Inutile de le cacher : cette saison compétitive de League of Legends est un pur banger — et tout particulièrement grâce à la LFL et aux European Masters. Dans l'ombre des ligues majeures qui s'affrontent au MSI et aux Worlds, les European Regional Leagues florissent, donnant naissance à un engouement nouveau pour un tout autre niveau de compétition. Et, hier, le showmatch opposant la France à l'Espagne l'a encore prouvé.
Sans enjeu, sinon que l'honneur, cette rencontre est venue rappeler à tous la raison pour laquelle les compétitions existent : simplement pour la beauté de l'esport. Au diable les prize pool, les titres et les trophées : tout ce qui compte c'est le banter, la soif de vaincre et la magie qui opère dans la Faille. C'est l'émotion dans les tribunes, même virtuelles, lorsqu'une équipe réalise un coup d'éclat ; la fierté lorsqu'il s'agit de celle qu'on soutient ; et la déception la plus totale quand il s'agit de l'ennemi.
Quoiqu'elle se soit achevée par la défaite de la France, cette série était absolument incroyable à regarder — notamment parce que les joueurs comme les spectateurs se sentaient comme investis d'une mission : celle de porter le drapeau tricolore sur la scène compétitive de League of Legends.
Certes, la Karmine Corp et Misfits Premier semblent sur le point de réaliser la prophétie d'une finale franco-française en EU Masters — mais force est de constater que, sur les 10 joueurs composant leurs rosters, on ne compte que deux Français. Alors qu'hier, l'équipe de France était unie sous la bannière tricolore.
Ce simple fait suffisait à déchaîner la hype, le soutien inconditionnel des fans, au point que la question est désormais incontournable. Les joueurs sont là, le public est là, tout le monde ne désire que ça : alors, à quand une coupe des nations sur League of Legends ?
Une question d'émotions
Comme le souligne Vetheo, ce qui importe dans une compétition, c'est l'émotion. Certes, la professionnalisation de l'esport est absolument essentielle afin de continuer à pérenniser la pratique, en permettant aux joueurs de vivre du jeu. Cela dit, comme la LFL et les EU Masters l'ont démontré cette année, ce n'est plus tellement le niveau de jeu qui attire les spectateurs — mais plutôt la hype, et les récits qui entourent les rencontres. Si le Solary vs KCorp est aussi incroyable à regarder, c'est parce que les enjeux de chacun de leurs duels dépassent très largement la Ligue française.
C'est une bagarre rituelle, entre deux bro-rivaux revanchards, qui nous servent sur un plateau d'argent un divertissement digne des plus grands. Il ne s'agit "que" de la Ligue française, et pourtant c'est infiniment plus intéressant à regarder qu'un match lambda du LEC opposant, par exemple, Astralis à Excel.
Parce qu'on s'identifie aux équipes, aux organisations, on choisit camp, on s'investit à ses côtés en menant dans les tribunes des réseaux sociaux notre propre compétition. On en a quelque chose à faire, tandis qu'Astralis et Excel nous font ronfler. Alors, bien sûr, l'arrivée des Frenchies en LEC a changé la donne. Grâce à Hans Sama, Jezu et Vetheo, qui portent fièrement le drapeau tricolore sur la scène du LEC, on a envie de s'intéresser à d'autres équipes que le top 5 de la Ligue européenne — et ça fait du bien.
Mais tout ceci ne fait que confirmer une chose évidente : le fait qu'ils soient Français est un argument, une raison supplémentaire de les soutenir, et de se sentir impliqués dans leurs aventures.
Séoul sur le trône du monde
Alors, au lendemain de France vs Espagne, on se prête à rêver. Sans pour autant aller contre le modèle déjà existant, on se demande s'il ne serait pas l'heure de donner naissance à une ligue ou une coupe des nations, avec toutes les mécaniques que ça implique. Autrement dit : un sélectionneur/entraîneur national, ainsi qu'une équipe composée d'une seule et unique nationalité.
Si la chose semblait compliquée à mettre en œuvres aux balbutiements de l'écosystème compétitif, il existe désormais des joueurs et des équipes aux quatre coins du globe, tout à fait à même de représenter leur drapeau au sein d'une ligue ou d'une coupe qui serait réservée à ces équipes nationales. Bien que, comme l'avance Ashley Kang, ça risquerait d'exposer ces équipes à la toute puissance de l'armada coréen...
"38 des 44 joueurs à avoir remporté les Worlds sont de nationalité coréenne", explique la journaliste,"tous les top et mid laners qui ont remporté les Worlds au cours des huit dernières années étaient Coréens."
En d'autres termes, quelles que soient les régions que ses joueurs aient représentées au cours des dix dernières années, la Corée du Sud demeure LA nation par excellence de League of Legends. Du coup, quel intérêt d'organiser une compétition si l'écart de niveau est tel qu'on sait par avance qui va la remporter ?
Vers une coupe d'Europe des nations ?
En fait, l'un n'empêche pas l'autre. Il y aura toujours un intérêt à regarder l'équipe de France affronter celle de Corée du Sud, même s'il s'agit d'un affrontement opposant David à Goliath. Et, s'il est effectivement légitime de redouter une arène une nouvelle fois dominée par le pays du Matin Calme, ou par la Chine, ça ne veut pas dire qu'on doit la fuir — ou qu'on ne peut pas espérer une surprise.
Parce que, c'est ça, aussi, la beauté de l'esport.
Alors, bien sûr, on n'organise pas une coupe internationale des nations du jour au lendemain — et, au vu du calendrier compétitif actuel, il semble simplement impossible d'introduire une compétition de ce genre sans bouleverser l'écosystème préexistant. Cela dit, Riot Games demeure maître en son domaine, et il suffirait d'une décision de leur part pour que les choses évoluent.
Alors, sinon qu'une coupe internationale, et si l'Europe donnait naissance à une coupe des nations ?
Les joueurs sont là, le public est là, la hype est là...
Qu'est-ce qu'on attend ?