Si on vous dit Tim Cain et Leonard Boyarsky, il y a de fortes chances que les plus vieux d'entre vous tendent l'oreille avec quelques souvenirs d'un lointain passé, où un certain Fallout débarquait sur MS-DOS en 1997, un CRPG post-apocalyptique où la guerre nucléaire donnait naissance à un nouveau monde de cynisme aux libertés nombreuses. Et souvenez-vous, Obsidian Entertainment, lui aussi, a travaillé sur Fallout, avec l'épisode New Vegas, considéré comme le meilleur épisode 3D de la série. Ce petit cours d'histoire, c'est avant tout pour remettre le contexte sur The Outer Worlds (à ne pas confondre avec Outer Wilds), ce nouveau RPG en vue à la première personne, sous la bannière de Private Division et développé par Obsidian, avec Cain et Boyarsky aux commandes d'un curieux RPG à la sauce "Bethesda" qui sort ce 25 octobre sur PC, PS4 et Xbox One. C'est fut l'occasion pour nous de poser les mains dessus et d'essayer de savoir si ce choc générationnel fonctionne.
- Genre : FPS, RPG
- Date de sortie : 25 octobre 2019
- Plateforme : PC, PS4, Xbox One
- Développeur : Obsidian Interractive
- Éditeur : Private Division
- Prix : 59,99€ disponible sur Amazon
- Testé sur : Xbox One X
Il était une fois dans l'espace
Un peu de blabla avant tout, ça ne fait jamais de mal. Et ça commence avec un petit message de propagande concernant le programme de colonie Halcyon, encadré par un paquet de multinationales et dont le but est d'empaqueter par milliers des colons dans un vaisseau, faire un voyage de 10 ans sous bio-stase et se réveiller, tout frais, au milieu d'un tout nouveau système solaire avec de la main-d’œuvre à revendre. Bref, un paradis pour la surproduction, l'exploitation et le patronat. Et puis on s'attarde sur Phinéas Welles, une sorte de Rick qui aurait troqué la binouze contre du speed et qui est venus chercher son Morty dans le vaisseau Espoir, à la dérive dans l'espace. Ce dernier était un gigantesque cargo spatial rempli de quelques dizaines de milliers de Terriens en capsule qui ne sont jamais arrivés à bon port.
Phinéas a l'air d'avoir la cavalerie de l'espace aux fesses, mais qu'importe, il est là pour chercher un habitant de l'Espoir et l'enlever de sa bio-stase (vous évidemment). S'engage alors un (long) moment de personnalisation de votre avatar, où vous allez décider de son sexe, son apparence et ses attributs. Intelligence, persuasion, arme à distance ou corps à corps, intimidation, science, etc. Chaque caractéristique déterminera votre habileté dans un domaine particulier et vous donnera quelques passifs (comme le faisait Fallout : New Vegas).
C'est bon, vous voilà prêt pour être ramené à la vie et larguer dans l'espace, juste à peine le temps que Phinéas vous explique que ça fait 70 ans que vous dérivez et qu'il a mis au point un moyen de contourner la liquéfaction du corps, qui résulte d'une trop grande durée sous bio-stase. Mais il a besoin de vous pour récupérer des composants biochimiques pour sortir tout le monde du sommeil, en route pour Terra 2, une des planètes de cette colonie, avec pour mission de trouver Alex Hawthorne, un contrebandier qui vous accompagnera et vous guidera dans votre quête. Du moins, c'était le plan prévu, avant que celui-ci finisse sous votre module de largage (les accidents, ça arrive).
C'est au travers de ce fil rouge que The Outer Worlds va tenter de raconter une histoire cynique envers le corporatisme et les politiques d'entreprises souvent ridicules. On sent l'humour noir et absurde, propre à Boyarski, quoi qu'assez peu subtil par moments, on se dit que le bougre a une plaie profonde et aime bien appuyer dessus très fort quand il en parle. Mais on relèvera tout de même l'effort qui a été fait pour que nos différents choix aient un impact à la fin de notre aventure, malheureusement regroupés au travers du simple résumé avant les crédits. Mais c'est aussi l'occasion de se rendre compte des mauvais choix qu'on a fait, ça nous donne envie de relancer le jeu derrière pour s'appliquer.
Et une fois aux commandes de notre personnage, pas de doute possible, on est dans une production "Bethesda-like". Ou du moins, il transpire "Elder Scrolls" de tous ses pores. Les mouvements sont lourds, le champ de vue (FOV) est très rapproché, il y a des objets à ramasser partout et tout le temps, et qui rempliront votre sac à dos en peu de temps (vous donnant un malus). Les dialogues se font avec un focus de la caméra sur la tronche du PNJ, les animations faciales sont plutôt robotiques, etc. On dirait qu'Obsidian est littéralement reparti de sa base sur New Vegas en appliquant l'Unreal Engine. D'ailleurs, ce dernier lui va plutôt bien, quoiqu'il reste assez vilain quand il s'agit d'afficher une grande plaine dégagée, la faute à une distance d'affichage ridicule couplée à un effet de brouillard assez peu convaincant et le tout est entrecoupé de temps de chargement nombreux et à rallonge. Heureusement, ceci est contrebalancé avec une direction artistique plutôt chouette, assez proche du futurisme et mélangé avec une grosse inspiration du côté de No Man's Sky en matière d'environnement. Notre version ayant été testée sur une Xbox One X, sachez que le jeu tourne en 4K à 30 images par seconde, mais que la console accusait régulièrement quelques petits sursauts quand l'écran se surchargeait et qu'il arrivait fréquemment que les textures chargent assez tardivement.
The Big Boyarsky
Évidemment, The Outer Worlds se concentre avant tout sur son scénario et ses dialogues, mais vous n'allez évidemment pas échapper aux phases de tir à l'arme à feu (ou au meulage de bouche à l'arme blanche). Et, comme dans n'importe quel Fallout en 3D, elles sont désagréables. C'est mou, les ennemis s'entassent devant vous sans broncher, humains comme animaux, et on essayera à tout prix d'éviter le contact au maximum. Et pour les petits malins, le jeu propose de l'infiltration, plutôt basique, que ce soit grâce à une IA aveugle, mais aussi avec un camouflage qui vous permet d'enfiler une tenue de garde pendant un temps maximum, tant que vous avez le badge de la zone interdite.
Mais pour en revenir aux gun-fights, et histoire d'être au plus proche de son lointain cousin, le VATS est ici remplacé par le DTT (Dilatation Temporelle tactique), un effet secondaire de votre longue bio-stase, qui permet de ralentir le temps pendant une durée limitée. Plus vous bougez ou tirez, plus la jauge de DTT se vide. En ralentissant le temps, vous pouvez viser des parties du corps et infliger des handicaps différents suivant la localisation des tirs. Et chaque type d'arme possède son petit effet supplémentaire, comme un renversement ou un K.O, de quoi forcer le joueur à faire du contrôle de foule quand les ennemis affluent un peu trop devant vous. Une bonne idée, mais assez peu exploitée, malheureusement, la boucle tourne vite en rond, la faute à un trop grand manque d'effets différents.
Plus vous allez vous battre (ou subir des dégâts) plus vous allez avoir la possibilité d'accepter des défauts. À force d'en ramasser et de vous en servir pour vous soigner, vous pouvez développer une dépendance à la bouffe, par exemple, ce qui aura pour effet de baisser des statistiques dès que votre ventre gargouille. La récompense derrière, c'est un point d'avantage gratuit, que vous gagnez tous les deux niveaux normalement. Celui-ci permet de débloquer des passifs particuliers, comme augmenter le poids maximum de votre sac à dos ou votre jauge maximum de DTT par exemple. Cette mécanique est plutôt rigolote et corse un peu plus la difficulté si vous jouez le jeu, mais l'intérêt reste assez limité, on sera très souvent rebuté à l'idée de s'infliger des malus, il aurait été plus préférable que ceux-ci soient imposés (et plus aléatoires ou intéressants, en s'inspirant des Rogue Like par exemple).
Évidemment, vous ne ferez pas cette aventure seul ! Ou du moins vous n'est pas obligé, car quelques compagnons pourront se greffer à vous (jusqu'à deux en excursions). Libre à vous de faire cavalier solitaire (certains avantages l'encouragent d'ailleurs), mais outre l'intérêt en combat (avec la possibilité d'avoir des capacités spéciales pour chacun), ces derniers, vous donneront des quêtes liées à leur histoire, dans la même veine que ce que proposait Mass Effect, et leur développement pourra vous intéresser suivant vos préférences. Ils pourront aussi grimper de niveau et offrir des bonus dans certaines statistiques, plutôt pratique si vous avez besoin de grappiller quelques points de score pour un dialogue ou une action. Enfin, ils interviendront dans votre aventure et fonctionneront parfois comme des consciences. Tout dépendra de leur tempérament, évidemment, mais ils donneront régulièrement leurs avis sur vos choix, de quoi vous donner un point de vue externe. Parfois, ils se tromperont (et vous pourrez même leur demander de la boucler une fois pour toutes), mais tout ceci rajoute un charme non négligeable aux différents compagnons et évite de les recaler au simple rôle de tank et de mule figurative.
Et heureusement qu'ils sont là, vos petits camarades, car il faut bien souligner quelque chose : malgré la grosse envie de Cain et Bayorski de vouloir retrouver le cynisme et la critique de société si propre à Fallout, The Outer Worlds a un peu de mal à nous captiver au début. Plutôt pressé dans son démarrage, le jeu va tout de même prendre son temps et nous donner quelques quêtes dignes des pires MMORPG, nous recalant au simple larbin qui doit cavaler aux quatre coins du système solaire dans le seul but de porter un message ou de ramener une babiole, le tout dans une incohérence totale, pourquoi proposer un dialogue pour enseigner de l'ingénierie à un type, avec un score minimum dans cette stat, si c'est pour nous proposer une quête de recherche du manuel qu'on peut débloquer sans la statistique ? Des erreurs du genre, The Outer Worlds n'en n'est pas avare.
Slave of outer space
Et il va falloir attendre dix bonnes heures (sur les vingt) pour que les différents terminaux qu'on déverrouille nous apprennent des choses intéressantes sur le lore et que les quêtes de Faction se débloquent un peu plus et proposent des enjeux un peu moins manichéens. Parce que oui, comme Fallout New Vegas (encore), le principe de faction est de retour, mais pas aussi poussé que dans ce dernier. Bien évidemment, vos actions rempliront une jauge de bienveillance ou de colère à votre égard concernant les différentes factions, mais, par exemple, la tenue n'aura, elle, qu'une maigre influence sur vos dialogues, avec, souvent, une petite remarque disant "faites gaffes, on n'aime pas trop les gars dans votre genre par ici" si vous portez les couleurs du voisin de palier concurrent. Mais impossible de faire porter le chapeau à d'autres, impossible de débarquer dans une ville de brutes en se faisant passer pour l'un des leurs, et gagner de la réputation auprès d'une faction ne fait pas baisser celle des autres, vous pouvez être ami avec tout le monde si vous vous débrouillez bien. C'est dommage !
Reste tout de même un problème de taille dans cet univers, où on nous promet de l'exploration spatiale dans un système solaire avec huit astres, mais dont seulement quatre sont disponibles (impossible de savoir si les autres sont prévus en DLC ou s'ils font simplement office de décoration). Chaque planète est souvent séparée en deux ou trois régions plutôt petites, les villes sont de simples quartiers entourés de murs, puis de zones assez minuscules à l'échelle de la planète. Et malgré ça, on trouve quand même le moyen d'user et abuser des voyages rapides tellement aucun chemin n'est intéressant à emprunter, à part pour faire un peu d'expérience gratuite en tirant sur toutes les créatures hostiles que vous croisez. Si Fallout avait ce côté enivrant de découvrir un monde détruit en pleine reconstruction, Halcyon est censé être le renouveau de la civilisation humaine, 70 années après ce programme de colonisation, pour lequel on a envoyé des colons en masse par palettes de dix mille.
Et si le fossé entre Byzance, la ville des classes supérieures, et l'autre est plutôt bien marqué, on a quand même très souvent l'impression de n'avoir qu'un échantillon de ce système solaire, avec quelques véhicules de transport qui passent çà et là, des bâtiments et des paysages au loin inatteignables et des villes au format miniature, mise l'une à côté de l'autre, comme si la planète faisait deux hectares maximum. Et que dire de l'Imposteur, votre vaisseau/maison que vous récupérez dès le début du jeu après un échange vide de sens avec ADA, l'IA du vaisseau, et qui ne sert que de temps de chargement supplémentaire pour aller d'une planète à l'autre (et abriter quatre ou cinq dialogues de quêtes). On aurait aimé pouvoir au moins le personnaliser, l'améliorer, l'avoir un peu plus au centre de l'histoire, comme on pouvait le faire dans Mass Effect 2 avec le Normandy SR-2. Il n'y a même pas une animation sympathique de voyage spatial, quand on sélectionne une planète, on se contente juste d'un temps de chargement déguisé par le déplacement de notre icône sur la carte.
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