Le studio à l'origine de MONARK, FuRyu corporation, dont les titres principaux sont The Caligula Effect et Crystar, n'est pas très connu en occident. Il se targue pourtant de compter sur des noms tels que Ryutaro Ito ou Fuyuki Hayashi, qui ont notamment œuvré sur Shin Megami Tensei, la célèbre série d'Atlus. MONARK ne manquera donc pas d'être jugé à l'aune de son illustre parenté, alors qu'avec seulement deux années de développement, et un budget de toute évidence limité, les ambitions du titre ne sont manifestement pas les mêmes que celles d'un Persona 5 ou d'un Shin Megami Tensei V.
Les quelques lignes qui vont suivre tenteront de vous convaincre que MONARK, malgré des tares évidentes, mérite mieux qu'une comparaison intransigeante avec ses cousins germains.
- Genre : Tactical RPG
- Date de sortie : 22 février 2022
- Plateformes : PC, Switch, PS4, PS5
- Développeur : FUYRU corporation
- Éditeur : NIS America
- Prix : 49,99 euros (59,99 euros pour l'édition Deluxe)
- Testé sur : PS5
Scenary Boy
Le scénario d'un jeu de rôle japonais revêt en principe une importance significative pour les habitués. Il s'agit de la porte d'entrée du jeu et de son univers, et sa richesse doit justifier la linéarité caractéristique au genre. Or, à cet égard, de prime abord, MONARK, dont l'intrigue paraît emprunter sans vergogne à des archétypes usés, donne plutôt envie de rester dehors.
En effet, les premières heures de jeux dépeignent une école transformée en huis clos par une brume mystérieuse, où règne en tyran un président du conseil des élèves, personnage théâtral, arborant cape sur l'épaule et verbe exagérément lyrique. Le protagoniste, lycéen amnésique capable de contrôler des créatures mystiques appelées « daemons » en endossant un costume ridicule, doit commencer par mettre hors d'état de nuire le margoulin. Il lui incombe par ailleurs de se protéger de la brume, dont la fréquentation paraît inéluctablement entraîner l'apparition de troubles psychotiques.
Si ces circonstances ne sont pas sans rappeler bien d'autres œuvres aux habitués, en revanche, les thématiques abordées, qui vont du glauque au pathétique, marquent la particularité de MONARK. Âmes sensibles s'abstenir : suicide, inceste et agonie sont au programme, sans fioriture ni fondu au noir. Le dépouillement de l'histoire et des personnages prend alors son sens, en donnant à ces tragédies tout leur relief, sans sombrer sans le pathos indigeste.
Un destin dans la nuit /des années 90
Dans une intervention promotionnelle sur le site web communautaire américain reddit du mois de décembre dernier, l'un des développeurs, le précité Fuyuki Hayashi, à propos de MONARK, donnait ses principales sources d'inspiration : Shin Megami Tensei IF, Drakengard et Tsukihime. Ces titres, qui ne devraient pas évoquer grand chose à la plupart d'entre vous, méritent deux mots de présentation.
Ils sortent entre la fin des années 90 et le début des années 2000, et peuvent se définir comme, respectivement, un RPG à la troisième personne, un jeu d'action et un visual novel. Leur singularité n'est pas à rechercher du côté du gameplay, mais d'un univers sombre, d'une histoire tournée vers des thèmes matures, narrée sur un ton mélancolique et pessimiste, autant d'éléments qui tranchaient avec la fantasy colorée et mignonne alors à la mode sur ce type de médias.
Or, indéniablement, MONARK transpire des influences précitées. La sécheresse de la mise en scène, la froideur du personnage principal et la marginalité de ceux qu'il rencontre, la prédominance des couleurs ternes et l'ambiance musicale feutrée ne relèvent sans doute pas juste de contraintes budgétaires, mais bien d'un choix artistique. La brume, inlassablement combattue par le protagoniste, dont la vocation est autant de générer un sentiment d'oppression que de jeter un voile pudique sur les malheurs autrement trop grands des acteurs de cette histoire, s'avère à la fois un outil tant au service du gameplay que du scénario.
En résumé, l'histoire de MONARK n'est pas exactement au cœur de l'expérience, mais davantage un moyen destiné à guider le regard du joueur vers des misères du réel, avec aussi peu de jugement que possible, laissant la part belle à leur appropriation par l'imagination et la réflexion. Ce parti pris n'est pas sans intérêt, à l'heure où les super productions essaient plutôt de captiver par la saturation d'émotions fortes, d'action effrénée et d'images choc, dont on sort parfois plus essoré qu'avancé.
Une réalisation parfaitement bleue
Malgré de louables intentions sur le fond, MONARK ne peut pas convenir à tout le monde. La démarche d'écriture, en dépit de ses qualités, reste hermétique, et risque de décevoir ceux qui s'attendaient à retrouver la folie et la spontanéité d'un Persona 5. Surtout, la réalisation générale respire l'économie, même pour un jeu multisupport destiné à la Nintendo Switch. L'impression est grande de tenir un titre qui aurait pu tourner sur PS2 : les décors sont excessivement dépouillés et répétitifs, seuls les personnages ayant un rôle dans l'histoire ont l'honneur d'un charadesign, les menus frappent par leur austérité d'un autre âge, les ennemis semblent tous sortis du même moule, et il faut en plus se farder des temps de chargement entre chaque pièce d'un lycée à explorer de fond en comble. Pour ne rien arranger, le jeu n'est traduit qu'en anglais.
Le gameplay ne mérite pour ce qui le concerne pas que des éloges non plus, même s'il est assez profond pour justifier les quelques dizaines d'heure nécessaires pour parvenir au bout de l'aventure. Du côté des combats, il s'agit d'un tactical classique mais efficace, qui ne devrait pas dépayser ceux qui se sont essayés à Xcom ou Disgaea : les combats se déroulent au tour par tour, sur un plateau sans damier où les personnages évoluent librement, et le succès d'une bataille dépend essentiellement du bon positionnement, de l'exploitation juste du décor et de la gestion pertinente de la foultitude des compétences existantes qui offrent des possibilités d'approche nombreuses et variées, quoique d'intérêt inégal.
Votre équipe évolue en fonction des aléas de l'histoire, mais aussi d'attributs sibyllins (fierté, colère, envie, luxure, cupidité, gourmandise, paresse), qui augmentent en fonction des ennemis éliminés, mais aussi de vos choix lors de tests de personnalité proposés en cours de l'aventure. Concrètement, votre équipe va se voir affublée de créatures différentes en fonction des attributs précités les plus développés, et qui occupent rapidement un rôle stratégique prépondérant. Or certains combats peuvent s'avérer coriaces, et nécessitent une bonne préparation que la relative opacité du système rend ardue. N'espérez d'ailleurs aucun paramétrage de la difficulté pour vous simplifier la tâche : il n'existe qu'une option « casual », laquelle a pour effet de diminuer les dégâts, mais aussi de limiter le butin en contrepartie. Pour éviter de trop difficiles séances de grind, l'auteur de ce test vous conseille de commencer par investir dans la colère et la luxure, qui permettent d'accéder aux compétences offensives les plus efficaces, ainsi que de ne pas négliger la faculté de « résonance » du héros, qui permet de partager les buffs/debuffs/altérations d'état et surtout les listes de compétences, et d'ainsi réaliser de puissants enchaînements autrement impossibles.
Entre deux batailles, l'univers scolaire de MONARK s'ouvre progressivement. Les environnements se trouvent pour la plupart plongés dans une brume qui bat petit à petit en retraite en fonction de vos progrès. L'exploration passe, d'abord, par l'utilisation d'un téléphone portable qui fait office de passerelle vers des mondes parallèles où se terrent les daemons et leurs maîtres, à condition de se placer au bon endroit, et d'avoir la bonne combinaison de numéros. L'autre outil à votre disposition sera une base de données sur l'école et ses résidents, qui se complète automatiquement lors de vos pérégrinations et discussions avec les intéressés, et dont il faudra indispensablement user pour résoudre des énigmes plutôt bien ficelées, d'une difficulté croissante, qui se présentent généralement sous forme de mini-enquêtes. Ce concept, aussi rafraîchissant que prenant, rend d'autant plus regrettable les errements de la réalisation, qui s'avère au final le principal obstacle à l'immersion.
Par Tsadkiel
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