Cela fait déjà un moment que l'on entend parler de Greedfall, le nouveau RPG de Spiders, notamment à travers diverses vidéos de gameplay, mais aussi présentant le processus créatif. Et le moins que l'on puisse dire est que le thème semble avoir inspiré le studio parisien avec sa direction artistique prenant place à la grande époque des explorations et des découvertes de nouveaux mondes où s'installer, pour le meilleur comme pour le pire en ce qui concerne les autochtones. Bien qu'inspiré du XVIIe siècle, le titre n'est toutefois pas exempt de magie et autres créatures surnaturelles. Il est donc temps d'embarquer pour Teer Fradee et de voir ce que vaut le voyage.
- Genre : RPG
- Date de sortie : 10 septembre 2018
- Plateforme : PC, PS4, Xbox One
- Développeur : Spiders
- Éditeur : Focus Home Interactive
- Prix : 49,99€, disponible sur Amazon
- Testé sur : PC
Terra Incognita
C'est à Sérène, un comptoir marchand ayant connu son heure de gloire par le passé et l'un des ports les plus importants du Continent, que débute l'aventure de De Sardet. Sa mère étant la sœur du Prince d'Orsay, il (ou elle suivant votre choix) a été élevé(e) au côté de son cousin Constantin, le fils du Prince et a donc pu bénéficier d'une éducation raffinée et de qualité, notamment de la part de M. de Courcillon, l'enseignant d'histoire, de politique et de diplomatie, comme d'un bon entraînement au combat aux côtés de Kurt, le maître d'arme de la Cour.
Mais depuis quelque temps, la ville est frappée par la malichor, une maladie inconnue qui décime la population, et ses relations avec la guilde de marins des Nautes se sont détériorées, tant et si bien qu'elle a perdu de son attractivité. Notre mère, atteinte de la malichor, vit d'ailleurs ses derniers instants, mais il faut tout de même nous résoudre à la quitter suite à notre nomination au titre de légat (diplomate) sur l'île de Teer Fradee où nous accompagnons notre cousin qui reprend le poste de Gouverneur pour la Congrégation Marchande de Sérène.
Après avoir signalé notre départ aux deux alliés commerciaux de la Congrégation, à savoir les scientifiques bornés de l'Alliance du Pont et les religieux extrémistes de Thélème, il nous faut encore retrouver notre cousin, toujours à même de se mettre dans de mauvais draps d'où nous devons l'extirper, avant de pouvoir prendre la mer avec les Nautes, sous les ordres du capitaine Vasco. Dédaigné par son père qui pleure encore son premier fils décédé et délaissé par sa mère bien trop préoccupée par ses affaires, Constantin ressent cette nomination de gouverneur comme une épreuve, mais cela ne l'empêche toutefois pas de faire preuve de beaucoup d'enthousiasme pour cette aventure et toutes les découvertes qu'elle promet.
Il faut dire que cette île encore sauvage est magnifique et regorge de gisements, pour certains inconnus. C'est pourquoi elle suscite tous les espoirs en termes commerciaux comme le retour à une nouvelle ère de splendeur et la perspective de découvrir peut être un remède à la malichor. Mais il s'agit aussi d'une terre sacrée pour les Natifs de l'île et il faudra donc également tenir compte de cet aspect. Nouvelle-Sérène, la cité marchande de la Congrégation sur Teer Fradee, se trouve à mi-chemin entre celle de Thélème, (San Matheus à l'ouest) et celle de l'Alliance du Pont (Hikmet à l'est), sans oublier le village des lances rouges (Vedrhais au nord). Síora, fille de la cheffe Blánid qui nous prend au premier abord pour l'un des leurs du fait de la marque que nous portons sur notre visage, viendra d'ailleurs solliciter notre aide pour éviter un bain de sang. L'Alliance est en effet en conflit ouvert avec les Natifs alors même que Thélème essaie de son côté de convertir ces sauvages hérétiques à tout prix. De plus, bien qu'aucun affrontement n'ait encore eu lieu sur l'île, ces deux nations sont en guerre sur le Continent. Il va donc nous falloir naviguer en eaux troubles afin d'éviter de froisser les susceptibilités de chacun tout en cherchant à percer les lourds secrets enfouis ici.
Vous prendrez bien un peu de baroque ?
La direction artistique de Greedfall avait déjà été remarquée et elle se confirme clairement une fois en jeu. On retrouve tout l'art baroque du XVIIe siècle avec ses couleurs chaudes et sombres dans des décors grandioses. Les cinématiques ont d'ailleurs un véritable cachet tant qu'elles n'utilisent pas le moteur du jeu. Dans ce dernier cas, en effet, les éclairages et les ombres peuvent donner des résultats un peu étranges et le rendu des visages s'en trouve alors particulièrement altéré, notamment au niveau de la bouche et des yeux, mais aussi parfois de la peau, dommage. Mais ce n'est pas toujours le cas, le rendu est aussi parfois tout à fait honorable. Un autre aspect nous a aussi gêné lorsque l'on passe du jeu aux cinématiques et inversement, des personnages debout se retrouvent parfois assis ou l'inverse, et des personnages absents le plan précédent peuvent se retrouver subitement présents ou au contraire disparaître sur le plan suivant, cela nuit malheureusement à la crédibilité et à l'immersion.
Un autre point fâcheux réside dans l'animation des PNJ qui ont parfois un comportement bien étrange ou peuvent marcher inlassablement en direction d'un mur, ou être bloqués par un obstacle sur leur route, comme si de rien n'était, bruits de pas à l'appui. De même, notre personnage peut lui-même adopter cette attitude si l'on continue de le faire avancer en direction d'un mur ou d'un obstacle que l'on n'aura parfois même pas vu. Et comme il est impossible de sauter, il faudra contourner celui-ci. Dans le même ordre d'idées, il n'est pas envisageable de monter sur quelque chose ou d'en descendre si cela n'a pas été prévu par le jeu. Il n'est pas non plus possible de nager et on reste donc bloqué face à une surface aqueuse. Des petits riens qui finissent par s’avérer contraignants.
Même si cela ne remet pas en question la qualité de la direction artistique du jeu, il faut aussi reconnaître que les graphismes manquent de finesse. Si certains parviennent malgré tout à largement tirer leur épingle du jeu, d'autres le font un peu moins. Il ne faut alors pas trop les regarder de près. Notons également la présence d'un cycle jour/nuit qui apporte un peu de variété. La technique du recyclage a malheureusement aussi été utilisée, ce qui fait que l'on retrouve parfois des décors similaires, comme l'intérieur de nos appartements, quelle que soit la ville, ou encore les palais et autres ambassades. Même les tableaux sont identiques dans toutes les demeures, un détail qui aurait facilement pu être évité.
En dehors de cela, le jeu est techniquement au point, même si certaines défaillances comme les armes qui n'apparaissent pas dans la visualisation de l'équipement, les compagnons qui restent bloqués au feu de camp et ne nous suivent plus, ou encore une quête buggée qui nécessite de relancer la partie pour pouvoir achever l'adversaire final, arrivent parfois.
Au niveau de la bande-son du titre, nous retrouvons le compositeur Olivier Derivière qui, une fois encore, a effectué un très bon travail. Il nous explique d'ailleurs lui-même qu'il a voulu utiliser pour les Natifs une musique simple rappelant la nature, tout en méditation et en introspection, et créer le contraste avec les colons pour lesquels il a retenu un orchestre et une musique grandiose évoquant la découverte et les grands films du genre. Au niveau du doublage, le travail est également de très bonne facture, mais n'est disponible qu'en anglais avec bien entendu des sous-titres en français.
Un diplomate ne dit jamais non, au pire, il dit peut-être
Si Greedfall prend place dans ce qui ressemble à un monde ouvert, il se décompose toutefois en plusieurs zones entre lesquelles il faut "voyager". Il s'agit en fait de charger la carte suivante et l'idée de nous envoyer alors dans le campement des bois où l'on peut réorganiser notre équipe, choisir les équipements de chacun, procéder à du commerce, s'adonner à de l'artisanat et gérer son stock est une très bonne initiative à retenir. On peut sinon aller où l'on veut sur la carte, mais des murs parfois invisibles limiteront de manière pas très habile notre liberté, d'autant plus aisément que l'on ne peut ni sauter ni nager. On découvre malgré tout avec entrain cette île toute en verdure avec un volcan éteint en son centre. Sa flore et sa faune sont riches et l'on croise tout aussi bien des animaux ressemblant à ceux du continent (buffles ours, loups, ...), y compris certaines espèces quasiment disparues autour de Sérène (cerfs, renards, ...), mais aussi des animaux comparables à rien de connu, tout particulièrement les gardiens (Dautríg) dont la taille peut être vraiment imposante. Ce sont eux qui seraient venus en aide aux Natifs lors d'une première invasion d'un peuple venu de la mer pour s'installer à Teer Fradee sans aucun respect de la nature.
L'île est en quelque sorte un personnage central de Greedfall, mais l'aspect diplomatique est également au cœur de notre épopée, ce qui est incontournable pour un légat. Se retrouver pris en étau au milieu des divers conflits opposants les différentes factions nous oblige à soigner nos propos, d'autant plus que les relations que nous avons avec chacune d'entre elles a des répercussions à prendre en considération. L'univers de Greedfall est florissant et son histoire prenante avec les relations entre colons et natifs au centre, mais aussi l'influence de la religion comme de la science que tout oppose.
Un aspect important du titre réside également dans les combats, que ce soit face aux bandits, aux animaux sauvages ou encore aux gardiens que l'on ne manque pas de croiser. Ceux-ci reposent sur deux armes de mêlée et une arme à feu, autour de 3 types d'attaques : l'attaque de base, l'attaque déséquilibrante pour faire chuter l'ennemi et l'attaque furieuse lorsque l'on a engrangé suffisamment de furie et qui touche systématiquement. À cela, il faut rajouter la parade et l'esquive, ainsi que certains éléments magiques comme la stase qui fige les adversaires quelques instants, les pièges et les diverses potions que l'on peut ingurgiter pour se renforcer ou se soigner. La confrontation avec la première créature gigantesque s'avère surprenante après les péons insignifiants croisés préalablement. Il en est de même des défis de l'arène de la Garde du Denier à Nouvelle-Sérène. Sans être désagréables, les combats nous ont toutefois semblé insuffisamment intuitifs et manquant un peu de souplesse. De plus, si l'on sort de la zone dédiée au combat, celui-ci prend fin instantanément, pas très réaliste. La pause tactique, qui permet d'arrêter le combat pour obtenir des informations détaillées sur les ennemis et/ou choisir une action à exécuter, est une bonne option que l'on retiendra. Ne pouvant utiliser que 12 raccourcis et disposant de nombreux types de pièges et de potions, cela s'avère effectivement très pratique.
Greedfall étant un RPG, nous commençons bien entendu par définir le personnage que l'on veut jouer (sexe, visage, couleur, coiffure, ...) et l'on doit choisir compétences (Guerrier, Technique, Magie), attributs (force, agilité, puissance, constitution, précision, volonté) et talents (charisme, science, crochetage, vigueur, artisanat, intuition) de départ, mais ensuite, rien n'est figé, et les nouveaux points obtenus avec l'expérience ou sur le terrain (autels) pourront être affectés là où bon nous semble. Il est même possible de réinitialiser les compétences en obtenant un cristal de mémoire. RPG oblige toujours, notre équipement doit être choisi avec minutie pour obtenir les bonus les plus utiles, pour nous comme pour nos compagnons. Certains personnages choisissent en effet de nous accompagner pour nous prêter main forte. À nous de choisir les deux qui rejoindront notre équipe en fonction des besoins du moment. Concernant les équipements, celui du torse comporte une identité propre à une faction et le revêtir peut nous permettre de nous faufiler discrètement dans les zones contrôlées par cette faction. Il reste toutefois curieux que seul le torse importe et qu'aucune considération ne soit portée aux compagnons à nos côtés.
N'oublions pas aussi l'artisanat et le loot qui foisonne, peut être même un peu trop, les villes regorgent de coffres à fouiller dont on finit par se lasser tant il y en a. De plus, le poids que l'on peut porter sans encombre est limité et au-delà de ce maximum, il ne sera plus possible de courir, ce qui est bien handicapant. Il faudra alors passer par les marchands ou par notre coffre de stock dans nos appartements ou les campements disséminés sur la carte. L'artisanat, quant à lui, consiste à améliorer armes et armures et à fabriquer potions et pièges, à condition bien entendu de disposer des ingrédients nécessaires en quantité suffisante et des connaissance suffisantes en artisanat ou en science.
Enfin, les quêtes, suffisamment nombreuses pour nous occuper une trentaine d'heures, nous amènent à mener des enquêtes et apporter notre aide à certains personnages, y compris nos compagnons. Si la quête principale suit l'histoire du jeu, les quêtes secondaires ne sont pas en reste et viennent étoffer le lore et permettent de faire davantage connaissance avec les différents personnages, même si parfois, il s'agit de faire des allers-retours qui peuvent paraître superflus. La plus grande liberté a voulu être donnée dans la résolution des quêtes et chacun pourra utiliser la méthode de son choix en fonction aussi de ses compétences : ruse, persuasion, intuition, corruption, menace, combat, etc. Et ceci est bien appréciable.
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