Un épisode canonique de la série Shin Megami Tensei d'Atlus, et traduit en français de surcroit, c'est tout de même un petit événement pour les amateurs de jeux de rôle japonais. Attendu depuis déjà quelques années, SMT5 s'apprête enfin à voir le jour partout dans le monde, une brouette pleine de promesses entre les mains : on a passé près de 90 heures en enfer et vu 95% de son compendium, voici ce que nous en avons pensé.
- Genre : J-RPG
- Date de sortie : 12/11/2021
- Plateforme : Nintendo Switch
- Développeur : Atlus
- Éditeur : Sega
- Prix : 49,99€
- Testé sur : Nintendo Switch
Moi c'est Demonio, soi-disant Jean-Christophe
Tokyo est de nouveau le centre du monde pour ce cinquième épisode : un groupe de lycéens va vite passer de "l'autre coté du mur" et rejoindre le terrifiant Monde des Enfers, terre de dévastation peuplée de démons. En son sein, le protagoniste principal va fusionner avec un "Proto-Maudit", lui permettant d'atteindre le statut de Nahobino : un être au-dessus des lois de Dieu, capable de contrôler les démons qui vivent dans ce Tokyo post-apocalyptique. Du classique pour un synopsis de la série SMT finalement, avec une base qui rappelle tout de même pas mal le troisième épisode. En tout cas le cahier des charges est bien rempli et le scénario accomplit timidement sa mission : si le propos général est comme d'habitude très intéressant, la manière dont il évolue et les scènes censées le mettre en valeur sont trop décousues pour convaincre pleinement. Bien heureusement, grâce au caractère très fort de son univers et ses dialogues toujours aussi bien sentis, Shin Megami Tensei 5 réussit à nous embarquer en Enfer avec lui : oui les démons vont vous insulter, oui vous vous ferez racketter si les ennemis sentent qu'ils peuvent avoir le dessus sur vous et oui, les monster design les plus répugnants de la série sont toujours dans le coin.
Finalement, tout ce qui passe au moment de l'exploration, et qui est censé être secondaire, happe plus facilement que la quête principale, qui vient simplement ponctuer votre progression dans les immenses zones du monde. Cela va même plus loin, puisque certains monstres présents dans votre roster pourront déclencher des discussions spéciales en plein combat avec d'autres démons : le bestiaire des Shin Megami Tensei est basé sur les différentes mythologies du monde, certains dialogues sont donc assez savoureux à suivre. Une petite attention du détail qui pousse constamment à faire évoluer sa réserve d'engeances démoniaques et à compléter un maximum de quêtes annexes. On sent en tout cas qu'Atlus maitrise son sujet sur le bout des doigts et si, comme on va le voir un peu plus tard, SMT5 ne brille pas par sa technique ou ses décors, il parvient tout de même à nous immerger dans son monde et à le rendre crédible grâce à une multitude d'éléments qui sonnent juste.
La darksoulisation de Pokémon
Le gameplay de SMT5 est surprenant à plusieurs titres, mais si on devait vous le résumer en quelques mots : c'est l'ambiance de SMT3, mêlé au gameplay du 4 dans une formule encore plus fine et un aspect exploration inédit qui, lui, est bien propre à ce cinquième opus. Il y a énormément à dire sur les systèmes et sous-systèmes du jeu, alors commençons par le plus évident : le système de combat et ce fameux press-turn que vous devez finir par connaître si vous avez déjà touché au moins à un Persona dans votre vie. Shin Megami Tensei 5 ne bouscule pas franchement l'ordre établi, par contre, il va se montrer bien plus généreux et "juste" que ses ainés. Fini le héros qui se fait one shot par une attaque d'ombre dans le pif dès le premier tour, les faiblesses et renvois de magie sont bien mieux gérés et le nombre d'outils mis à disposition du joueur pour se fabriquer une équipe de 4 complètement pétée n'a jamais été aussi élevé. Pour les néophytes, le but est d'exploiter les faiblesses de l'ennemi pour gagner des tours supplémentaires (jusqu'à 8 commandes maximum par tour), sachant que le camp adverse dispose aussi de cette finesse et peut frapper là où ça fait mal pour étendre sa manche. Pour prévenir tout ça, il va donc falloir se constituer une équipe sur mesure, en prenant soin de bien vérifier les forces et faiblesses de chacun. Du classique pour les connoisseurs, qui retrouveront avec plaisir le système de captures de démon par négociation, et la puissante fusion et son compendium à remplir à 100%. On peut dorénavant en rajouter une couche avec la jauge de Magatsuhi, sorte de limite aux effets variés selon les profils disponibles dans votre quatuor sur le champ de bataille. Là aussi, les ennemis ont accès aux pouvoirs de base du Magatsuhi et sont susceptibles de s'énerver en s'assurant des coups critiques lors d'un tour.
Côté nouveauté, on note les essences, récupérées au cours de l'exploration et capables de transférer des techniques d'un démon sur un autre, de manière totalement gratuite. Cela va même plus loin, puisque les résistances des essences de démon peuvent également être transférées sur le Nahobino : ce système décuple les possibilités de personnalisation de l'équipe et devient un moteur de l'exploration. Nous n'avons d'ailleurs pas encore abordé ce point, mais c'est probablement celui qui a dû demander le plus de travail aux équipes d'Atlus, tant les efforts fournis sont remarquables. On sent que le level design vallonné de Zelda Breath of the Wild a donné des idées aux développeurs : les cartes du monde des démons sont tout en dénivelé et en verticalité, avec de nombreux chemins de traverse, des zones secrètes et des "nids" de monstres particuliers bien identifiés. On ne s'y attendait vraiment pas, mais ces quartiers dévastés de Tokyo sont d'une taille conséquente et les vider de tout leur contenu va vous prendre plusieurs dizaines d'heures pour chacun d'eux. En plus des coffres, 200 Miman sont à retrouver, avec des points de gloire à la clé. Ces derniers lient eux aussi l'exploration avec le déroulement des combats, puisque la gloire va servir à accomplir des miracles de toute sorte, améliorant votre confort de jeu, mais aussi les capacités du Nahobino et de ses démons. un système déjà vu dans le quatrième opus, mais qui prend ici une tout autre ampleur grâce, justement, à ses zones gigantesques dans lesquelles il va falloir réfléchir à vos trajets et à leur condition de déblocage.
Un brouillard de guerre violet englobe chaque portion de zone, il faudra donc bien souvent aller à son épicentre afin de détruire le groupe d'ennemis qui défend le fameux abcès pour s'assurer un minimum de visibilité sur la carte et acquérir au passage de nouveaux miracles à acheter. Et on peut continuer comme ça longtemps : lorsqu'un démon guide vous rejoint, de nombreux objets enterrés au sol apparaissent, avec quelques beaux trésors à la clé. Certains démons rares, semblables à des gluants de métal, offriront des objets capables de vous faire sauter des niveaux, à vous ou à vos démons, s'ils sont défaits. Pour la faire courte : exploration, collection de monstres et combats au tour par tous sont en parfaite symbiose dans cet épisode, lui assurant un plaisir de jeu et de farm, assez exceptionnel. Parce qu'on aurait pu croire qu'avec toutes ces largesses, SMT5 se serait ramolli côté challenge, mais il n'en est rien. Il s'agit toujours d'un jeu exigeant, dans lequel la moindre erreur peut se solder par un game over et un retour illico au menu principal.
Pas de sauvegarde automatique, mais un voyage rapide disponible à tout moment et sans véritable temps de chargement, encore une fois, dans cette volonté de proposer une expérience confortable tout en évitant de prendre le joueur pour une bille. Avec ce cinquième opus, Atlus repousse les limites de sa série fétiche en faisant les bons choix tout en prenant quelques risques au passage et franchement, ça fait mouche à chaque fois. il va tout de même falloir s'accrocher si vous voulez en voir le bout, puisque le boss de fin culmine bien au-delà du niveau 80 : poncer le contenu annexe et jouer avec les fusions du compendium vont devenir des nécessités pour avancer convenablement, chaque boss sonnant comme un nouveau casse-tête à résoudre en mixant la team parfaite, comme évoqué plus haut. Terminons sur la partie gameplay en évoquant les nouvelles entrées à la collection de démons de SMT, avec quelques designs inédits franchement réussis et qui ont même le droit pour la grande majorité à des "attaques uniques". Celles-ci sont réussies sur le pur plan de la mise en scène, ça ajoute un peu de dynamisme aux combats et on aurait fatalement aimé qu'elles soient plus nombreuses. Jack Frost, par exemple, a bien une attaque unique, seulement celle-ci est en retrait par rapport à celles des petits nouveaux.
Tokyo Ghoul
Le premier contact avec SMT5 n'est pas franchement rassurant : ça rame, l'aliasing est omniprésent et les textures nous renvoient directement deux générations dans le passé. Cette technique tremblotante, il va la garder tout au long de l'aventure, cela va même empirer parfois avec des chutes de framerate sous les 20fps en docké. De plus, les immenses zones de Tokyo partagent toutes les mêmes assets : vous allez en manger de la voie ferrée et du bâtiment délabré, seuls les filtres de couleurs appliqués au désert et quelques lieux-dits confèrent un semblant d'identité à chaque quartier, mais ce n'est pas suffisant. Et pourtant, pourtant, on finit par tout lui pardonner, justement parce qu'il ose sortir des sentiers battus en proposant un Tokyo à la verticalité vertigineuse. La direction artistique est loin de pallier tous les écueils techniques du jeu, mais cette atmosphère unique, renforcée par les compositions de Toshiki Konishi et Ryota Kozuka, déjà à l'oeuvre sur le précédent épisode canonique de la 3DS, réussit tout de même à faire passer la pilule. Afin d'adoucir ce bilan technique bien terne, on note que l'expérience est plus agréable en mode nomade et que le format carte SD fait des merveilles sur les temps de chargement lors des voyages rapides au sein d'une même zone : c'est de l'instantané et ça fait plaisir.