Désolace fait partie d’un trio de zones qui ne sont pas les plus faciles à aborder en termes d’amusement dans le jeu : les Serres-Rocheuses, Désolace, Feralas. Ce n’était qu’un avis personnel jusqu’à ce que je réalise que beaucoup d’autres joueuses et joueurs partageaient ma perplexité vis-à-vis de l’ouest de Kalimdor. Pourtant, que ce soit avant ou après Cataclysm, Désolace reste une zone qui mérite qu’on s’y arrête pour réaliser quelques quêtes.
Désolace nous donne aussi l’occasion d’évoquer ce qui sera sans doute un facteur important dans la réception de WoW Classic chez les joueurs d’ici quelques mois : la question de savoir si après avoir joué sur les extensions depuis Burning Crusade, il est réellement possible de ressentir les sensations de jeu de WoW Vanilla. Autrement dit, pouvons-nous réellement apprécier l’univers et le gamplay originels après avoir profité pendant des années de ce qui a enrichi le jeu ? Désolace constitue, à cet égard, un excellent cas d’école.
Avant Cataclysm, Désolace était à l’apparence carbonisée, couverte de cendres et sur laquelle le moindre brin d’herbe avait renoncé à pousser. Elle dénotait entre la végétation étouffante de Feralas, les plaines verdoyantes du Mulgore et les hautes cimes des Serres Rocheuses. Les rivières y étaient asséchées et réduites à quelques flaques d’eau boueuse. Tout était donc morne et triste. A ceci près que cela rendait finalement assez bien dans le tumulte graphique de Kalimdor. Les tons beiges et ocres contrastaient suffisamment avec la débauche de couleurs des zones avoisinantes, alors que les formes douces des talus se démarquaient des pics tranchants des rocheuses. Désolace, c’était finalement une absence de décor sur un continent aux ornements parfois un peu envahissants. Et c’était reposant pour les rétines et pour l’âme.
Symbole de cette ambiance calme et apaisée, le Cimetière des Kodos permettait d’observer la fin du cycle de vie de la monture de la Horde et de comprendre un peu mieux le mystère de ces lézards tellement attachants. C’était dommage, à l’époque, de ne pas pouvoir chevaucher de kodos quand on jouait côté Alliance.
L’Alliance et la Horde, parlons-en ! A Désolace, chaque faction s’était établie en bordure de zone, semblant respecter le côté inviolable du lieu. Bon, en réalité, la conquête du territoire était rendue très difficile par la quantité astronomique de forces démoniaques peuplant les environs. Aujourd’hui, ça nous semblerait un peu léger parce qu’on a connu l’Outreterre et sa profusion de démons et de portails, mais à l’époque, Désolace constituait sans doute l’une des zones les plus tourmentées par les forces occultes et la réminiscence des Dieux Très Anciens. Entre Maraudon, le Convent de Mannoroc et la présence du Marteau du Crépuscule, les forces de l’Alliance comme de la Horde étaient tenues en relatif respect, ce qui ne les empêchait pas de s’accuser mutuellement d’avoir recours à la magie démoniaque – Allons, ça ne ressemble absolument pas à la Horde de faire ça !
Si Désolace n’appartenait ni à l’Alliance, ni à la Horde, c’est parce qu’elle était le territoire des sympathiques Centaures, mi-hommes, mi-chevaux – et re mi-hommes derrière… vous y avez pensé, ne mentez pas ! Créatures mythologiques dans notre monde comme dans le monde de WoW, elles font énormément penser, sur la terre de Désolace, aux Dothraki de Game of Thrones, par leur apparence, leur communion avec les chevaux – littérale pour les Centaures, leur organisation tribale, leurs coutumes plutôt brutales et leur soif de conquête. Quatre clans s’affrontaient à Désolace : les Magram, les Gelkis, les Kolkars et les Maraudine, si bien que l’aventurier posant le pied sur la zone se retrouvait obligé de choisir à quel clan il entendait prêter allégeance et démontrer sa bravoure. En découlait une série de quêtes visant à liquider les leaders adverses et à augmenter ou diminuer ses jauges de réputation auprès des trois tribus. C’était avant WotLK et les quêtes semblables du Bassin de Sholazar, sauf que les petites créatures de Scholazar sont nettement plus avenantes que les agressifs Centaures.
Cataclysm va rebattre les cartes – et la carte – de Désolace en y creusant une profonde faille centrale révélant que la terre n’était pas si morte qu’elle ne paraissait. Autour de la faille, l’eau rejaillit et la nature explose. Mais comme à chaque fois qu’un mètre carré d’herbe apparaît, les Elfes de la Nuit et les Taurens rappliquent pour le revendiquer comme leur territoire, sous le prétexte que « les Esprits de la Nature me parlent » - sérieusement, j’aimerais qu’un jour on évalue la proportion réelle des Elfes de la Nuit et des Taurens qui entendent la nature leur parler et ceux qui sont atteints de schizophrénie, je pense que ça calmerait certaines revendications de territoires fissa ! Bref, le centre de Désolace devient les Terres Sauvages Cénariennes, bel oxymore quand on sait que les Elfes de la Nuit viennent de s’approprier un territoire sur lequel ils n’osaient pas mettre un pied jusqu’à présent et qui n’a donc plus rien de sauvage.
Les Centaures se trouvent submergés par les démons et comprennent enfin que seule une alliance leur permettra de survivre. En tant qu’aventurier, vous n’avez plus la lourde responsabilité de choisir la tribu que vous voulez secourir, mais d’agir comme émissaire d’une trêve entre les belligérants, afin de stopper Agogridon, le Seigneur des Abîmes local.
Il y aurait bien sûr encore beaucoup de choses à dire sur Désolace parce que n’étant plus si désolée qu’avant, elle est à redécouvrir, mais surtout elle pose la question de savoir si, dans sa version initiale de WoW Classic, elle nous intéressera autant que sous Vanilla. Les forces démoniaques nous impressionneront-elles encore après Burning Crusades et Legion ? La cause des Centaures nous importera-t-elle autant que celle des Oracles et des Frénécoeur de Sholazar ? What has been seen can’t be unseen, comme disait l’autre.