L'exploration spatiale est sûrement le rêve le plus fou de l'Homme. Cela fait des années et des années que l'on court après, que l'on avance technologiquement dans le seul but d'arpenter les millions d'années-lumière qui séparent notre bonne vieille Terre de l'inconnu. C'est avec cette idée bien en tête qu'Alex Beachum, le Creative Director de Mobius Digital, commence à développer Outer Wilds, fraîchement diplômé d'un master en Interactive Media & Game division à l'USC. Inspiré d'Apollo 13 ou 2001 : l'Odyssée de l'Espace, il s'élance dans un projet étudiant fou, où l'exploration spatiale est au centre, avec un univers censé représenter au maximum les lois de la physique, implacable et quantique. Alors en alpha en 2015, Outer Wilds va connaître un bond gigantesque dans sa production, notamment grâce au coup de pouce de Masi Oka, l'acteur connu entre autres pour son rôle dans la série Heroes, qui va engager toute l'équipe dans son studio de développement Mobius Digital, demandera un financement participatif sur Fig (qui sera complété à 220%) avant de recevoir un autre coup de pouce de l'éditeur Annapurna Interactive, plutôt emballé par le projet. Vous voilà avec tout le contexte, l'aventure peut commencer.
- Genre : Aventure, Exploration
- Date de sortie : 30 mai 2019
- Plateforme : PC, Xbox One
- Développeur : Mobius Digital
- Éditeur : Annapurna Interactive
- Prix : 20,99€
- Testé sur : PC
Nomaï No Cry
"Appuyer sur X pour vous réveiller", c'est avec cette première interaction que le jeu commence. Vous voilà aux commandes d'un jeune spationaute, prêt à faire ses premiers petits pas dans l'espace. On y voit une gigantesque planète verdâtre au-dessus de nous, des étoiles à perte de vue et un petit alien avec quatre yeux, se grillant une petite guimauve près d'un feu de camp. Ce dernier nous appelle Petite-pierre et nous demande avant tout de trouver les codes de lancements pour notre vaisseau. Nous voilà donc à crapahuter dans le petit village de spationaute, à devoir parler aux différents PNJ sur place pour connaître ce foutu code, impatient qu'on est de décoller. Pourtant, cette phase de recherche est la plus importante pour le voyage qui nous attend, car elle sert avant tout de tutoriel. Apprendre à se diriger en gravité zéro, comprendre le fonctionnement des pierres quantiques, apprendre à se servir du décrypteur pour lire les langages inconnus, utiliser l'onduloscope pour repérer des sons (sans réelle limite de distance), etc. Bien entendu, vous pouvez complètement passer outre en fonçant à l'observatoire pour récupérer votre bien et découvrir à la dure toutes ces mécaniques dans le feu de l'action, chacun voit la vie du côté qu'il l'entend. Outer Wilds vous demande seulement une chose : Essayez. Vous n'avez rien à perdre si ce n'est du temps, et comme disait l'autre, "prends ton temps, la vie n'est qu'un moment".
Attention tout de même, bien que la philosophie s'en rapproche, Outer Wilds n'est pas un Rogue Like. Il s'agit bien d'un jeu d'exploration, qui va avant tout vous frotter avec l'inconnu et titiller votre curiosité, des choses suffisamment rares dans ce média pour être soulignées. D'ailleurs, dès votre premier décollage, votre excitation sera sans égal. Ce fantastique moment où les propulseurs s'enclenchent, le gigantesque soleil se dévoile à mesure que vous vous élevez dans la stratosphère, vous appuyez un peu sur tous les boutons pour appréhender votre bicoque mobile et soudain vous ouvrez la carte. Vous vous rendez compte que, même s'il n'y a pas dix trillions de planètes, Outer Wilds sait être impressionnant et intimidant. Du haut de ses six grands astres à explorer (en plus de quelques structures, lunes et autres surprises), le titre saura vous recadrer direct dès le moment où vous prendrez conscience du monde qui vous entoure, vous sentant presque obligé de vous poser sur La Rocaille, la lune d'Astrebois (votre planète de départ), ne serait-ce que pour encaisser la nouvelle et surtout, commencer à explorer les lieux. C'est après une petite escapade (et la rencontre d'un de vos congénères sifflotant au coin d'un feu) que tout commence à se mettre en marche. Vous allez pouvoir lire vos premières inscriptions Nomaï sur des murs, une race alien antique aux sombres mystères mais éteinte depuis. Ces derniers, très avancés technologiquement, se sont échoués dans ce système solaire suite à un signal envoyé par un astre à la fois constant dans ce système mais pourtant invisible, ou du moins, loin du regard. Les Nomaï étant des êtres curieux et obsédés par l'inconnu, ces derniers furent alors dévoués à résoudre ce mystère, dont vous reprenez le flambeau dès aujourd'hui. Ce fil rouge sera le seul repère de votre aventure, le reste ne sera que déduction et curiosité en utilisant vos différents outils (surtout l'onduloscope) ou en parlant avec les quelques collègues que vous croiserez. Le jeu a d'ailleurs le bon goût de noter vos différentes trouvailles dans un journal à bord de votre vaisseau, tissant un lien entre chaque rumeur lue, entendue ou vérifiée, afin de vous aider dans votre aventure. Mais ce sera la seule aide que le jeu vous donnera, pas de marqueurs grouillant sur la carte, pas d'indications sur votre ATH, pas de PNJ spécifique aux poches remplies d'indices ; le titre ne réclame que votre cerveau et votre jugeote, vous laissant soulever le rideau de l'aventure, centimètre par centimètre, afin de dévoiler l'intrigue. Mais soudain, sans trop comprendre pourquoi, une musique mélancolique se déclenche et vous apercevez l'étoile centrale du système qui explose dans une supernova haute en couleur, vous emportant dans son souffle. "Appuyer sur X pour vous réveiller".
22 minutes to midnight
Vous l'aurez compris, une boucle temporelle vient de se créer, de 22 minutes exactement. Fortement inspiré du Zelda le plus audacieux de la série, Majora's Mask, et de l'excellent film d'Harold Ramis Un jour sans fin, Outer Wilds va ancrer cette mécanique au centre même de l'aventure. Tel un Bill Murray de l'espace, vous allez devoir comprendre comment fonctionne cette boucle et faire avec. Fort heureusement pour vous, malgré votre mort régulière et prématurée, vous vous souvenez de tout, y compris vos notes de voyages, afin de pas trop être perdu. Mobius Digital aurait pu laisser le joueur s'équiper d'un bout de papier et d'un crayon pour rester "cohérent et réaliste", mais ces derniers ont préféré jouer la carte du pratique ; Les joueurs auront déjà suffisamment à chercher, garder les notes dans un coin semble assez fair-play. Surtout que des bizarreries, l'univers que dépeint Outer Wilds en regorge ! Que ce soient ces planètes jumelles qui tournent sur elles-mêmes et s'échangent du sable, bloquant des passages pour l'une et découvrant certains pour l'autre, ou encore Cravité, une planète avec un trou noir en son sein et qui s'effondre petit à petit sur elle-même, l'univers est curieux, dense et plein de surprises qu'il faudra apprendre à maîtriser. Au travers d'une DA un poil trop minimaliste et cartoonesque (forcément plus léger pour le moteur de jeu pour aller de planète en planète sans temps de chargement), chaque endroit visité sera un pas de plus vers l'inconnu, il saura même être angoissant par moments, voire effrayant, rendant chacun de vos pas comme potentiellement le dernier avant de revenir au début, nous forçant, paradoxalement, à prendre notre temps. Mais, comme dit plus haut, l'échec est une composante essentielle et Alex Beachum l'explique à sa manière, comme a pu le faire Hidetaka Miyazaki au travers du Rogue-Like. Mourir et recommencer est une chose, mais chaque session vous donnera au moins la réponse à l'une de vos questions (à moins d'une mort stupide mettant en scène votre vaisseau, le soleil, et un pilote automatique tout sauf prudent). Le tout est ponctué d'une bande-son alternant entre banjo pincé et phases de post-rock-electro, dont chaque morceau décrit avec minutie ce qui se passe à l'écran, tout en sachant être silencieux quand il le faut.
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