Levallois-Perret, un mercredi de juin. Journée chaude, mais soirée pluvieuse à quelques kilomètres de Paris. Tout le gratin de la scène esportive française de Rainbow Six est amassé en bas du building de Webedia. La raison ? Les matchs inauguraux de la 6 French League, le tout premier Championnat de France dédié à la licence compétitive, s’y déroulent. Au rez-de-chaussée du bâtiment, le melting pot est inédit. Une salle, deux ambiances : avec d’un côté du beau monde trinquant, coupe de champagne, à la main, et de l’autre côté d’une barrière improvisée, des jeunes compétiteurs qui s’amassent, claviers et souris entre les bras dans l’attente de rentrer dans l’arène de jeu pour nous divertir. Parmi ces jeunes gens se trouve Kopp. Un gars simple, bosseur et ambitieux. Un gars qui n’a pas le temps pour le mousseux, venu plutôt faire tomber l’un des objectifs qu’il s’était promis d’abattre.
Laver des voitures ou laver des adversaires ?
Fruit de l’amour d’un père français et d’une mère algérienne, le petit Tanis Sicé voit le jour à Seclin, petite bourgade de la métropole lilloise. Si la mère est esthéticienne et possède son propre centre de formation, le paternel, lui, est guide touristique à travers le monde. Un taf qui ne facilitera pas la proximité physique avec son fils, en plus d’une séparation familiale rejouée par la maman de Kopp : « je ne parlerai pas vraiment d’absence, car son père a toujours été présent et nous avons fait en sorte de le préserver au maximum. Mais il est clair qu’un divorce forge un caractère ».
Un caractère que l’actuel joueur des Bastille Legacy va devoir durement employer dès le début de sa courte existence professionnelle. Autrement dit : Kopp va rapidement enchaîner les petits boulots précaires. De serveur au SubWay à agent de nettoyage dans une station de Karcher, en passant par Chauffeur-livreur chez Dpd ; rien de folichon et loin d’être hyper valorisant dans les faits, mais de quoi assurer une petite rentrée d’argent pour mettre sa paluche sur du matos esportif. Histoire de lancer dans le vif une carrière qui n’en est qu’à ses balbutiements.
Rendez-vous en terre inconnue
Rien n’avait pourtant prédestiné Tanis à devenir quelqu’un sur Rainbow Six. Pour preuve : l’amoureux des classiques Fifa et Call Of ira dans un premier temps découvrir le jeu chez un ami pour un premier rendez-vous non concluant, avec pour cause un gameplay jugé trop lent. Mais à une époque où Twitch commençait à peine à concurrencer les fameuses après-midi d’été à taper la balle sur un City stade entre amis, Kopp mate les lives d’un certain Bruce Grannec et tombe finalement amoureux du côté collectif que peut exiger l’embryon d’Ubisoft. Passer le code, jouer au foot quand le boulot se fait rare et try hard la Ranked le soir : voilà en quoi se transforme rapidement les premiers mois de majorité de Kopp.
Compétiteur dans l’âme, Tanis se constitue dès lors un groupe de potes rencontrés sur le Xbox Live avec qui il enchaînera à vitesse grand V les sessions de jeu. V d’ailleurs comme le Vitality de Bios, Lion, Anthrax et Kriisko, que Kopp et son équipe affronteront durant la préparation de ces futurs champions du Monde. Oui, entre ses demandes de pracs sur Twitter ou Facebook, la petite escouade d’amateurs se met secrètement à rêver de Pro League et fait tout pour prendre du galon. Peu à peu, l’équipe prend du poids et se dégote des sparring-partners de haut niveau. Seulement voilà : Ubisoft annonce, durant le Six Invitational 2017, la fin de sa ligue professionnelle sur console. Le seul moyen de devenir pro passera désormais par le PC.
« Une personne avec énormément de valeurs »
Le hic, c’est que Tanis n’a jamais posé ses mains sur un clavier et une souris. Pire encore : il passera ses premiers mois à jouer à la manette sur l’ordinateur. Jusqu’à se rendre compte, en toute logique, que cela bride de manière exponentielle sa progression. Alors, à coups d’entraînements d’AIM sur CS:GO et autres subtilités liées à la visée, le franco-algérien endurcit son shoot et commence à s’épanouir. Ses premières échéances compétitives sur PC se font de plus en plus importantes : des participations à des Lans comme la Coupe de France ou la 6Cup ; mais aussi trois échecs au moment d’aborder l’Europe de la Challenger League, pour ne citer qu’eux.
Face à l’adversité du monde semi-pro, Tanis lutte et apprend. Tombe, mais se relève, et devient l’aboutissement de ses efforts. Il mue en ce que décrit Kravis, son ancien collègue, comme étant « une personne avec énormément de valeurs, responsable, mature, qui a un esprit de vainqueur », mais aussi « un bosseur, qui lit très bien le jeu de son adversaire et qui est très méthodique, qui sait jouer plusieurs rôles ; apportant beaucoup à une équipe en termes de jeu, de stratégie et de mental ».
À l’heure de la R6FL et de la professionnalisation de son équipe de Bastille Legacy, à Levallois Kopp vivait donc plus qu’une soirée de juin mi-mondaine, mi-esportive : il vivait le début d’un potentiel tournant de sa vie. Le virage entre un futur à accomplir ses rêves ou un autre à laver des gamos.