C'est une éminence grise de la scène compétitive de League of Legends — comme il le dit lui même "un homme de l'ombre" — et pourtant c'est l'un des architectes principaux du succès de Team BDS, l'organisation suisse qui rejoindra le championnat européen la saison prochaine, en place de Schalke 04. De Rainbow Six : Siege à Valorant, en passant pas Rocket League et League of Legends, le parcours de la structure bleu-blanc-rose est le récit d'une ascension aussi rapide que prodigieuse, ayant porté plusieurs rosters vers les plus hautes sphères de leurs scènes compétitives respectives.
Six Invitational, EU RLCS, LFL, et tellement d'autres — en quelques années, Team BDS s'est taillé une part de lion, se dressant progressivement comme une des organisations multigaming sur laquelle il faudra compter dans les années à venir. Et cette progression exponentielle ne semble pas être sur le point de s'arrêter, puisque l'organisation suisse vient tout juste d'annoncer l'acquisition du slot LEC du FC Schalke 04.
Depuis le rebranding de la Ligue européenne en 2019, et son passage à un modèle franchisé, le paysage compétitif européen n'a que très peu évolué. Et pourtant, il est sur le point de changer, car la pandémie a fait naître de nouveaux défis pour beaucoup de structures, et notamment pour le FC Schalke 04. Le club allemand, dont le corps de métier est avant tout le football, a énormément souffert de l'absence des matchs en stade, et des recettes liées à la vente des tickets . Et, puisqu'ils ont fini derniers de la Bundesliga, ils ont été relégués en division deux — ce qui entraîne, on l'imagine, une perte de revenus conséquentes, liée au départ de certains annonceurs. Ça les a forcés à prendre une décision difficile : ventre leur slot au sein du championnat européen de League of Legends.
Et, c'est là que Team BDS intervient.
Une ascension fulgurante
Quoique la rumeur ait battu son plein depuis plusieurs semaines, puisque la situation de Schalke 04 était bien connue depuis un certain temps, on ne savait pas vraiment quelle organisation rejoindrait finalement le LEC. Et pour cause, de nombreuses clauses de confidentialité entourait le processus de vente, dont la négociation a en réalité été assez rapide. En fait, BDS aurait pris contact avec le club allemand dès début 2021, et la suite se serait déroulée en coulisses au cours des mois qui ont suivis.
Après avoir écumé la LFL pendant une saison, on peut honnêtement se demander si le fait de rejoindre un European Regional League avant de mettre le pied dans une Ligue majeure faisait partie de la stratégie de l'organisation suisse — afin de pouvoir se tester avant d'entrer dans la cour des grands. Pourtant, la réalité est un peu plus complexe, puisque si Alexandre Lopez confirme que BDS lorgnait vers le LEC depuis un certain temps, en revanche il ne peut dissimuler sa propre surprise face à la vitesse à laquelle ils sont parvenus à atteindre leur objectif.
"Le LEC, c'est le rêve ultime, on va pas se mentir. [...], commente le directeur stratégique, "On veut tous aller dans la meilleure ligue régionale, voire mondiale — donc c'est clair que c'était un objectif. Et effectivement, le timing fait qu'on a eu cette opportunité avec Schalke, donc on a foncé. On s'est dit : c'est une opportunité unique. [...] Même moi j'ai été surpris par la rapidité d'évolution, parce qu'on a que deux ans."
Et effectivement, BDS fait encore office de nourrisson dans la boîte de Pétri effervescente qu'est aujourd'hui le monde de l'esport. D'abord portée par son roster Rainbow Six, puis par son trio Rocket League, et dernièrement par ses cinqs sur League of Legends et Valorant, l'organisation suisse prétend désormais à un rayonnement multigaming et international très largement insufflé par son fondateur.
Fan invétéré de Rocket League, et d'esports en général, Patrice Bailo de Spoelberch voulait une équipe Rocket League, et une équipe "top mondiale" — et c'est cette passion de la discipline qui l'a motivé à créer les bleu-blanc-rose. "L'évolution peut paraître extrêmement rapide, peut-être précipitée pour certaines personnes," explique Alexandre Lopez, "mais c'est de la passion."
LoL en fer de lance
On pourrait presque croire que BDS a été fondée sur un coup de tête, nourri par la passion d'un investisseur milliardaire que les défis de l'esport fascinent. Et pourtant, l'idée remonte a plus loin — à 2015 pour être précis, soit presque aux prémices de la scène compétitive de League of Legends — et si l'organisation suisse a fait ses débuts sur d'autres scènes, "LoL a toujours été un objectif." Et on le comprend bien, car au royaume de l'esport, il n'y a qu'un seul roi, et il s'appelle League.
"On va pas se mentir, c'est clairement le meilleur jeu de la scène esport, de manière incontestable et indéniable. Quand on veut devenir une top structure mondiale, et c'est l'ambition de BDS, on ne peut pas faire sans League of Legends. C'était une suite logique, mais qui a effectivement été précipitée par la vente du slot de Schalke."
Pourtant, initialement, BDs voulait "prendre le temps d'y arriver", en passant par la case apprentissage — et la LFL, qu'ils ont rejoint en 2019, devait précisément servir cet objectif. D'ailleurs le parcours de l'organisation suisse en est révélateur, puisqu'ils font partie de la toute dernière promotion des équipes qualifiées depuis la Div 2.
"LoL est une locomotive à part entière, [...]" conclue Alexandre Lopez,"C'est des audiences qui sont plus significatives que le reste, les fan-bases sont plsu développées, les structures mettent plus de moyens sur les éco-systèmes [...] [donc] je pense que naturellement League of Legends va devenir la locomotive, au moins médiatique, de BDS."
26.5 millions pour un slot en LEC
Le chiffre paraît colossal, d'autant plus quand on sait que Schalke 04 avait initialement déboursé environ 8 millions d'euros pour obtenir sa place en Ligue européenne. En fait, il s'agit d'une évolution de 231% en deux ans — ce qui en dit long sur la croissance de la scène compétitive de League, ainsi que sur celle de l'esport en général. D'ailleurs, ce chiffre ne semble pas si fou que ça, puisqu'il s'aligne sur le prix des franchises de la Call of Duty League.
En réalité, BDS a fait appel à un cabinet d'audit spécialisé qui a estimé la valeur du slot entre 24 et 26 millions d'euros — une somme plutôt coquette, associée à des coups additionnels comme le centre d'entraînement de l'organisation, situé à Genève, ou la future gaming house à Berlin. Toutes ces dépenses
"Nous, on croit réellement au potentiel de l'esport [...] donc c'est effectivement de grosses dépenses [...] mais y a des axes de rentabilité qui sont lointains, faut pas se mentir non plus, [...] mais c'est fort probable qu'on arrive à un seuil de rentabilité dans quelques années."
Les bonnes nouvelles
Quoique BDS soit en partance pour le LEC, l'organisation suisse ne compte pas diminuer son investissement en Ligue française, bien au contraire. Alexandre Lopez assure que le roster conservera bien sa place, devenant ainsi l'équipe académique de la structure. Plus encore, le directeur stratégique souligne que BDS est prête à donner des opportunités à ses joueurs actuels de se hisser d'une ligue à l'autre. Pour l'instant, on ne sait évidemment rien de ce que seront les bleu-blanc-rose dans la Faille, car la première étape du recrutement s'attachera à sélectionner le staff technique berlinois.
Coachs, préparateurs mentaux, marketing, communication — au total, une dizaine de personnes viendront bientôt chaperonner la nouvelle équipe du LEC. Cerise sur le gâteau, BDS veut "permettre au staff de Schalke de pouvoir continuer [...] à travailler chez BDS." Alexandre Lopez ne s'en cache pas : il trouve que les hommes et femmes de l'ombre de S04 "ont fait un travail exceptionnel depuis le début, et malheureusement ils n'ont rien demandé à personne."
"On serait ravis de leur donner la chance de continuer à mener la barque, sous un nouveau tag," conclue le directeur stratégique. Du côté des futurs joueurs de BDS, Alexandre Lopez se fend d'une excuse, soulignant que le processus est encore loin d'être abouti pour pouvoir révéler des noms, mais il insiste avec véhémence sur un point : l'organisation suisse "a une réelle volonté de donner sa chance aux talents ERL, et principalement de la LFL. On veut que BDS soit un tremplin."
Et Nuclearint ?
L'ascension de BDS ne se fait évidemment pas sans oeufs cassés, et parmi eux on pense évidemment aux joueurs récemment recrutés ou promus par Schalke 04 — et tout particulièrement à Nuclearint. "Je suis pas dans un optique de lui dire :' ouai merci pour les travaux et bonne chance pour le mercato," confie Alexandre Lopez, qui ne cache pas le fan de Nuclear qui se trouve en lui, "mais ça j'en parlerai directement avec lui : des ses ambitions, de ce qu'il a envie de faire... et c'est valable pour tous les autres joueurs."
Quoique le directeur stratégique n'ait bien évidemment pas pu confirmer ou promettre le recrutement du jeune midlaner français, la possibilité est là — et reconnaissons qu'elle s'inscrirait dans la logique et la philosophie de la strucuture. "On veut absolument pas que ce rachat, cette transition de structure fasse que des têtes tombent et que des personnes qui ont bossé pour en arriver là se retrouvent sans rien — c'est complètement injuste," conclue Alexandre Lopez, "Nous on va pas les mettre à la rue : ce serait inadmissible et on est pas là pour ça."