Avant d'attaquer les choses sérieuses, il est important de clarifier certains points. Ce petit historique ne regroupera pas toutes les séries de J-RPG existants, le but n'étant pas de faire un bête listing mais plutôt de parler des licences marquantes qui ont ancré le genre du jeu de rôle japonais traditionel (principalement au tour par tour donc) dans l'histoire de notre média favori.
La genèse
Le genre du jeu de rôle japonais tel qu'on le connait aujourd'hui s'est construit graduellement, les pionniers du genre au Japon s'inspirant énormément des RPG occidentaux. Le premier jeu de rôle développé par une compagnie japonaise s'appelle Black Onyx. Sorti en 1985 sur MSX, le jeu reprend pas mal de choses de la série Wizardry, mais il est vite éclipsé par Dragon Quest, sorti l'année d'après sur de multiples plates-formes. Traduit en anglais, Dragon Quest (ou Dragon Warrior chez les américains) est le premier titre a avoir grandi avec la réputation mondiale de jeu de rôle typiquement japonais. Mais en réalité, DQ a lui aussi été développé avec des inspirations occidentales, l'élément différenciant réellement étant la vue de 3/4 dans les donjons, la majorité des jeux de rôle adoptant une vue à la première personne à l'époque.
En 1987, ce fut au tour de la fantaisie finale de Squaresoft de débarquer dans les boutiques, le jeu étant le dernier essai de la société nippone qui risquait la faillite à l'époque. Final Fantasy fut le premier a avoir son propre système de combat, autorisant le joueur à expérimenter différentes équipes et différentes classes de personnages. Cependant, ces derniers n'avaient aucune personnalité et le synopsis était aussi abstrait que les RPG occidentaux de l'époque. Sa suite par contre est ce qu'on peut appeler un pur RPG japonais, mais cet épisode est sorti bien après d'autres titres ayant façonné le genre. La première véritable cassure avec le RPG occidental, ce fut sur Master System, avec Phantasy Star.
C'est ce titre qui fut à l'origine de bouleversements tels que l'histoire traitant de vengeance et de corruption par le pouvoir, les backgrounds pour les membres de l'équipe, les sorts individuels qui demandaient des points de magie et le mélange de fantasy et de science-fiction. A ses côtés, un autre pionnier du genre : Digital Devil Monogatari : Megami Tensei, sorti lui aussi en 1987. Le jeu avait pour univers le Japon moderne et intégrait éléments de cyberpunk et références à la mythologie. Il n'était peut-être pas aussi influent que Phantasy Star, mais le concept du jeu visant à recruter des monstres et à les invoquer en combat était très en avance sur son temps.
Chant du cygne de cette ère 8-bits, Tengai Makyou : Ziria sorti en 1989 sur Turbo CD, allait ancrer une bonne fois pour toute les influences japonaises dans le monde du jeu de rôle. Entièrement réalisé à partr d'un style animé japonais et prenant place dans le Japon médiéval, il fut aussi le premier J-RPG à tendance humoristique et le premier à avoir des doublages. Ainsi se conclut l'ère 8-bits, ouvrant la voie aux nouvelles technologies et à ce qu'on peut déterminer comme l'âge d'or du RPG japonais.
L'âge d'or
Dragon Quest, Final Fantasy, Digital Devil Monogatari : Megami Tensei ont donné naissance à quatre des plus célèbres, longues et influentes séries de J-RPG. Dragon Quest devint la franchise la plus populaire du Japon, Final Fantasy acquit une notoriété mondiale et Digital Devil Monogatari : Megami Tensei devint la licence comportant le plus de titres sortis, avec beaucoup de spin-off et des jeux allant même au delà du monde du jeu de rôle. Phantasy Star eut lui aussi le droit à de nombreuses suites, mais la série principale tira sa révérence en 1994. Entre 1989 et 1995 FF, DQ et SMT avaient la mainmise sur le monde du jeu de rôle à la japonaise, puisque chaque gros titre du genre faisait partie de cette série ou était un de leurs dérivés.
Une licence fait tout de même exception : la série des Cosmic Fantasy et ses cinq jeux sortis sur Turbo CD. Les séries de RPG érotique Dragon Knight et Rance réussirent elles-aussi à tirer leur épingle du jeu. La supernes accueillit ensuite des épisodes très forts de chacune des trois franchises maîtresses du J-RPG et la console eut aussi le droit à de nouvelles créations originales comme par exemple Live a Live. Final Fantasy VI, Chrono Trigger ou Shin Megami Tensei restent encore aujourd'hui dans les mémoires comme le fleuron du genre, de véritables institutions. C'est à cette époque qu'il y eut aussi une véritable expansion des thèmes abordés, de mécaniques différentes, de synopsis originaux etc.
Beaucoup de séries populaires débutèrent leur carrière à cette période, comme Breath of Fire ou encore Lunar. Seul problème de cette époque : le genre était encore restreint au territoire japonais et la plupart de ces titres cultes n'ont pas eu le droit à une localisation en bonne et due forme. La génération suivante, initiée par la Playstation et la Saturn (1995-2000), fut très loin de commencer sur les chapeaux de roue, même si la célèbre série des Suikoden vit le jour en ce temps là. Mais après que les développeurs se soient adaptés aux nouvelles capacités des machines, la production de J-RPG reprit normalement son cours.
De nouveaux procédés techniques furent alors inclus dans les jeux, comme les scènes cinématiques en images de synthèse, ce qui deviendra une véritable signature du genre. L'originalité et le contenu n'étaient pas en reste non plus puisque plusieurs franchises très solides virent le jour comme la série spin-off des Megaten, Persona ou encore Xenogears, Chrono Cross et l'hybride Koudelka. L'ère 32-bits fut tout de même synonyme d'un certain abandon des builds de personnages et de l'aspect roleplay, avec des systèmes de jeux plus carrés et une difficulté réduite. Les thèmes scénaristiques sortant de l'ordinaire disparurent aussi peu à peu. Final Fantasy devint le leader incontesté du genre à cette période alors que Megaten se concentrait sur les spin-off et qu'un seul épisode de Dragon Quest parut sur cette génération de consoles.
De nouvelles séries telles qu'Arc the Lad tentèrent de faire leur trou, mais ne réussirent jamais à égratigner la popularité et l'importance de Final Fantasy. L'ère 128-bits quant à elle fut dans l'ensemble une période encore assez prolifique pour le jeu de rôle japonais. La plupart des productions débarquaient d'ailleurs sur PS2 et les J-RPG d'exception se faisaient rares sur Gamecube et Xbox, on retiendra tout de même les excellents Baten Kaitos sur GC. De grandes tendances marquèrent cette génération : la réduction voire la suppression des cartes du monde, moins d'exploration, plus de cut-scenes et des gameplays bien plus aboutis et intéressants, apportant leur lot de customisations diverses.
La série Xenosaga est par exemples très représentative de ces états de fait. Les trois franchises maîtresses nous délivrèrent de grandes cuvées et de nouvelles séries firent aussi leur apparition, parmi elles, Shadow Hearts, débarquant avec des idées et un gameplay assez novateurs. Mais l'ère 128-bits restera aussi comme celle de l'ouverture du J-RPG sur le monde avec les localisations inattendues de Shin megami Tensei : Lucifer's Call, Digital Devil Saga, Persona 3&4...
Déclin et avenir
Après ces années remplies de jeux cultes, la PS3 et la Xbox 360 arrivèrent, avec de nouveaux défis technologiques à relever pour les développeurs. Alors qu'ils regardaient le monde du jeu vidéo depuis leur tour d'ivoire, les japonais eurent le droit à un retour à la réalité assez rude. Faisant face aux coûts de production toujours plus élevés et à des méthodes de travail non adaptées à ce média en plein essor, la qualité des productions japonaises prit du plomb dans l'aile. Ainsi arrivèrent toute une flopée de titres tout juste moyens et asssez pauvres techniquement comparés à ce que sortait la concurrence occidentale. Mais Square-Enix, bien décidé à remettre les pendules à l'heure, sortit un nouvel épisode de sa série phare, Final Fantasy XIII.
Malheureusement, ce fut la douche froide pour une grande partie des fans de FF et ils commençait à se murmurer sur internet que le genre était en train de mourir à petit feu. Quelques softs sortirent un peu du lot comme Magna Carta 2 ou Tales of Vesperia, mais aucun d'entre eux ne réussit à vraiment égaler ce qui s'était fait auparavant. Nous voilà aujourd'hui en 2018 et dieu merci, le genre a réussi à se relever de cette génération maudite. Si l'opulence n'est pas encore celle de la période 16-bits, il faut bien avouer que les amateurs de grosses productions rôlesques "made in le Japon" ont de quoi se boucher quelques dents creuses. On retiendra surtout Persona 5, véritable aboutissement d'une formule, un jeu d'un style complètement fou, que nous vous recommandons chaudement !
A l'horizon 2018/2019, nous savons que Nintendo planche sur un Fire Emblem Switch, que la Team Persona est déjà au turbin sur une toute nouvelle production axée fantasy et que Monolith Soft et Level 5 teasent des productions aux ambitions démesurées. De biens belles promesses, que nous avons évidemment hâte de voir se concrétiser dans les prochain(e)s mois/années et longue vie au J-RPG !