L'équipe de 11 bit studios, semble aimer nous plonger au plus profond de la détresse humaine et de la fragilité de l'existence. Après This War of Mine, voici Frostpunk qui arrive sur PC ce 24 avril 2018. Il mélange gestion, construction de ville, survie, et dilemnes moraux, le tout avec une bonne ambiance d'angleterre victorienne à la sauce steam punk (le tout servi glacé). Il va vous falloir relever de nouveaux types de défis, et décider quel genre de dirigeant vous êtes vraiment lorsque la situation est suffisament désespérée.
- Genre : Stratégie, City-Builder
- Date de sortie : 24 avril 2018
- Plateforme : PC (Steam, GoG, HumbleStore)
- Développeur : 11 Bit studios
- Éditeur : 11 Bit studios
- Prix : 29,99 €
Le réchauffement climatique est un mythe, vive le charbon !
Frostpunk fait beaucoup d'efforts pour nous plonger dans son ambiance et son histoire aussi froide que désespérée, à grand renfort de cinématiques et de magnifiques écrans de transition. Ce n'est pas quelque chose qu'on voit souvent dans le genre, et cela aide à nous faire éprouver une certaine empathie pour les pauvres âmes dont vous avez la charge. Le jeu réussi magnifiquement à nous donner l'impression d'y être et à faire partie de la cité, que cela soit avec les bruits de la ville, la fumée du réacteur, les cris des habitants, la glace qui s'étend, les traces dans la neige, la musique qui va bien avec tout cela. De ce point de vue, c'est un petit chef-d'œuvre.
Pour en revenir à la situation de départ, moins d'une centaine de personnes ont survécu au voyage dans le nord afin d'atteindre le gigantesque cratère dans lequel un réacteur avait été construit en avance. Malheureusement, il est éteint. Pour fêter leur arrivée dans la dernière ville sur Terre, il va leur falloir aller ramasser du charbon éparpillé dans 1 mètre de poudreuse, en plein blizzard et par -20°C. Une fois que vous aurez suffisamment de charbon vous pourrez allumer le réacteur, celui-ci est le véritable protagoniste de cette aventure, c'est sa chaleur qui permettra aux habitants assez proches de ne pas geler. Au fur et à mesure de votre progression dans la partie, la portée de son aura et la chaleur émise vont augmenter, mais sa consommation de charbon aussi, et ce, de façon exponentielle. Si vous tombez à cours de charbon, ou que vous êtes forcé de surcharger le réacteur pour empêcher le gel complet de votre ville au plus fort de l'hiver, et qu'il explose, le game over ne sera pas loin. Le réacteur est donc votre sauveur, mais aussi votre maître, puisqu'il faudra l'alimenter en permanence jusqu'à la fin, et cela ne sera pas une mince affaire.
Mais nous n'en sommes pas encore là, pendant que du haut de votre tour d'ivoire virtuelle vous admirez ces pauvres survivants progresser dans la neige pour ramasser charbon et bois, vous pouvez faire passer votre première loi. S'il y a bien une phrase qui incarne l'esprit de Frostpunk, c'est : "Nécessité fait loi". Beaucoup de lois à votre disposition pourraient être considérées comme étant très immorales, voire cruelles en temps normal, mais quand tout le monde est sur le point de mourir, des mesures extrêmes s'imposent. Décider de forcer les enfants à travailler permet d'obtenir instantanément une grande quantité de main d'œuvre, ce qui est probablement la ressource la plus précieuse du jeu puisque toutes les autres en découlent ensuite. Mais ce n'est pas parce que vos concitoyens acceptent votre décision qu'ils vont l'apprécier, cela va augmenter leur mécontentement, et faire diminuer l'espoir. Il est vraiment appréciable d'être forcé en permanence à jouer l'équilibriste, cela vous force à rester actif.
Il ne faut pas sous-estimer ces deux jauges, après tout, être le capitaine de l'expédition n'est possible que tant que vous avez le support des autres membres. Vous allez être constamment forcé de prendre des décisions difficiles, que cela soit via les lois, ou via des petits événements contextuels qui se produisent régulièrement en réponse aux lois, aux problèmes rencontrés ou autres. Vous aurez souvent à choisir entre la préservation de la productivité (chose importante vu la pénurie absolue dans laquelle vous êtes), et faire des concessions afin de ménager la population.
Il faut saluer la gestion assez réaliste de la population, les êtres humains ne peuvent pas travailler continuellement. Ils ne seront à leur poste que 10h par jour, le reste étant dédié au repos et au temps libre (utilisé pour construire bâtiments et routes tout de même). Mais ces énormes temps morts peuvent s'avérer mortels : pouvez-vous réellement attendre quand vous allez tomber à cours de charbon ? Ou quand vous avez besoin que vos ingénieurs débloquent une amélioration technologique vitale pour sauver la situation avant une tempête ? Décider d'imposer des heures supplémentaires, voire une activité exceptionnelle de 24h ininterrompue est séduisant, mais cela aura un coût humain aussi. Il sera donc important de savoir quoi choisir, quoi sacrifier, et faire au mieux.
Goulag simulator
En tout début de partie, il ne fait pas encore trop froid, mais la température va continuer de descendre. Si vos travailleurs sont exposés à des températures trop extrêmes ou que leur tente n'est pas suffisamment chauffée, ils vont tomber malades, ce qui va diminuer leur productivité. En cas de complication, ils peuvent même devenir une charge pour les autres. Avant de décider si vous préférez juste jeter les cadavres dans la neige, ou construire un cimetière, vous pouvez déjà organiser votre ville avec la chaleur en tête. Les bâtiments les plus proches du réacteur auront droit à plus de chaleur, avoir un abri pour récolter des ressources permettra de limiter l'exposition au froid. Faire installer des radiateurs dans tous les lieux de travail peut aider grandement, surtout pour les installations éloignées, qui sont totalement hors de portée du réacteur, mais il faudra utiliser du charbon pour cela. Tout cela va influencer la façon dont vous aller bâtir et organiser. Les habitations, qui ont absolument besoin de chaleur seront positionnées sur les cercles centraux, proches du réacteur, et les installations qui n'ont pas besoin de chauffage, comme de simples dépôts de marchandises peuvent être placés en périphérie du cratère. À votre charge de construire les routes et mini-réacteurs additionnels requis afin d'éviter de vous retrouver avec des dizaines de cadavres rigides, ou des hôpitaux pleins.
La pénurie n'est jamais loin dans Frostpunk, comme vous allez vite vous en rendre compte, vos survivants auront fini de ramasser toutes les ressources disponibles dans le cratère en seulement quelques jours. Il faut donc très rapidement anticiper les problèmes et rechercher des solutions viables à moyen et long termes. Une de ces solutions est de construire une balise afin d'attirer d'autres survivants dans votre riante cité de New London, puis de former des équipes d'éclaireurs qui auront pour charge d'explorer la région, trouver des ressources et affronter des situations parfois mortelles. Il faudra leur faire visiter des points clé, puis décider de la marche à suivre. Voulez-vous tenter de sauver des réfugiés attaqués par des ours ? Préférez-vous désosser l'automate géant ou plutôt l'envoyer en ville ? Allez-vous escorter ce groupe de réfugiés plein de malades, le laisser rejoindre la ville sans votre aide, ou carrément leur refuser l'entrée ? Encore une fois, vous allez être plongé dans l'univers bien particulier de Frostpunk, et il faudra faire des choix cornéliens.
Ces explorations permettront aussi de faire avancer l'histoire, après tout, l'objectif n'est pas simplement de construire une ville. Il va falloir vous adapter aux conditions de plus en plus extrêmes dans le monde, ainsi que sur l'effet que cela peut avoir sur votre population. Si vous cherchez des événements heureux ou positifs, vous n'êtes pas dans le bon jeu !
Facho ou hippy ?
Même si vous parvenez à gérer la situation parfaitement au départ, vous ne pouvez pas (encore) contrôler les pensées et émotions des habitants. Il est facile de céder au désespoir et à la panique en pleine apocalypse. Quand un groupe de rebelles stupides décident d'abandonner la ville afin de retourner à Londres à plus d'un millier de lieux (ils considèrent sûrement que le Brexit était une erreur), et que ces lemmings tentent de recruter le reste de la population, vous allez être confronté au choix le plus important de la partie. Vous pouvez décider d'imposer l'ordre de force, avec une approche autoritaire, soit tenter de redonner espoir aux gens grâce à la religion et une spiritualité retrouvée. Cette seconde méthode est probablement moins cruelle, mais aussi plus insidieuse.
Préférez-vous faire usage de gardes, de tours de guet, puis d'une prison dans laquelle enfermer les rebelles afin de les "convaincre" qu'ils font erreur ? Où préférez-vous encourager la prière, bâtir un lieu religieux et pousser les gens à vénérer les éléments ? Les deux options sont mutuellement exclusives, et cela sera à vous de choisir jusqu'où aller. Vous êtes libre de vous arrêter au centre de propagande afin de maintenir la population sous contrôle sans violence, ou vous pouvez imposer un nouvel ordre inamovible par la force en tuant tous ceux qui résistent. À vous de voir jusqu'où il faudra aller pour survivre aux événements de chaque scénario. Chacun de ces choix est accompagné de nombreux événements spécifiques, et ils permettent d'introduire une certaine rejouabilité.
De l'ère industrielle à l'ère glaciaire
En parallèle de la gestion de la population, il faudra continuer d'étendre votre ville en permanence. Bâtir des scieries permettra de régler la pénurie de bois à moyen terme, mais il faudra trouver d'autres sources pour ne pas risquer de manquer de matériaux de construction en fin de partie. Pour chaque ressource, il vous sera donné plusieurs options à explorer. Vous pouvez envoyer des équipes fonder des avant-postes dans la région afin de rapatrier régulièrement des ressources. Ou vous pouvez construire de coûteuses installations comme des mines de charbon afin d'exploiter les ressources souterraines presque infinies. Vous serez cependant limité par les Steamcores, impossibles à produire, ils ne peuvent être acquis que via l'exploration. Leur petit nombre vous empêchera de résoudre tous vos problèmes, il faudra donc trouver des solutions hybrides ou comme toujours, faire des sacrifices.
Ils permettent dans tous les cas de régler bien des problèmes, sécuriser son approvisionnement en charbon ou produire des automates qui remplaceront les travailleurs sont quelques-unes des options de fin de partie qui donneront une ville prospère. Mais Frostpunk fait bien son boulot en nous rappelant que même lorsqu'on pensait s'être préparé au maximum, ce n'est pas toujours suffisant. Vous n'aurez pas l'occasion de vous relâcher jusqu'à la toute fin, la complaisance peut vous tuer et le stress de fin de partie est à son maximum. On se croirait presque au milieu des réfugiés qui se demandent s'ils vont survivre à la tempête et voir le jour se lever.
Toutes les bonnes choses ont une fin
Pour le moment, nous n'avons fait que chanter les louanges de Frostpunk, et si vous avez prêté attention à la note, vous devez vous interroger sur la source du problème. Malheureusement, c'est la durée de vie. On ne peut pas dire que cela soit quelque chose de mineur pour un jeu du genre. Frostpunk propose un scénario principal qui peut être terminé en une dizaine d'heures en difficulté de base pour un habitué des jeux de gestion. Cela débloque alors deux nouveaux scénarios, chacun avec ses particularités. Outre les cratères assez différents, ces scénarios ont leurs propres événements, une population différente et des technologies qui ont droit à quelques variations. Par exemple, le second scénario ne vous donne que des ingénieurs ce qui vous prive de la possibilité de chasser (et de faire travailler les enfants, hum), mais vous aurez des automates pour compenser et remplacer la main d'œuvre manquante. Il faudra cependant protéger les précieuses réserves de semences dont l'avenir dépendra. Si les bâtiments gèlent, cela sera la fin. Le troisième scénario vous fait incarner les réfugiés, ce qui vous forcera à gérer des quantités importantes de population peu qualifiée, avec beaucoup d'enfants et de malades, sans avoir toutes les technologies à votre disposition. Cela représente donc à chaque fois de nouveaux défis, que vous pouvez tenter de relever de différentes manières.
Le problème est que la facette city-builder est bien plus légère que dans un City Skyline par exemple, une fois les mécanismes du jeu bien assimilés, il n'y a pas tant d'options que cela pour personnaliser votre ville. Le fait que chaque scénario soit lourdement scripté n'aide pas non plus, la dimension aléatoire des événements est vraiment réduite. Il est possible d'augmenter la difficulté et de personnaliser la rigueur de différents paramètres, mais cela ne va pas changer fondamentalement l'expérience de jeu. Refaire un scénario en faisant des choix différents n'est pas non plus une solution qui séduira tout le monde. Il aurait fallu soit bien plus de scénarios (signalons que d'autres sont prévus prochainement) soit un mode aléatoire avec des options variées et des événements différents (ou combinés) par rapport aux scénarios principaux.
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