Bonne année à tous ! Sauf surprise, en 2014 GoOdy jouera Mech, Tefel ouvrira d'une Pool à 14 dans tous les match-ups, et NaNiwa restera l'exécrable génie qu'il est. Cependant, la nouvelle année promet un certain renouveau de la scène et ce grâce au nouveau format des World ChampionShip Series 2014. L'occasion de nous pencher sur ce qui va changer par rapport à 2013, mais aussi 2012.
Les scènes régionales
Les WCS 2013 ont fait couler beaucoup d'encre, principalement pour deux raisons : l'abandon des phases nationales de la compétition par rapport à 2012 d'une part, et le fait que les trois nouvelles régions (Europe, Amérique, Corée) n'étaient pas restreintes à leurs résidents d'autre part. Ces deux facteurs - entre autres - ont eu un impact considérable sur les scènes locales. Pour bien le comprendre, il nous faut revenir deux ans en arrière et tenter d'analyser ce que les WCS 2013 ont changé, et par conséquent ce que les WCS 2014 vont partiellement rétablir.
En 2012, les World Championship Series de Blizzard s'apparentaient à des Jeux Olympiques de StarCraft II. Chaque « pays » organisait une sélection nationale, au terme de laquelle le meilleur joueur était qualifié pour la finale régionale. Le format variait en fonction des pays selon leur patrimoine eSportif mais aussi leur taille. Ainsi au Danemark le cashprize des WCS fut-il de 5 000 $ et seul le vainqueur (BabyKnight) eut accès à la finale européenne, tandis qu'en France 15 000 $ furent mis en jeu, tout le top 3 se qualifia pour la finale européenne et le premier (Stephano) hérita d'un seed direct pour la finale mondiale à la BlizzCon 2012.
Format général des WCS en 2012
Le format des WCS 2013 changea la donne en ce sens qu'il ne permit plus aux nouveaux talents d'émerger. Pour reprendre l'analogie développée par CatZ dans un post du 1er janvier, imaginons que l'on vous dise « je te donne 100 000 $ si tu bats Michael Phelbs dans une semaine ». Tenteriez-vous votre chance pour un combat perdu d'avance ? Peu probable. Maintenant, imaginons que cela se transforme en « je te donne 50 000 $ pour battre le champion de natation de la ville voisine dans cinq mois ». La probabilité que vous vous entraîniez sérieusement est tout de suite beaucoup plus élevée. C'est l'impact qu'ont eu les WCS 2013 sur les scènes locales.
En France, nous avons eu la chance et la « malchance » d'avoir un Stephano au sommet de son art lors des WCS 2012. Il domina toute la compétition et remporta sans grande difficulté les WCS Europe en septembre 2012. De ce fait, le public français n'a pas forcément pu mesurer le changement entre 2012 et 2013. Mettons-nous dans la peau d'un grand-master italien, roumain ou finlandais, ces pays dont le champion local ne semble pas aussi imbattable qu'un Stephano, un NaNiwa ou même un Nerchio. Ce grand-master relativement inconnu, avec plusieurs mois de préparation devant lui, a plus de chances de bien se classer dans les WCS de son pays pour un cashprize non négligeable et une place en WCS Europe version 2012, que dans le format 2013. De fait, passée la première saison des WCS Europe 2013, seule la fine fleur européenne a réussi à se maintenir en Premier League. Hormis les rares exceptions comme FireCake (#notrollplease), aucun nouveau talent n'a pu émerger via le circuit WCS en 2013 et même les meilleurs Européens ont eu des difficultés à montrer l'étendue de leurs capacités.
La crème de la crème
Un autre aspect important des WCS version 2013 fut l'absence de region-lock, une restriction qui aurait pu imposer une condition de résidence aux participants d'une région donnée. L'idée d'un region-lock souleva beaucoup de débats notamment en Corée, pour la simple raison que le cashprize changea entre 2012 et 2013. Puisque la GSL devenait les WCS Corée, le prizepool du Code S passait de 123 000 $ à 100 000 $, celui du Code A par contre passait de 28 000 $ à 37 000 $ environ. À priori on n'y verrait rien de dramatique si ce n'est qu'au lieu de cinq saisons GSL dans l'année, seules trois saisons WCS eurent lieu.
L'exode de certains des meilleurs Coréens en Europe et Amérique engendra un autre problème, et pas des moindres. Jusque-là, la meilleure compétition au monde n'était accessible que via l'achat d'un ticket sur GomTV. Les WCS 2013 démocratisèrent cela en offrant le stream en 720p de toutes les compétitions régionales et mondiales sur Twitch.tv. Pendant neuf mois, tout le monde eut accès au meilleur niveau de jeu mondial non seulement grâce à cette gratuité, mais aussi parce que Jaedong, TaeJa, Mvp et bien d'autres s'étaient exilés.
Considérons cet état de fait sous un autre angle. Imaginons que vous puissiez aller dîner dans le meilleur restaurant de la ville et choisir les meilleurs plats, tous les jours, gratuitement. Auriez-vous envie, alors, d'aller dîner dans un restaurant d'une qualité nettement inférieure ? Certainement pas. C'est ce que la démocratisation du meilleur jeu mondial a impliqué pour les scènes locales. Si vous pouvez tous les jours ou presque voir des games de Jaedong en WCS Amérique, allez-vous préférer suivre la finale du SHOUTCraft America opposant Kane à State ? La réponse est évidemment non. Attention, loin de moi l'idée de vouloir revenir à l'ère des privations. Mais force est de constater que l'ouverture des streams WCS a eu là encore un impact monumental sur les « petits » joueurs, non seulement en cashprize mais en visibilité.
Les World Championship Series 2014
En remaniant ses World Championship Series pour l'année 2014, Blizzard montre qu'il a compris l'ampleur des défauts imputables au format 2013. Pour commencer, l'intersaison sera de six semaines puisque les finales de saison disparaissent. Le but ? Permettre aux compétitions hors-WCS de s'exprimer. Les DreamHack, IEM et autres ASUS ROG pourront donc peaufiner leur organisation, mais surtout, surtout, de nouveaux tournois vont pouvoir voir le jour. Peut-être même pourrait-on voir revenir les MLG, qui sait ? Bien entendu, cela laissera d'autant plus de visibilité aux tournois locaux, championnats nationaux, pour attirer des spectateurs. Par comparaison, ce serait comme si ledit meilleur restaurant de la ville fermait quelques semaines, vous encourageant par la même à aller découvrir d'autres lieux pour vous sustenter.
La GSL reprend ses droits, et GomTV devenue GomEXP crée sa propre chaîne Twitch soumise à la souscription d'un abonnement. Elle fait office de seule organisatrice des « WCS Corée », cette dernière appellation disparaissant malgré tout. OnGameNet, de son côté, obtient l'autorisation d'organiser des OSL en parallèle. Tout est donc fait pour que la scène coréenne se redynamise, elle qui souffre de l'invasion des MOBA, et donc que les joueurs coréens restent en Corée. L'idée semble excellente, reste à voir si les joueurs vont suivre les mouvements, et cela dépend malheureusement de l'argent dont disposent les équipes. De nombreuses teams ont été dissoutes récemment (voir notre bilan 2013) et jamais autant de joueurs sud-coréens n'ont été recrutés par des équipes étrangères. Les derniers agents libres en date, YoDa et First, devraient même participer aux prochains WCS Europe s'ils se qualifient.
Cependant, les régions deviennent partiellement restreintes aux résidents. Quelques places seront ouvertes à tous les participants, sous condition d'être placés en « ligue Maître avec un nombre minimum de 200 victoires dans la région WCS appropriée » (Source). Sur 16 places ouvertes aux qualifications en Challenger League des WCS Europe, 12 seront réservées aux résidents du vieux continent. L'effort est plus symbolique qu'autre chose. Bien entendu, on ne peut pas si facilement revenir à un format 2012 maintenant que tout le monde s'est habitué à manger à l'oeil dans le meilleur resto de la ville...
Tous ces changements vont dans un même sens : la détermination des managers eSport de Blizzard de redresser la barre après la chute significative du nombre de viewers sur les différents streams en 2013. Ce faisant, on tend vers un équilibre entre mise en avant des écosystèmes locaux et compétition au meilleur niveau mondial, le tout trouvant naturellement sa place dans un agenda plus aéré. Ces modifications relèvent-elles du "too little too late" ? Pas nécessairement, l'important ici étant de voir comment les autres acteurs de la scène (sponsors, managers de teams, organisateurs de tournois) vont les faire fructifier. D'ici quelques mois les choses se seront suffisamment décantées pour que l'on puisse mesurer l'impact réel de toutes ces mesures sur les scènes régionales.
Quoiqu'il en soit, le circuit WCS 2014 s'annonce palpitant, tant pendant les saisons régionales que lors des périodes creuses qui devraient voir fleurir de nombreux tournois parallèles, permettant ainsi de redonner la pêche à une scène StarCraft II en perte de vitesse. Et cela commence dès aujourd'hui avec les qualifications pour la première saison des WCS Europe 2014 !