Dans une galaxie pas si lointaine, la ligue européenne de League of Legends était une ligue ouverte. Il y avait à chaque segment de l'enjeu à tous les niveaux. En haut, on se battait pour une place en playoffs, le titre et une qualification pour les Worlds. En bas, on se battait pour sa survie et éviter la relégation. Mais depuis 2019 l'élite européenne est devenu un club VIP fermé. Plus personne ne peut rentrer, à moins de racheter une place à une structure décidée à partir. Le prix d'entrée étant fixé à 20 millions de dollars, la somme est dissuasive et pour le moment personne n'a cédé sa place. Gage de stabilité pour certains, scandale sportif pour d'autres, chacun a son avis sur la question et le nouveau système ne convient pas à tout le monde.
Alors que la communauté française rêve de voir la Karmine Corp en LEC, il n'y a malheureusement plus de Up and Down pour espérer se faire une place. On peut donc se poser la question suivante : à quand le retour des ligues ouvertes et des Up and Down sur League of Legends ?
Le débat de fond : la victoire du modèle américain
Le débat ligue ouverte vs ligue fermée n'a pas attendu League of Legends pour pointer le bout de son nez et, dans le sport traditionnel, on s'est déjà posé la question à de maintes reprises (coucou la SuperLeague de football). Traditionnellement, on distingue deux grands modèles qui défendent des valeurs et des intérêts distincts :
- Le modèle européen (ligue 1, top 14, Premier League, Liga, Seria A...) : ligue ouverte avec des promotions et des relégations. Permet de donner une chance à tout le monde et de pousser la compétition pour la survie au maximum.
- Le modèle américain (NBA, MLS...) : ligue fermée avec des équipes fixes qui sont assurées de conserver leur place. Permet de garantir une stabilité économique pour les investisseurs, mais aussi les joueurs et tous les acteurs.
League of Legends a pendant longtemps conservé un modèle européen. En Europe on a ainsi vu des équipes descendre et disparaître (Millenium, aAa, Ninja in Pyjamas...) et d'autres monter et briller (Unicorns of Love, Origen, Misfits Gaming...). Mais, peu à peu toutes les grandes ligues se sont mis à l'accent américain. Les LCS (NA) évidemment, qui ne sont jamais les derniers pour privilégier l'argent et la stabilité des revenus, mais aussi le LEC (EU), la LCK (Corée), la Chine (LPL) et même la LCL (Russie) ou la TCL (Turquie). Quelques soient nos valeurs et nos préférences, le modèle américain l'emporte par K.O.
Pourquoi le système ouverts manquent à certains fans ?
À chaque grand cause, on associe une figure publique notable qui la défend corps et âme. Les Indiens ont eu Gandhi, les Afro-Américains Martin Luther King et Greta Thunberg est l'un des visages des protecteurs de l'environnement. En France, le défenseur des ligues ouvertes est un ancien joueur semi-professionnel, recordman de lancer de charentaise... Le célèbre Alexandre Mège, plus connu sous le pseudonyme de Narkuss. Il ne se prive jamais de rappeler régulièrement sur les réseaux sociaux que le système des franchises est une aberration et que pour la beauté du sport, rien ne vaut une ligue ouverte. Qu'on apprécie ou non le personnage et ses excès, il faut reconnaître que sur certains points, il y a du vrai dans ce qu'il dit. Et une partie des ultras de la Karmine Corp seront sûrement sensibles à ces idées.
- Les ligues ouvertes sont plus méritocratiques. Les équipes ne peuvent pas se reposer sur leurs lauriers et doivent constamment être compétitives.
- Les ligues ouvertes déchaînent plus les passions. On peut ainsi trouver des nouvelles lignes narratives et vivre de réelles épopées, comme ce fut le cas avec Unicorns of Love ou Origen.
Pour tempérer tout ça, il faudrait cependant souligner que les ligues ouvertes n'ont pas totalement disparu sur League of Legends. Parmi les grandes régions, le Vietnam (VCS) a conservé un système ouvert. Et la grande majorité des ERL (ligues européennes régionales) comme la LFL sont ouvertes... Du moins vers le bas. Les équipes peuvent monter, comme l'ont fait l'année dernière KC et Team BDS mais ne peuvent cependant pas aller beaucoup plus haut. Les amoureux du mérite et des grandes histoires narratives peuvent donc avoir leur dose en suivant ces ligues mineures, mais toujours ouvertes.
Pourquoi le système des ligues ouvertes ne reviendra (probablement) jamais ?
L'argent ne fait pas le bonheur mais il faut reconnaître que dans l'esport, la dimension financière est centrale. Alors que le milieu n'a pas totalement finalisé son processus de professionnalisation, tous les acteurs (investisseurs, joueurs, staff technique, arbitres, journalistes...) aspirent à moins de précarité. Dans ce contexte, difficile de revenir à un système ouvert. La relégation sportive, même méritée, fait peur aux investisseurs qui ne connaissent d'ailleurs pas toujours grand chose à League of Legends. Les partenaires veulent des résultats mais aussi et surtout de la visibilité ! Difficile de briller quand on est relégué dans une division inférieure.
Certains diront que ce ne sont pas les investisseurs qui forgent l'âme de League of Legends. On peut saluer cette vision noble qui nous tirerait presque une larme. Mais quand les joueurs professionnels peuvent se garantir des contrats sur plusieurs années et des augmentations conséquentes de salaires, on peut comprendre qu'ils y trouvent leur compte et qu'ils adhèrent complètement à la théorie du ruissellement. On rajoutera également que même si le LEC est fermé, les jeunes talents trouvent toujours leur chemin vers l'élite en se faisant remarquer dans une ligue nationale. Dernièrement on a ainsi pu découvrir :
- Vetheo (Misfits Gaming), Jezu et Tynx (SK Gaming) promus depuis la ligue française.
- Elyoya (MAD Lions), le rookie du split promu depuis la ligue espagnole.
- Trymbi (Rogue), Szyzenda (Team Vitality), Zanzarah (Astralis) et Czekolad (Excel Esports) promus depuis la ligue polonaise.
Les joueurs ont donc tout intérêt à maintenir ce système de ligue fermée qui continue à renouveler efficacement les effectifs. Quoi qu'en pensent les nostalgiques, le système est fait pour rester et cette direction semble être la bonne. Depuis 2019, les audiences continuent de grimper, la scène reste très active et tout le monde (ou presque) est content. Les belles histoires nous manquent et l'adrénaline des Up and Down, c'était vraiment quelque chose. Mais il faut savoir vivre avec son temps et accepter le changement. Si Kameto et Prime veulent atterrir en LEC, il faudra donc sortir le porte-monnaie.
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