une quête secondaire dans un Assassin's Creed, ça dure cinq minutes, ça consiste à tuer un PNJ et ça rapporte 500 florins, vous n'êtes plus à jour. Dans la droite ligne d'un effort initié par Origins, Ubisoft Québec a affublé toutes ses quêtes d'une histoire. Celles-ci sont certes parfois courtes, mais toujours plutôt bien écrites, emmenées par des doublages convaincants et surtout, elles peuvent prendre fin de différentes façon.
Pour éviter un spoil significatif, mieux vaut sauter ce paragraphe. L'exemple le plus frappant se présente dès le début de l'aventure : une cavalcade de quelques minutes dans la campagne grecque nous mène à un village rasé par les flammes. Les responsables cherchent à endiguer l'épidémie de peste qui sévit et la dernière famille survivante du hameau est sur le point d'être passée par les armes pour des raisons de santé publique. Entre les supplications des condamnés et la gamine qui sort de nul part pour vous demander de les aider, c'est comme si l'univers appelait une intervention héroïque de ses voeux. Mais quelque chose dans la voix des soldats sonnait vrai. Nous tournons le dos à la scène et laissons les bourreaux faire leur office. Un employé d'Ubisoft nous apprendra plus tard que si j'avais laissé les infectés s'échapper, toute l'île de Céphalonie (la zone de départ) aurait été ravagée par la peste. A son retour plus tard dans la partie le joueur n'aurait retrouvé que des corps et beaucoup de regrets. Et juste comme ça le joueur se retrouve nez à nez avec un vrai choix aux conséquences majeures, simplement parce qu'il s'est dirigé vers la fumée.
Au-delà des choix, c'est la personnalité de votre héros toute entière qu'il vous faudra définir. Alexios/Kassandra peut se révéler bon et généreux comme froid et agressif, libre à vous de dessiner un protagoniste radicalement différent d'une partie à l'autre. Comportez-vous en bien ou en mal et le monde vous répondra, certaines options de dialogues et certaines fins du jeu n'étant accessibles qu'après des choix bien particuliers.
Ce nouveau système de dialogue à choix multiples dote Odyssey de 30 heures de dialogues contre en moyenne 1h30 pour les épisodes précédents. Un chiffre qui illustre le virage de la série dans la façon dont elle raconte une histoire.
Héraclès, sors de ce corps.
Les compétences sont des attaques spéciales qui s'utilisent pendant les combats. Du coup de pied qui projette en arrière à la charge qui traverse tous les ennemis, ce que ces mouvements retirent en réalisme aux affrontements, ils le rendent en dynamisme et en variété. Mixez une compétence qui repousse en arrière et les bonnes vieilles lois de la gravité pour envoyer dans le vide cet adversaire puissant qui aurait nécessité de longues minutes de combats à la loyale, l'attraction terrestre fera le reste.
Utiliser ces compétences taxe votre jauge d'adrénaline qui se remplira en réussissant parades et coups ordinaires. On en profitera pour signaler la disparition du bouclier d'Origins, il faudra maintenant réussir une esquive ou une parade lorsqu'un coup arrive. Ce changement rend les combats un peu plus exigeants et surtout moins statiques, un changement bienvenu donc.
Mercenaire sur terre et mer
"Mercenaire" (Misthios dans le jeu) n'aurait pu être que le nom par lequel notre protagoniste se fait interpeller par la moitié du Péloponnèse. Mais Ubisoft Québec a poussé le concept un peu plus loin.
Une liste d'une trentaine de mercenaires, classés du plus faible au plus redoutable, est consultable à tout instant pendant la partie. Les hommes et les femmes cités sur cette dernière sont trouvables en temps réel sur la carte et l'un d'entre eux est particulièrement simple à localiser, puisqu'il s'agit de vous ! Dès vos premiers instants dans le jeu, votre niveau, votre équipement et vos résultats contre les autres mercenaires seront évalués pour vous classer sur la liste.
Grimper les échelons signifie acheter son équipement moins cher mais également être une cible plus alléchante. En tant que personnage public, toute mauvaise action (vol, meurtre de gardes, etc) va inciter les individus les plus riches de la région à mettre une prime sur votre tête. Et qui va venir tenter de vous faire la peau pour obtenir cette prime ? Les autres membres de la liste pardi.
À l'instar des Phylakes d'Origins, les mercenaires d'Odyssey sont des adversaires puissants et uniques. Mais là où un Phylakitai se contentait de patrouiller bêtement la zone qui lui était attribuée, les mercenaires vous traquent activement. Dès lors que l'un d'entre eux accepte un contrat mis sur votre tête, c'est une partie de cache-cache qui s'engage, le mercenaire visitant l'un après l'autre les lieux par lesquels vous êtes passé. Attardez-vous un peu trop au fond d'une grotte lors d'une quête et une embuscade à la sortie devient fort probable. Tuer vos poursuivants n'est qu'une solution temporaire car votre prime continue d'augmenter avec chaque goutte de sang versée, attirant des adversaires pires encore. Pour avoir la paix, deux solutions : passer à la caisse et payer pour effacer votre prime, ou éliminer directement celui qui a mis votre tête à prix.
Enfin, vous connaîtrez les joies du commandement grâce à l'équipage de votre navire. Si les batailles navales sont moins techniques que celles de Black Flag, la gestion de l'équipage est (étonnamment) plus poussée ici. Assassin's creed prend MGS V et le place en 400 avant J.C en dotant chaque bandit de statistiques qui en feront un plus ou moins bon moussaillon. Assommez le malandrin pour pouvoir lui proposer une embauche. Pas rancunier pour deux sous, ce dernier se précipitera pour hisser les voiles et astiquer le pont.
"Ni Athénien ni Grec, mais citoyen du monde".
Visuellement, le jeu s'en sort très honorablement. Techniquement c'est exactement au niveau d'Origins mais c'est de la direction artistique et de l'effort de restitution historique qu'il convient de parler.
Reconnaissons d'abord qu'Odyssey ne profite pas du facteur "Wahou" de son prédécesseur. Passer d'un accueil à base d'oasis perdus au milieu du désert et de temples enfouis sous les sables à une forêt de pins à flanc de colline, ça n'a pas le même punch. La zone de départ (l'île de Céphalonie) n'offrant que quelques hameaux et des paysages méditerranéens pas vraiment dépaysants, on a durant les premières heures l'impression d'y avoir perdu au change.
C'est dans la première ville rencontrée : Megara, qu'Odyssey dévoile son plein potentiel. Chaque demeure est unique, chaque façade est colorée, les fleurs des champs alentour exposent leurs couleurs vibrantes à celui qui monte sur les hauteurs du temple. Les PNJ jouent une grande part. Rarement un amas de pixel aura été aussi convaincant au moment de ramasser une amphore et de descendre la rue principale en beuglant quelque chose en grec ancien au forgeron du coin.