Si vous souhaitez commencer à jouer à World of Warcraft dans l’optique d’en connaître davantage sur son Lore, son background, sa mythologie, mais plus particulièrement, sur ce qui a pu se passer antérieurement aux événements que nous connaissons sur Azeroth, et chez d’autres civilisations que celles nées en Azeroth, on ne peut que vous recommander de créer un Draeneï. Ils ont notamment connu Sargeras quasiment aux premières heures de son pétage de plombs et ils ont souvent été les victimes de la folie des autres races.
Leur histoire étant tellement riche en légendes, trahisons, rédemptions qu’il sera sans doute impossible de s’en tenir au jeu, aux interactions avec les PNJ et aux textes des quêtes pour en comprendre tous les ressorts. Concrètement, les Draeneï étaient présents au tout début des tourments de l’univers contés dans WoW et dans Warcraft et ils sont également directement impliqués dans de multiples extensions de WoW. Malheureusement, n’ayant été implémentés dans le jeu que lors de Burning Crusades, ils seront les grands absents de WoW Classic.
Ceci étant dit, et même si leur histoire est incontournable, les Draeneï sont définitivement imprégnés d’un premier degré qui confine au ridicule. Au-delà de ce ridicule, leur premier degré nous renseigne également sur quelques erreurs que les auteurs de narratifs réalisent parfois un peu trop facilement. Je m’explique. Il est admis dans WoW que les Draeneï, descendants des Erédars, sont l’une des races les plus intelligentes de l’univers Warcraft. Alors, retenez bien ce « détail », c’est important pour la suite.
Après que Sargeras ait convaincu Kil’Jaeden et Archimonde, deux des chefs composant le triumvirat érédar, Velen, le troisième leader, eut une vision selon laquelle toute cette histoire de Croisade Ardente ne se terminerait pas très bien. Il emmena avec lui ses supporters parmi les Erédars, et toute cette communauté fit sécession pour fuir Argus, à bord du Génédar, un vaisseau spatial inter-dimensionnel. Celui-ci s’écrasa sur Draenor où, d’abord les anciens Erédars se renommèrent Draeneï – les « Exilés », et surtout, après moult malheurs au cours desquels la nouvelle race faillit être exterminée, ils fuirent à bord de l’Exodar… qui s’écrasa sur Azeroth. Bon, les fans du Lore qui s’excitent déjà parce que j’ai pris beaucoup trop de raccourcis dans cette présentation, hydratez-vous, je n’ai malheureusement pas 15 pages pour en parler, il fallait bien que je résume. Pour une présentation plus étayée et plus précise de l’histoire des Draeneï, je vous renvoie à l’épisode d’Histoire sans Faim de Sam Vostok qui leur est consacré.
Donc, pour revenir à nos incohérences narratives, les Draeneï sont, à de multiples égards, une bonne illustration du principe selon lequel « le contexte est plus fort que le concept ». Il n’est pas possible de créer un personnage fictif, de le présenter comme supérieurement intelligent et de le faire ensuite échouer dans tout ce qu’il entreprend, sans que cet échec ne soit extraordinairement étayé puisque censé heurter et surpasser une intelligence elle-même extraordinaire. Or, dans le cas des Draeneï, il est clair que leurs capacités intellectuelles singulières leur permettent de bâtir des vaisseaux hors du commun – on ne parle pas d’un zeppelin gobelin, hein, mais d’un bâtiment qui voyage dans l’espace et dans le temps, mais ne leur permettent pas de les piloter correctement puisqu’ils ne sont pas foutus de faire une sortie spatiale sans s’écraser.
S’il est vrai que l’Exodar avait été saboté par des Elfes de Sang, ce qui ultimement fut la cause de son crash, on ne nous explique à aucun moment pourquoi et comment les Elfes de Sang ont réussi à saboter une technologie qui leur est étrangère et qu’ils n’avaient, a priori aucune chance de maîtriser. Tout cela pour dire que quand on crée un personnage auquel on attribue une caractéristique particulière, il est plutôt bien inspiré de lui construire une histoire en cohérence avec cette caractéristique. Par exemple, si votre servitrice était fictive, qu’on vous disait qu’elle est de bonne foi, et qu'ensuite, on vous faisait lire sa chronique, vous rigoleriez… et vous auriez raison !
Si je m’attarde sur ce « détail » du comportement des Draeneï, c’est parce que pour l’essentiel, ils sont extrêmement premier degré, se prennent hautement au sérieux, ne descendent que rarement de leurs grands elekks et sont assez peu sujets à l’auto-dérision. Finalement, ce qui transparaît en jeu, ce n’est pas tellement qu’ils sont supérieurement intelligents, mais qu’ils se pensent supérieurement intelligents.
Et le sort des Îles de Brume-Azur et de Brume-Sang fournit une belle illustration de la supériorité dans laquelle ils se confortent et se vautrent parfois. L’Exodar donc s’est écrasé sur Brume-Azur. On parle d’un vaisseau immense dont les pièces et les cristaux se sont éparpillés partout sur les deux îles, détruisant probablement une partie de la faune et de la flore locales. Au-delà des dégâts immédiats, les cristaux magiques du vaisseau, maintenant répartis sur la zone, ont corrompu la faune et la flore qui n’avaient pas été détruites par le choc. Ils nous disent qu’ils font tout pour réparer les dégâts ainsi accidentellement causés… et c’est tout. Personne ne leur demande de comptes, personne ne pense à leur réclamer une forme de compensation, financière ou matérielle, et ça ne leur viendrait surtout pas à l'idée de la proposer spontanément. C’est légèrement frustrant. Parce que, sans vouloir être légaliste à l’extrême, dans la vraie vie, un dommage causé, même par accident, doit être réparé. Surtout à cette échelle. Du coup, je suis tentée de penser que la raison de la présence de la Kapitalrisk sur Brume-Azur, c’est en fait l’application de la police d’assurance dommages exceptionnels, mais le jeu étant parfois ingrat, ces braves agents d'assurance sont traités comme des ennemis.
Sur le plan du gameplay, Brume-Azur et Brume-Sang sont des territoires désormais complètement animés par la présence des Draeneï, au point qu’il est difficile de s’imaginer ce qu’ils étaient avant leur arrivée. Les quêtes sont riches et les antagonismes suffisamment nombreux pour y passer un bon moment, mais un moment d’immersion et d’éloignement par rapport au reste d’Azeroth. Cette isolation explique sans doute la désaffection de l’Exodar en tant que capitale de l’Alliance.
Au final, il y a une certaine incohérence entre le poids des Draeneï dans le Lore de WoW et leur présence, telle que représentée dans le jeu. Si le premier est omniprésent, voire parfois oppressant, la seconde est inégale, diluée, voire inconstante. Une raison de plus, cependant, pour explorer l’Outreterre, Draenor et Argus, afin de reconstituer les pièces de leur histoire tronquée.