La série X-COM a fait ses débuts en 1994, avec une recette ambitieuse qui a charmé plusieurs générations de joueurs : défendre la Terre contre une invasion alien, mais pas en tant que vulgaire troufion façon Rambo, ni en tant que pilote de chasseur/mecha d'élite, mais en tant que commandant d'une organisation militaire qui doit gérer une vaste gamme d'activités, comme le financement, la recherche, la protection de l'espace aérien, la construction de nouvelles bases et même la direction tactique des soldats sur le terrain. De nombreuses suites et spin-off comme Terror from the Deep ont suivi, et surtout, il y a eu plus récemment un renouveau du genre avec XCOM: Enemy Unknown ou encore Xenonauts. Avec Phoenix Point, c'est au tour d'un des créateurs de la série originelle de moderniser le genre tout en proposant un gameplay plus complexe à destination des puristes.
- Genre : 4X, Tactique au tour par tour, Stratégie
- Date de sortie : 3 décembre 2019
- Plateformes : PC (Epic Game Store), Xbox One et PS4 à venir
- Développeur : Snapshot Games
- Éditeur : Snapshot Games
- Prix : 39,99€
- Testé sur : PC
Double effet kisscool
Le réchauffement climatique et la fonte de la calotte glaciaire n'ont été que le cadet de nos problèmes dans l'avenir dépeint par Phoenix Point, cela a aussi libéré un virus alien qui a fait muter toute la faune et la flore océanique. Des chapes de brume ont ensuite couvert les terres, et la population de villes entières a disparu, avant de réapparaître sous la forme d'abomination mutées et meurtrières. Xcom étant occupé à lutter contre les aliens dans un monde alternatif, c'est à l'organisation Phoenix Point de gérer le problème, malheureusement celle-ci a déjà rencontré un "Game Over" puisque les pays qui la finançait ont retiré leur support depuis longtemps.
Ses bases sont abandonnées et son personnel est disséminé aux quatre vents. Il vous faudra donc faire renaître le projet de ses cendres, en cette chaude année 2047, durant laquelle la brume revient pour achever ce qu'il reste de l'humanité, qui en prime est divisée entre plusieurs factions hostiles les unes aux autres, chacune cloîtrée dans des refuges fortifiés.
Ne peut pas muter ce qui est déjà mort
Il vous faudra donc découvrir ce qu'il est advenu du projet Phoenix Point, établir des relations diplomatiques avec chaque faction, tout en repoussant les mutants aux 4 coins de la planète au quotidien. Si vous connaissez le genre, vous ne devriez pas être perdu. L'approche des factions est cependant plus proche de celle de X-Com Apocalypse que de XCOM 2: War of the chosen, il est tout à fait possible d'être ouvertement hostile vis-à-vis d'une faction et de l'attaquer pour voler ses ressources et ses technologies. Vous y serez d'ailleurs peut-être forcé si le jeu des alliance vous ferme sa porte. Il est d'ailleurs tout à fait possible de tenter d'accélérer les choses et de leur voler leurs vaisseaux de transports, avoir plusieurs Firebirds dès le début de la partie peut changer la donne, mais ce n'est pas facile et défendre votre base contre les humains n'est pas de tout repos.
Vous pourrez améliorer votre réputation en défendant les refuges d'une faction contre les attaques des mutants ou d'une autre faction, ou en accomplissant des missions spéciales. Cela vous permettra ensuite de faire du commerce, de recruter de nouveaux soldats avec des classes auparavant inaccessibles et bien d'autres choses. Chaque faction dispose aussi de ses propres avantages qu'elles finiront par partager avec vous, par exemple les Disciples d'Anu utilisent les mutations contrôlées de leurs troupes, alors que New Jericho préfère utiliser des technologies gauss perforantes et des armures lourdes, Synedron, quant à lui, fait usage de lasers et du camouflage entre autres. Le déroulement de la partie peut donc grandement changer en fonction de vos choix d'affiliation et de votre gestion de la diplomatie, une excellente chose pour un jeu du genre.
The Darkest Deep
Pendant que les humains se disputent, les mutants ne vont évidement pas se tourner leurs huit pouces, la brume va s'étendre petit à petit sur les terres en partant des océans, ce qui rendra les points d'intérêt plus dangereux et exposera les havres ainsi que vos bases à des attaques régulières. Des petits nids avec leurs propres mutations vont aussi être construits pour étendre le champ de leurs opérations, et s'ils sont laissés en paix trop longtemps, ils vont gagner en taille et en puissance, jusqu'à devenir d'énormes colonies mutantes capables de libérer des abominations bien plus puissants qui, en comparaison, donneront un air appétissant aux hommes crabes.
Et ce n'est pas tout, ces horreurs d'un autre monde semblent avoir une influence concrète sur la psyché humaine, comme dans le Mythe de Cthulhu, dont elles sont de toute évidence fortement inspirée. Les aiguilles de l'Horloge de la fin du monde tournent, et il faudra progresser suffisamment vite pour mettre un terme à la menace alien avant que l'humanité ne soit condamnée, le principe est assez similaire à la jauge du projet Avatar de Xcom 2. Il faudra donc vite trouver les vieilles bases du Projet Phoenix Point, débloquer les recherches, capturer un Pandorian vivant pour vivisection, et bien d'autres choses dont nous vous laissons la surprise. C'est assez classique mais efficace.
A good bug is a dead bug
Toujours fidèle à la vieille recette X-Com, Phoenix Point vous fera transporter un commando surarmé d'un point à l'autre via un transport aérien, ce qui permet d'être mobile et d'intervenir rapidement. Mais sa portée est limitée, et les développeurs ont fait un choix pour le moins étrange dans la gestion des déplacements aériens. Logiquement, votre vaisseau devrait avoir une portée maximale centrée sur votre base ou un point de ravitaillement, mais à la place, il ne peut que faire des sauts de puce d'un point d'intérêt à un autre sur la carte, même s'il n'est pas exploré et même s'il est hostile. Vous êtes donc forcé de scanner petit à petit la Terre pour atteindre les zones éloignées, vous ne pouvez pas voler en ligne droite, ce qui est contre-intuitif et assez frustrant.
De plus, vous ne pouvez pas être partout, ce qui justifiera rapidement l'usage de plusieurs bases, de plusieurs transports et de différentes équipes d'intervention, une chose qui faisait grandement défaut aux jeux de Firaxis. Malheureusement, l'aspect défense aérienne est totalement absent pour le moment, il faudra attendre un futur DLC, déjà annoncé pour y remédier d'une manière que nous espérons concluante. Pour le moment, les mutants sont plutôt passifs et prévisibles, ils se contentent d'attaquer un refuge de temps à autres pendant que la brume s'étend, l'exploration des points d'intérêts aléatoires avec leur lot de surprises, d'événements, d'embuscades et de ressources à défendre servent à meubler à la place, d'une manière souvent répétitive.
À défaut de pouvoir vous amuser avec vos avions, vous allez pouvoir prendre part à de nombreux types de missions au sol dans des affrontements tactiques au tour par tour. Basé sur le moteur Unity, Phoenix Point ressemble alors à s'y méprendre à XCOM 2 à de nombreux niveaux, que cela soit graphiquement, artistiquement, au niveau de l'interface ou des mécanismes des combats, ce qui n'est pas nécessairement surprenant. Il convient cependant de préciser que Phoenix Point sait aussi se démarquer et que des efforts ont été faits. Le système de combat basé sur les 2 actions a été abandonné au profit d'un système plus souple et plus profond de points d'action, qui se rapproche davantage des RPG au tour par tour, vous pouvez avancer de quelques cases, tirer, puis bouger à nouveau, ou alors tirer 2 fois sans bouger par exemple. Les capacités spéciales des différentes classes dépendent de points de volonté, obtenus en validant des objectifs ainsi qu'en tuant des ennemis, mais ils peuvent être perdus rapidement en cas de blessure à la tête ou de perte d'un allié. Cela a le défaut de vous donner un avantage écrasant quand tout va bien, et de vous maintenir la tête sous l'eau quand cela dégénère.
That's Xcom baby !
Le système de visée est, lui, radicalement différent, oubliez les blagues sur les tirs ratés à bout portant de Xcom, il n'y a ici tout simplement pas de pourcentages, mais à la place, une mire avec 2 cercles qui indiquent les chances que le ou les projectiles touchent un adversaire. Imaginez la taille de la mire dans un FPS. Toucher un ennemi éloigné sera difficile, mais en mêlée, même avec une arme imprécise et même s'il est derrière un obstacle, vous pourrez l'avoir. Chaque projectile est traité comme un objet physique, et les obstacles sur la trajectoire, comme un lampadaire et un muret, peuvent l'arrêter. Mais au moins, votre soldat ne tirera pas n'importe comment. Bien que ce système de ligne de visée ait encore de nombreux défauts et des imprécisions, voire des bugs, il s'avère tout de même relativement fiable.
Malheureusement, il indique mal quand seule une toute petite section de l'ennemi peut être touchée. De plus, la visée libre a tendance à mal fonctionner quand votre soldat est derrière un obstacle ou en hauteur. En revanche, le système permet aussi de faire des choses amusantes, comme tirer volontairement dans un mur fragile afin de le détruire et de toucher un ennemi qui se cachait derrière. Vous pouvez aussi toucher plusieurs ennemis avec une même rafale, ou alors toucher vos hommes avec des tirs de vigilance si vous avez oublié de tenir compte des lignes de tir et de la précision. Le friendly fire est une réalité dans ce jeu, et pas qu'avec les grenades et les roquettes.
It's just a scratch.
Ce qui rend ce système de visée particulièrement intéressant est que chaque section des ennemis et de vos soldats dispose de ses propres barres de vie et d'armure. Si, en face de vous, se trouvent des hommes crabes avec un bouclier lourd, tirer dans ce dernier n'accomplira pas grand chose. Mais si vous parvenez à toucher leur bras, et à le cisailler d'une rafale bien placée, le bouclier tombera au sol. La même technique peut être utilisée pour désarmer un ennemi. Ou vous pouvez viser l'arme elle-même, les pièces d'équipement étant destructibles. L'armure ne facilite pas les choses cependant, si un adversaire a une épaisse armure au niveau du torse, viser une jambe peut être plus efficace par exemple. Pour les ennemis les plus redoutables et les boss, il faudra bien choisir quoi viser et quand si vous ne voulez pas que votre escouade soit décimée. L'interface indique clairement quelles capacités sont liées à chaque section de l'ennemi, et c'est aussi vrai pour vos soldats. En résumé, ce système est comme une version simplifiée du VAT de Fallout, et il fonctionne incroyablement bien avec le système de mutation des ennemis.
Il n'y a que relativement peu de types d'ennemis. Mais chaque nid et chaque région disposent de certains types d'ennemis, eux-mêmes disposants de leurs propres mutations. Et il semble que les mutants tentent de contrer vos tactiques préférées d'une manière ou l'autre. Par exemple, après avoir pris la bonne habitude d'éclater la tête des mutants d'une bonne rafale à courte portée, ce qui est fâcheux mais mortel pour ces horreurs, certains ont développé un camouflage et un déplacement automatique à la réception de dégâts, ou des armures lourdes sur tout le corps. Nous avons été bien étonné et embarrassé de ne pouvoir achever ni retrouver un adversaire qui a pu se venger le tour suivant. Il a alors fallu apprendre à viser et détruire le torse pour cette variante de monstre, car le camouflage lui est lié. Cela permet de le tuer sereinement ensuite.
C'est la base
Visiblement, Phoenix Point a cherché à mettre l'accent sur les combats, puisqu'ils sont nombreux et fréquents, sur des cartes générées procéduralement (comme Xcom 2, c'est une rengaine). Alors que la gestion de base est plutôt simplifiée. Il y a différentes ressources à gérer, comme les types de matériaux, l'inventaire pour les objets, l'électricité, la place et le personnel militaire, mais on nous épargne cette fois le recrutement de scientifiques et d'ingénieurs, par exemple. Il y a juste à choisir dans quelle case l'installer, sans besoin d'excaver ni de s'assurer d'avoir le personnel requis.
C'est simple, mais loin d'être superficiel, et il faudra répartir les infrastructures entre les différences bases, entre ce qui doit être redondant ou non. Et comme dans Phoenix Point les munitions ne sont pas infinies, et que chaque chargeur doit être fabriqué en utilisant des ressources puis placé dans l'inventaire, il faut faire preuve d'un minimum de vigilance. L'interface est bien conçue, mais elle a encore des défauts et certains menus mal conçus n'aident pas, ce qui peut provoquer des situations déplaisantes, surtout quand les bugs s'en mêlent. Néanmoins, la gestion de l'inventaire enrichi d'ailleurs nettement le gameplay, puisque cela permet de compléter les talents et statistiques de vos soldats.
Le jeu ne vous force pas à respecter des règles arbitraires en la matière, votre Sniper peut transporter 8 grenades, ou les munitions de ses coéquipiers, et les échanger sur le terrain. Cela s'avère d'ailleurs nécessaire de bien gérer tout cela pour les missions les plus longues. Mais cela ne devient jamais rébarbatif, un excellent point. Cela permet aussi de donner une assez grande liberté dans la spécialisation de ses soldats, et de concevoir ses propres machines de mort, avec juste une touche aléatoire afin d'offrir une plus grande variété. Le fait que vous puissiez par la suite choisir une seconde classe pour vos soldats offre d'ailleurs une immense liberté en la matière, surtout combiné aux points de talents généraux de l'organisation en plus de ceux individuels (encore du XCOM 2, merci Jake Solomon).
Une fois que vos bases sont bien aménagées et que suffisamment de ressources sont à disposition, vous pouvez créer davantage de transports aériens, fabriquer de meilleures pièces d'équipement, et même produire des véhicules militaires bien armés afin de vous assister sur le terrain. Mais les choses mettent du temps à monter en puissance, en particulier l'équipement dont la progression n'est pas satisfaisante à l'heure actuelle. La Terre est vaste et le gameplay peut parfois être un peu répétitif par moment, lorsqu'on multiplie les petites batailles.
La résurrection hâtive du phénix
Malheureusement, après quelques dizaines d'heures de jeu, nous en sommes néanmoins arrivé à un triste constat, Phoenix Point est sorti sans être terminé, loin de là. Les bugs, parfois vraiment pénibles voire mortels se comptent par dizaines. Il n'est pas étonnant que le jeu ne propose pas de mode Ironman au départ, et que les missions aient même un bouton "Redémarrer" (mal placé au demeurant), car il n'est pas rare qu'un bug ou que les gros problèmes d'équilibrage vous mettent dans l'impasse. Recruter est incroyablement coûteux dans un jeu qui n'offre pourtant pas de vraies améliorations d'armure et où un soldat peut mourir sur un malentendu.
Le système de visée est un peu capricieux, mais pas autant que la gestion de la trajectoire des grenades et des missiles. Les zones d'effet des explosions sont quant à elles carrément fantaisistes, avec des ennemis au centre de l'explosion, qui peuvent subir ou non des dégâts extrêmes en fonction du placement au pixel prêt, pour des raisons obscures. L'IA des ennemis est efficace, mais on ne peut pas en dire autant de celle des robots et tourelles que vous déployez sur le champ de bataille, bizarrement il ne nous en est pas donné le contrôle direct, et ils n'hésitent pas à tirer dans le dos de vos hommes, ni à se faire exploser avec vos soldats s'ils sont trop proches de l'ennemi. De la même manière, les véhicules n'autorisent aucune personnalisation ni modification, il est inacceptable de remplacer 3 soldats par quelque chose qui va tomber à cours de munitions après quelques tirs imprécis.
Certaines des fonctionnalités initialement prévues pour la sortie sont absentes et arriveront en DLC, ou plus tard peut-être. Nous avons mentionné la défense aérienne, mais il y a aussi les béhémoths au sol, des monstres géants qu'il aurait fallu intercepter ou ralentir, qui avaient eu droit à pas mal de publicité, qui brillent par leur absence. Les refuges que vous assistez sont aussi dépourvus de défenseurs. Outre le fait que le rythme de la campagne soit problématique, tout semble encore manquer de finition à l'heure actuelle. Il est possible qu'après plusieurs reports, Snapshot Games n'ait pas osé repousser une nouvelle fois la date de sortie de Phoenix Point.
Voir la suite