Il fut un temps où on arpentait les zones des Royaumes de l’Est avec discipline et application. Comté-du-Nord en premier, puis la Forêt d’Elwynn, et juste avant les cimetières de Sombre-Comté, on s’octroyait une pause bien méritée dans les Carmines. Faire les quêtes des Carmines, c’est comme partir en week-end à la campagne : il ne faut pas que ce soit trop près du tumulte, mais pas trop loin non plus, sinon on s’ennuie ; il faut sentir que le danger est proche, mais qu’on est suffisamment bien caché pour lui échapper encore un peu.
Car les Carmines, c’est d’abord un écrin de nature au bord du Lac Placide, première sortie après la Forêt d’Elwynn, faites gaffe aux araignées sur les bas-côtés. La vie semble s’y écouler si paisiblement qu’on imagine presque un petit courant d’air frais courir sur nos épaules pendant qu’on soupire de bien-être les pieds dans l’eau du Lac. On n’est vraiment pas loin de s’attendre à voir des campings cars stationnés sur le bord des routes : « Prends tes affaires, Jacqueline, ces péquenots de Nains ont trouvé notre paradis perdu, on rentre à Hurlevent ! »
Rien à signaler en apparence, mais c’est mal connaître les ressorts des territoires historiques d’Azeroth. Se déversant depuis les canyons, les Gnolls rôdent au grand jour, multipliant les provocations contre un pouvoir local dépassé. Les habitants de Comté-du-Lac en ont gros ! Apportant leurs doléances au Magistrat Salomon, à l’Hôtel de Ville, ils voient bien que ce ne sont pas les trois gardes royaux ou les deux voyageurs en goguette à l’auberge, qui vont les aider à régler leurs problèmes. Comté-du-Lac est, à cet égard, une belle allégorie de l’inanité d’une certaine élite administrative : informée des problèmes du peuple, elle n’a pas la mesure de la menace gnoll, déplorant les disparitions des habitants, mais incapable de prendre les décisions adéquates. Heureusement que vous passiez par là et que l’appel de l’or – et de l’expérience – sait toujours vous convaincre de donner un petit coup de main !
En réalité, par-delà les falaises bordant le Lac Placide, une menace, un peu moins rustique, mais tout aussi dangereuse que les Gnolls, sévit dans les Carmines. Les Orcs Rochenoire ont commencé à infiltrer ce territoire de l’Alliance. Ils sont même bien présents, confortablement installés dans la Scierie, une horde de loups à leur disposition. Les Steppes Ardentes sont toutes proches et c’est lors des quêtes de celles-ci qu’on prendra réellement conscience de la fragilité des Carmines.
Les Rochenoires n’étant jamais à un mauvais coup près, ils ont planifié la destruction des Carmines, ni plus, ni moins. C’est dans les Steppes Ardentes que le joueur prend conscience de l’ampleur de la menace pesant sur cette zone, finalement sans prétention, mais tellement attachante. Il vous faudra sauver Comté-du-Lac seul, sans l’aide des autorités locales, qui décidément, auraient pu vous filer quelques pièces d’or en plus pour la peine.
Rien de bien excitant dans les Carmines, donc, si ce n’est faire comprendre au joueur que le bonheur en Azeroth, c’est fragile comme les oscillations de l’eau qu’on dessine, les pieds dans un lac.