Cette semaine, nous devions voyager en Kalimdor, mais l’actualité en a décidé autrement. Alors que les images de l’embrasement de Notre-Dame envahissaient les réseaux sociaux, l’une d’elles en particulier m’a ramenée dans les Royaumes de l’Est. Cette photo d’une colonne de fumée s’élevant de Notre-Dame de Paris rappelait le souffle d’Aile-de-Mort sur Hurlevent dans la preview de Cataclysm. Une occasion de tristement se souvenir que certains événements devraient toujours rester dans le domaine de la fiction.
On dit que la disposition d’une ville raconte son histoire. Cela ne pourrait pas être plus vrai pour Hurlevent. A l’origine une bourgade humaine du Sud des Royaumes de l’Est, elle n’était constituée que des quartiers composant aujourd’hui la Vieille Ville. Ce qui frappe, c’est qu’en s’installant dans ce qui était une clairière de la Forêt d’Elwynn, les Humains n’aient pas souhaité profiter de l’ouverture sur la mer. Ils ne le feront que tardivement, sous la contrainte des événements, en construisant le Port de Hurlevent.
A l’origine, donc, Hurlevent ne recherche pas l’ouverture, le contact ou, dans des termes plus politiques, le commerce. Car elle se suffit à elle-même. Hurlevent présente une organisation commerciale corporatiste, gravitant autour des guildes, dont la plus célèbre, la Guilde des Maçons, manquera bien de la mener à sa perte. L’histoire explique la disposition d’une ville. Dans les premiers temps, repliée sur elle-même, Hurlevent vit de ses guildes, recluse mais riche, donc tout va bien. Pour un instant. Mais comme toutes les économies corporatistes sont condamnées à plus ou moins longs termes par asphyxie, un jour, la puissante Guilde des Maçons présente ses livres de comptes au Roi et la discussion s’envenime. Les maçons se révoltent, tuent la Reine, prennent le large et deviendront ultimement les Défias, douloureuse épine dans le pied de la race humaine, semblant ne jamais vouloir mourir, renaissant sans cesse des cendres de sa haine du pouvoir royal.
Confrontée à la nécessité de survivre, Hurlevent s’ouvre enfin et son architecture nous le raconte. Elle tire les leçons de l’histoire. De la sienne, mais aussi de celle des autres capitales humaines, Lordaeron et Gilnéas. Toutes réduites à néant par le repli et l’isolement. Alors Hurlevent déploie ses ailes pour y accueillir tous ceux qui voudront nouer une alliance avec elle. Le Quartier des Mages, le Parc, aujourd’hui disparu, souvenir de la présence elfique, et le principal, le Quartier des Nains. Une ouverture, ou plutôt une envergure. Une politique des grands travaux : le tram d’abord, le port ensuite. Et on a fait les choses en grand ! Dans quelle autre capitale des quartiers entiers sont dédiés à d’autres races, nommés en leur honneur, et laissés aux us, coutumes et cultures de ces autres races ? C’est pas demain la veille que les Nains pourront s’installer tranquillement à Darnassus et organiser un petit barbecue… Bon ok, le barbecue, maintenant, c'est possible.
Hurlevent est donc devenue un modèle d’hospitalité par nécessité. Un tram contre un quartier et les Nains sont maintenant ses plus proches alliés. Les alliances se sont nouées dans un but premier de survie, puis le temps passant, et l’essor aidant, Hurlevent s’est faite plus ambitieuse, plus arrogante. La Vallée des Héros témoigne de la grandeur qu’elle entend montrer à chaque arrivant. Des statues monumentales à la gloire des êtres qui l’ont servie. Un geste de gratitude ou une démonstration de force ? Sans doute un peu des deux… Surtout quand l’une de ses statues représente Alleria Coursevent et que la légende de la statue a été rédigée par… Sylvanas Coursevent herself. Comme quoi, on n’est pas si rancunier que ça, chez les Humains !
Dans le jeu aussi, la survie de Hurlevent semble avoir été une préoccupation des développeurs. A partir de Burning Crusades, la capitale humaine est délaissée pour les grottes de Shattrath, plus proches de l’action. Dans Wrath of the Lich King, tout le monde se retrouve dans la flottante Dalaran, petit havre de sécurité à deux pas du Roi Liche. Hurlevent est presque oubliée. C’est sans compter sur Aile-de-Mort qui manque bien de la raser de la carte au début de Cataclysm et nous rappelle qu’au fond, elle est restée cette géante aux pieds d’argile dans lesquels un dragon peut si facilement plonger ses griffes. Partiellement détruite, puis reconstruite et finalement, magnifiée par un nouvel urbanisme, Hurlevent semble dire à ses ennemis : « Je ne mourrai pas aujourd’hui ».
Rien n’est parfait dans la capitale humaine. La Prison menace de céder d’un jour à l’autre, la présence des Défias et de Lardeur n’aidant pas – heureusement, il n’y pas de Murlocs, dis-donc ! Les Sombrelances tentent une percée dans le Port – mais ça va, ils sont venus avec trois canots. Varian Wrynn n’est plus et Anduin, contrairement à son père, a toujours semblé plus intéressé par la guerre et la découverte du monde que par la gestion de sa ville – on reparlera très vite de son épopée en Pandarie. Rien n’est parfait donc, mais Hurlevent tient, malgré tout, malgré le Fléau, malgré la dissidence, malgré les trahisons. Figure de persistance dans un univers où rien ne dure. Un peu comme Notre-Dame de Paris, finalement.
Promis, la semaine prochaine, on part en Kalimdor !