Après un report et des doutes sur ce qu'il serait capable d'offrir, Gears Tactics est arrivé entre nos mains. En tant que grands fans des jeux du genre nous étions particulièrement curieux de voir ce qu'il aurait à proposer, d'autant que comme l'a prouvé Phoenix Point, il n'est vraiment pas facile de sortir un bon jeu tactique, même pour les vétérans du genre.
- Genre : Tactique au tour par tour
- Date de sortie : 28 avril 2020
- Plateforme : PC
- Développeurs : Splash Damage, The Coalition
- Éditeur : Xbox Game Studios
- Prix : 69,99€, aussi disponible via le Gamepass sur le Microsoft Store
Hammer time
Gears Tactics est une préquelle des jeux Gears of War, la campagne se déroule vers le début du conflit contre les Locustes, lorsque ce brave président Prescott ordonne les frappes orbitales sur les cités afin de tenter d'éliminer l'envahisseur. Il confie ensuite la tâche à Gabe Diaz (le père de Kait Diaz, la protagoniste de Gears 5) de traquer Ukkon, le généticien des Locustes. Ce farceur créé en boucle de nouvelles monstruosités, ce qui menace la survie de l'humanité. Bien entendu, Prescott donne cette mission vitale sans fournir de moyens, d'hommes, ni même les informations vitales à sa disposition, cela ne serait pas drôle sinon. Assisté d'un vieux soldat grincheux et facho du nom de Sid Redburn, Gabe devra faire avec les moyens du bord pour mener sa mission à bien.
N'attendez pas grand chose du jeu en termes d'histoire. Il y a bien quelques petites révélations ici et là, mais elles ne surprendront pas les fans. On retiendra surtout les nombreuses interactions entre les personnages, qui ressemblent à des caricatures tirées de films d'action américains comme dirait un ami. Ce sont tous des badass désagréables qui apprennent à travailler ensemble, tant bien que mal. Il n'y a pas de grands développements, mais des clins d’œil ici et là aux autres titres et aux futurs événements.
Mettre les couverts
Comme l'avaient bien montré les trailers, Gears Tactics possède effectivement des mécanismes de jeu très similaires aux nouveaux Xcom. Les combats sont gérés au tour par tour, un camp après l'autre, avec un système de points d'action par personnage, qui peuvent servir à se déplacer ou à tirer. Une différence technique ici est que les personnages disposent de 3 points d'action au lieu de 2, et il est tout à fait possible de tirer 3 fois par tour avec le même personnage dès le départ. Se mettre à couvert est ici vital pour ne pas se faire transformer en passoire par l'ennemi. Il faudra faire usage des couvertures basses ou complètes pour approcher l'ennemi, et idéalement l'attaquer sur les flancs afin de passer outre sa couverture. Ces dernières ont en effet un impact majeur sur les chances de toucher et sur la réduction des dégâts. Attendez-vous d'ailleurs à rater des tirs à 90% de chances de toucher, cela fait partie de l'expérience. On notera au passage que les décors, généralement très jolis et pleins de détails ont néanmoins le défaut d'être indestructibles dans la majorité des cas (hormis quelques caisses en bois ici et là).
Conformément à l'esprit de la licence, vous pourrez faire un usage libéral des grenades afin de dégrossir les rangs ennemis, ce qui ne sera pas du luxe vu le rapport de force. Votre escouade pourra comprendre au maximum 4 soldats seulement, ce qui est bien peu. Et de nombreuses missions ne vous permettront de n'en utiliser que 2, voire un seul, probablement par souci d'équilibrage. Ce n'est pas sans rappeler Dawn of War 2, avec son groupe de héros surpuissants à plus d'un titre (et pas que pour les tronçonneuses). Les points communs entre les 2 jeux sont fort nombreux, tant en bien qu'en mal. De leur côté, les Locustes se compteront parfois par dizaines. Les mécanismes propres aux Gears sont d'ailleurs fort bien introduits. Les charges à la tronçonneuse et à la baïonnette sont redoutables et sanglantes, même si elles perdent de leur superbe par la suite quand la majorité des ennemis vous démoliront automatiquement si vous approchez en mêlée.
Les ennemis ne mourront pas toujours quand leur vie tombera à zéro, il arrivera régulièrement qu'ils agonisent au sol, dans l'attente d'une exécution particulièrement grotesque de la part d'un de vos soldats. Cette exécution sommaire aura pour effet d'offrir un point d'action bonus à tout le reste de l'équipe. Ainsi, en multipliant les exécutions, les charges au Lanzor tronçonneuse et d'autres mécanismes similaires, vous pouvez trancher dans les rangs ennemis d'une manière aussi inhabituelle que réjouissante pour le genre. Un autre détail amusant est que si l'un de vos personnages est mis à terre, vous pouvez simplement le relever en amenant un de vos soldats à proximité, exactement comme dans les jeux principaux. Attention néanmoins, les Locustes n'hésiteront pas à les exécuter d'une façon tout aussi humiliante s'ils en ont l'occasion. Si la victime est un de vos soldats génériques, sa mort sera permanente, mais si c'est un de vos héros liés à l'histoire, un game over instantané vous attend.
Un des principaux attraits de Gears Tactics est la façon dont il exploite les particularités des Gears pour enrichir son gameplay et innover. Les trous par lesquels les Locustes sortent du sol sont des fléaux qui peuvent être gérés de plusieurs manières, vous pouvez simplement lancer une grenade après avoir tué les renforts qui en sont sortis, ou vous pouvez anticiper et poser un explosif avant même son ouverture. Il est même possible de donner un coup de pied à un de ces insupportables tickers pour le faire tomber et exploser à l'intérieur afin de provoquer son effondrement. L'envoyer aux ennemis est aussi une option, bien entendu, pour un résultat jouissif.
Le bestiaire est évidemment fidèle à celui des jeux, et certains des boss les plus iconiques de la licence comme le Brumak ou le Corpser seront présents, bien qu'ils soient au final bien peu nombreux. Il est aussi regrettable qu'ils ne soient affrontés qu'une fois durant la campagne, et qu'ils ne viennent jamais épicer les missions annexes par la suite. C'est une opportunité manquée. À défaut de boss, certains ennemis élites redoutables, comme les gardes théron et les boomers, vous donneront du fil à retordre en revanche, avec leurs armes surpuissantes. Cependant, ils laisseront tomber ces dernières sur le terrain à leur mort, vous pourrez alors les ramasser et en faire usage, ce qui a généralement pour résultat de rendre le reste de la mission trivial.
Out of Gears
Bien que les missions soient particulièrement impressionnantes au départ avec leur mélange bien trouvé de tactique et d'action, on se rend assez rapidement compte que la dimension stratégique du jeu n'a pas eu droit à la même attention. Il existe 5 classes différentes, qui couvrent les archétypes trouvés dans Xcom entre autres (lourd, éclaireur, assaut, médecin, sniper), chacune ayant un immense arbre de talent qui permet de créer des builds originaux, ce qui permet de spécialiser ses soldats et de créer des synergies. Malheureusement, avec seulement 4 places dans le groupe dans le meilleur des cas, et 4 puis 5 héros dans le roster, dont une grande partie doit obligatoirement participer, cela ne donne pas une grande liberté de choix au joueur.
Au départ, vos recrues génériques n'auront que bien peu d'occasions de participer. Et même si cela s'améliore par la suite, le système de recrutement est absurde. Le niveau des nouvelles recrues disponibles entre chaque mission augmente plus vite que celui de vos soldats qui participent, et ces dernières sont gratuites. On se trouve à recruter tous les nouveaux soldats possibles puis à les virer de l'équipe, avec les vétérans, pour les dépouiller de leur équipement au passage. La raison ? Ces derniers arrivent avec des objets introuvables autrement en jeu, et d'une qualité supérieure à ceux de vos héros, que vous avez pourtant ramassé sur le champ de bataille après avoir versé sang et larmes. Signalons au passage que la campagne vous met sur des rails et qu'il n'y a pas de ressource particulière à gérer, ni de déplacements sur la carte globale.
À partir d'un certain point de la campagne, le niveau des nouvelles recrues se stabilise enfin, et les nombreuses missions annexes à accomplir pour progresser dans la campagne nous ont finalement permis d'utiliser autre chose que nos héros. Mais nos retours sur la chose sont mitigés. Ces missions sont générées de façon procédurale, avec un objectif (parmi 5 ou 6 différents), une des cartes fixes du jeu (vous allez souvent revoir les mêmes), un objectif secondaire bonus (prendre une certaine classe, finir en X tours, etc.) et éventuellement des modificateurs positifs ou négatifs (interdiction d'utiliser les grenades, réduction des temps de recharge). Cela reste frais un moment, et permet de goûter un peu à la liberté tout en obtenant parfois de l'équipement exceptionnel. Mais leur équilibrage est douteux, se retrouver à devoir gérer une mission faite pour 4 soldats avec seulement 1 ou 2 n'est pas une mince affaire, cela a même frôlé l'impossible une ou deux fois.
Si on met de côté la gestion pénible de l'inventaire et du recrutement, la personnalisation de l'équipement et des compétence est très satisfaisante. Le fait de pouvoir changer 4 composants sur chaque arme, les grenades et les 3 pièces d'armure, le tout avec des bonus et des niveaux de qualité varié offre de très nombreuses possibilités. Surtout si vous les combinez aux différentes classes et aux nombreux talents. Vous aurez clairement les outils pour personnaliser votre approche des batailles.
Malheureusement, le train-train finit par s'installer assez rapidement. On alterne 2 ou 3 batailles annexes avec des objectifs vus et revus, sur des cartes à présent connues par cœur. Le brouillard de guerre cache les ennemis, mais pas le terrain, on finit donc par connaître les lieux et le timing de déploiement des renforts ennemis comme sa poche. Bien que les modificateurs et objectifs secondaires offrent de la variété, cela devient vite horriblement répétitif. On a alors hâte d'avancer dans la campagne. Cette dernière a été bouclée en une trentaine d'heures en difficile dans notre cas, et il faut admettre qu'elle a été plutôt satisfaisante, même en tant que vétéran du genre. Cependant, sa rejouabilité est tristement pauvre, pour les raisons listées plus haut. Le bestiaire n'est pas si large, et les réactions des ennemis deviennent très prévisibles à la longue.
Augmenter encore la difficulté est une option, mais le reste ne va quasiment pas changer d'une partie à l'autre. Le mode Ironman s'annonce aussi douloureux, puisque ce mode est généralement compensé par le fait que vos troupes soient remplaçables dans d'autres tacticals comme Xcom ou même Darkest Dungeon, alors qu'ici, le moindre faux pas ou coup de malchance avec un héros vous vaudra un "Game Over". Une autre option est de continuer de jouer après avoir terminé l'histoire. On se lance alors dans un cycle similaire qui alterne une sélection de quêtes annexes générées aléatoirement, et une quête spéciale (à présent aléatoire aussi) pour obtenir de nouveaux objets. La puissance des troupes ennemies augmente aussi progressivement à chaque cycle. Le principe aurait pu être séduisant avec plus de variété dans les cartes, objectifs, événements et ennemis. Il n'y a pas de surprise, et même la difficulté reste trop faible une fois tous les mécanismes du jeu maîtrisés. Les ennemis sont généralement devenus bien trop prévisibles à ce point.
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