Débutée il y a 12 ans sur PS2, la série Yakuza a depuis connu pléthore d'épisodes, que ce soit des opus numérotés dépeignant la vie de Kiryu et ses potes ou à l'occasion de spin-off parfois complètement hors-sujet. Avec son approche du monde ouvert typiquement japonaise et son absence de localisation, la licence de Sega, pourtant très populaire au Japon, a bien du mal à connaitre le succès qu'elle mérite, malgré un Yakuza Zero absolument mythique et un remake du 1 de très bonne facture.
Yakuza 6 marque néanmoins un sacré tournant pour la série, puisqu'il s'agit du dernier jeu proposant Kazuma Kiryu en tête d'affiche. Et après avoir parcouru ce dernier bout de chemin avec lui, il va beaucoup nous manquer. On vous explique tout ça.
Cette fois, c'est personnel !
Fraichement sorti de prison après les événements de Yakuza 5, Kiryu pensait retrouver Haruka, sa fille adoptive, et tous les enfants de l'orphelinat des tournesols. Que nenni, le destin va encore opérer sa magie noire pour maudire le yakuza repenti : ses premières heures de liberté, il les passera au chevet de son enfant, percuté par une voiture dans d'étranges circonstances. Pour ne rien gâcher, l'ex idole est devenue maman entretemps : papy Kiryu va donc prendre en charge la garde du petit Haruto tout en enquêtant sur les lâches qui ont percuté sa mère de plein fouet.
Autant dire que les instincts du bonhomme vont vite reprendre le dessus : si le jeu est extrêmement bavard (comme tous les Yakuza), la plupart des rencontres se règleront à coups de poing, dans le sang et la sueur, le Dragon de Dojima n'exhibant son tatouage dorsal que pour les adversaires qui en valent la peine. Cela dit il serait bien malvenu de résumer la narration de Y6 à de simples bastons de rue entrecoupées de longs dialogues : le jeu sait aussi faire son show, avec quelques cutscenes de toute beauté, notamment au niveau de la modélisation des personnages, particulièrement réussie et, évidemment, des séquences épiques dignes des meilleurs films HK.
Le scénario de ce jeu mes amis, ce scénario, c'est de l'or en barre et une sacrée conclusion pour la saga de Kiryu. On ne va pas rentrer dans les détails, d'abord pour ne pas spoiler et ensuite parce qu'il y a tellement d'intrigues et de sous-intrigues qui tiennent toutes debout et sont importantes au développement de la trame principale qu'il est impossible de condenser tout ça en quelques lignes. Tout ce qu'on peut vous dire, c'est que Kiryu ira se frotter à Hiroshima et à sa mafia locale, dont l'un des généraux n'est autre que Takeshi Kitano, dans un rôle qui lui va comme un gant, la grande classe !
Et entre deux actes sérieux, les joueurs plus aventureux pourront également se faire plaisir avec les fameuses "substories", de petites quêtes annexes sous forme d'historiettes qui partent souvent dans le n'importe quoi le plus assumé, mais toujours avec un thème central, qui est aussi celui du jeu : les relations parents/enfants. C'est bien vu, souvent touchant et même si ça en fait parfois des tonnes et qu'il est bien trop bavard, Yakuza 6 s'asseoit tranquillement aux côtés de Yakuza 2 sur le trône des meilleurs scénarios de la série, de la bombe qu'on vous dit !
Passage de témoin
Petit cours de rattrappage pour ceux qui n'ont jamais eu la chance de toucher à un épisode de leur vie : les jeux Yakuza sont des open-world (souvent sur de petites superficies) très complets dans lesquels les bastons de rue sont des combats aléatoires. Chaque rencontre exhibe un gameplay de beat them all bien bourrin dans lequel le héros laisse parler sa rage et peut prendre à peu près n'importe quel objet pour l'écraser à la face de ses adversaires. La victoire est ensuite récompensée par de l'expérience, qui sert ensuite à acheter des compétences mais aussi à améliorer les statistiques de Kiryu. Et c'est là que Yakuza 6 va très loin, puisqu'au lieu d'expérience bateau, le bonhomme va engranger 6 types de points différents en fonction de l'activité effectuée ou du plat ingurgité.
Si les combats sont aussi jouissifs qu'auparavant, les aficionados vont probablement regretter le faible nombre de "heat actions", ces fameuses attaques contextuelles à déclencher grâce à une jauge dédiée. Dans le même ordre d'idée, les nouvelles compétences ultimes de Kiryu sont beaucoup trop puissantes, puisqu'elles entament parfois la moitié de la barre de vie de boss censés être redoutables.
Et Dieu que ce système est bon : vous allez être récompensés pour n'importe quelle activité, y compris les plus triviales comme jouer à un mini-jeu ou faire un peu de livechat avec des stars du porno japonaises (à mourir de rire). Plus sage que ses aînés, Y6 est une petite régression pour tout ce qui concerne les mini-jeux et les activités annexes : Zero restera le maître incontesté de la licence sur ce point. Cependant d'un point de vue narratif c'est on ne peut plus logique : désormais papy n'est plus vraiment dans le coup, Kiryu passe à côté des nombreux clubs sans y prêter attention, préférant volontiers s'occuper du bar à chats local.
Les à-côté reflètent donc parfaitement l'état d'esprit du Dragon de Dojima, un mec usé par toutes les épreuves de la vie et qui ne cherche désormais plus qu'à sauver sa fille et sa descendance. Alors attention, il y en a moins qu'à l'accoutumée, mais on reste tout de même sur du très lourd : le mini-jeu de création de gang face au clan Justis est bien chronophage comme il faut, en plus d'être une source de revenus assez folle. Celui-ci se déroule comme une partie de Clash Royale puisque vous devrez envoyer des unités pour contrer les forces ennemies et percer leur défense pour aller taper le boss du coin.
La générosité de Y6 va même jusqu'à introduire des jeux complets dans ses salles d'arcade et pas forcément du rétro, puisque vous pourrez retrouver la version arcade de Virtua Fighter V Showdown, comme ça, pour le plaisir. On pourrait s'étaler des heures sur la richesse de ces contenus secondaires mais encore une fois, ils sont vite éclipsés par la puissance de l'histoire, qui est clairement le coeur de cet opus.
Hiroshima mon amour
Yakuza 6 est clairement le plus beau jeu de la série, sans contestation possible : les environnements, modélisés avec soin, dépaysent, tandis que l'atmosphère si particulière de Kamurocho réussit une fois de plus à nous happer.
La nouvelle bourgade visitée, dans la région d'Hiroshima, possède elle aussi un charme certain, entre ses sanctuaires paisibles et ses rues alambiquées abritant moult secrets et bars discrets. Couplé à la modélisation aux petits oignons des personnages lors des événements clés de l'histoire, on ne peut que saluer le taf des équipes de Sega qui rendent ici une copie qui chatouille les rétines, un fait quasi-inédit pour la licence.
Toutes ces belles choses ont malheureusement un prix : même sur PS4 Pro, le jeu n'arrive pas à décrocher les 60fps, on a plutôt l'impression que les développeurs ont choisi de capper Yakuza 6 à un 50fps pour garder un framerate stable en toute circonstance.
Enfin, un petit mot sur la bande-son du jeu, composée de 72 pistes toujours dans des genres très éclectiques : de l'électro Tekken-esque se mêle à des compositions orchestrales sublimes renforçant encore davantage la dramaturgie de certaines séquences, du tout bon là aussi.