Il vous aura été difficile d'ignorer que la sortie de Séraphine a été accompagnée d'une campagne de communication des plus originales. Le but non dissimulé était de lui "donner la vie", en donnant l'impression qu'il s'agissait d'une vraie personne et non simplement d'une championne de League of Legends. Pour le studio, ce concept n'a rien de nouveau, et les virtual band comme True Damage et K/DA sont déjà un bon exemple de cette pratique.
Cela dit, Riot est allé beaucoup plus loin avec Séraphine, au point que certaines voix au sein de la communauté se sont élevées pour critiquer sévèrement la campagne. La Chanteuse rêveuse publiait des photos ainsi que des pensées sur ses propres réseaux sociaux, interagissait avec les utilisateurs — et, si on sait bien qu'une équipe toute entière de communicants se dissimulait derrière elle, l'illusion fonctionnait. Bien sûr, le simple fait que ses photos soient en réalité des créations graphiques prouve bien que Riot n'a pas non plus cherché à berner les gens. Toutefois, le fond de certaines de ses publications, la dépeignant comme une jeune fille manquant de confiance en elle et cherchant du réconfort ainsi que du support sur les réseaux sociaux, a certainement fait grincer les dents de nombreux utilisateurs.
Personne n'a jamais véritablement prétendu que Séraphine était bien réelle. Le problème, quand on déploie une campagne de communication qui cherche à brouiller la frontière entre le virtuel et le réel, c'est que les deux mondes finissent par s'entrechoquer. La ligne qui les sépare s'efface alors plus ou moins, dans les deux sens — et si certains ont pu croire un instant que Séraphine était une entité réelle, et non virtuelle, il semblerait que la 153e championne de League of Legends soit en fait inspirée d'une véritable personne, en chair et en os.
C'est tout du moins ce que prétend une internaute, qui a récemment publié un long article sur Medium, adjoint de plusieurs threads sur Twitter, avançant que le personnage de Séraphine serait basé sur sa propre identité.
Qu'on se le dise immédiatement, il est plutôt difficile de critiquer les sources d'inspiration de qui que ce soit. Que ce soient des idées, des concepts, ou bien des personnages, on retrouve disséminés au fil des œuvres de centaines d'artistes des éléments qui nous en rappellent d'autres. Bien sûr, le plagiat est une triste réalité qu'on ne peut nier, toutefois la situation est un chouilla plus compliquée ici. Car la Chanteuse rêveuse n'aurait, selon cette internaute, pas été créée à partir du travail de quelqu'un d'autre — mais plutôt à partir de sa vie.
Elle s'appelle Stéphanie, elle a la vingtaine, et elle vient juste d'obtenir son bachelor en Arts, Histoire et Sciences Politiques à l'Université de Chicago. D'après son récit, à la suite d'un match Tinder en mars 2019, elle a aurait eu une brève relation avec un employé de Riot Games. Sans qu'elle donne véritablement suite, elle garde contact avec lui pendant trois mois, et joue fréquemment avec lui.
Au cours de leurs parties, John — puisqu'elle a choisi de taire sa véritable identité — mentionne régulièrement son travail et se targue notamment de pouvoir influencer le processus de développement de la première lignée de skins K/DA. Plus encore, il sous-entend avoir suggéré une idées de skin pour Ahri, inspirée par Stéphanie.
Leur relation s'étiole un peu, et ils perdent contact. Dans le cadre de sa formation, Stéphanie rédige un essai sur Piltover et Zaun, analysant la ville factice comme si elle eut été un lieu de pouvoir réel. A cette occasion, elle recommence à échanger avec John, et ils se rencontrent finalement à Los Angeles en mai 2019. Là, John lui fait visiter le siège de Riot, et lui remet un artwork personnalisé représentant Ahri sous ses traits. Mais ça ne va pas vraiment plus loin, et les deux finissent par arrêter d'échanger.
Sauf que, des mois après, Riot Games sort Séraphine, et Stéphanie ne peut s'empêcher de penser que la championne partage beaucoup de détails avec sa propre vie : "son nom, ses dessins, son chat, beaucoup de ses photos, la couleur de ses cheveux, celle de ses yeux, la forme de son visage — et même d'où elle vient."
Effectivement, Stéphanie et Séraphine ont toutes les deux des cheveux roses et partagent la même passion pour le doodling, la musique ou les chats. Mais c'est probablement le cas d'un grand nombre de personnes aux quatre coins du monde. Et justement, le Senior Game Designer Jeevun Sidhu semblait prétendre fin octobre que Séraphine serait plutôt inspirée d'une autre Rioteuse, Whiskies.
"Seraphine est une étoile qui fait briller tout le monde autour d'elle. C'était très facile pour moi de capturer ça dans son gameplay, car je peux briller plus fort rien qu'en étant à côté de @RiotWhiskies tous les jours. Merci à ma personne préférée dans le monde pour l'inspiration :)"
Interrogé, Riot Games précise que "Séraphine a été créée indépendamment par Riot Games et ne s'inspire d'aucun individu, y compris Stéphanie". Le studio précise par ailleurs que l'employé auquel elle fait référence a quitté Riot il y a plus d'un an — et qu'il appartenait à un département qui n'a absolument aucune influence sur le design des champions.
Ca n'a pas empêché Stéphanie d'initier une procédure légale en engageant un avocat qui aurait visiblement d'ores et déjà contacté le studio. Et on reste honnêtement curieux de savoir comment il va pouvoir défendre son cas — car il apparaît extrêmement difficile de prouver que Séraphine soit effectivement inspirée de la vie de Stéphanie. Surtout quand celui même qui a designé la championne prétend qu'il s'est inspiré de sa fiancée...
Le problème dans cette histoire, c'est qu'il semble presque évident que ce John a clairement cherché à utiliser son statut de Rioter comme un outil de séduction. Et c'est donc tout à fait normal que Stéphanie puisse avoir cette impression, fusse-t-elle fausse, que Séraphine est un clone virtuel de sa propre identité.
Comme le souligne une ancienne Rioteuse Janelle "Stellari" Wavell-Jimmez, le communiqué de Riot à lui seul suffit à prouver l'existence de John — et donc le récit de Stéphanie. Cela dit, on doute franchement que son initiative légale puisse aboutir, puisque le studio n'a aucune véritable responsabilité dans l'affaire.