Certaines licences ont eu un parcours particulièrement chaotique. Valkyria Chronicles en est un exemple notable, le premier jeu de la licence est passé presque totalement inaperçu lors de sa sortie sur les consoles de salon en 2008. Les épisodes 2 et 3 ne sont quant à eux sortis que sur PSP, ce qui a fortement limité leur public. La licence est sortie de l'obscurité en 2014 avec un excellent portage sur PC (puis les autres consoles modernes) accompagné d'un remaster. Sega a ensuite décidé de faire partir les jeux dans une autre direction, celle du mauvais action-RPG avec Valkyria Revolution, sorti en 2017. Après ce plantage en beauté, nous avons finalement droit à un retour à la formule classique avec ce Valkyria Chronicles 4 qui sort sur toutes les plateformes modernes. Est-ce qu'après toutes ces années, sa recette très particulière qui mélange anime, contrôles à la 3e personne et tactique au tour par tour sait encore convaincre ?
Testé sur PS4 Pro et PC.
- Genre : Tactique, Tour par tour, Anime
- Date de sortie : 25 septembre 2018
- Plateforme : PC, Xbox One, PS4, Switch
- Développeur : SEGA
- Éditeur : SEGA
- Prix : 59,99€
- Testé sur PS4
Recette d'origine
Mettons tout de suite un terme au suspens, nous avons rarement vu un tel retour en arrière dans une série de jeux. Généralement, le gameplay et les fonctionnalités prennent de nouvelles orientations au fil des opus, choses auxquelles Valkyria Chronicles 2 et 3 (sans parler de Valkyria Revolution) n'ont pas échappé. Des éléments plus proches des RPG conventionnels avaient été introduits, avec des spécialisations et choix de classe entre autres. Tout cela est supprimé et on retrouve presque exactement le gameplay d'origine du titre fondateur. Si on y ajoute les graphismes similaires, il est possible de faire passer l'un pour l'autre. Quelques ajouts ont tout de même été réalisés, mais fondamentalement, c'est du Valkyria Chronicles (1) à tous les niveaux. Si vous y avez joué, vous ne serez pas dépaysé, mais nous espérons que vous souhaitez plus que la même chose durant les dizaines d'heures qui vous attendent.
L'initiative d'un pion
Petit cours de rattrapage pour ceux qui débarquent dans la licence. Les jeux tactiques au tour par tour qui placent généralement en vue du dessus afin de superviser la situation pendant que vos unités obéissent strictement à vos ordres, c'est ainsi que fonctionnent les grands classiques du genre comme Fire Emblem, Advance Wars, Xcom ou encore Civilization. Dans Valkyria Chronicles, vous n'avez qu'une carte militaire simplifiée d'affichée, qui ne vous permet pas d'inspecter le terrain réel à loisir, ce qui complique les choses et s'avère souvent source d'erreurs (un peu comme dans la vie réelle en fait), vous avez la position de vos unités ainsi que celles de l'adversaire que vous avez repéré affichées via des icônes de couleur. Oubliez aussi l'habituelle action par tour et par unité, vous disposez d'un certain nombre de points de commandement que vous pouvez dépenser pour donner des ordres à vos unités. Lorsque vous dépensez un point, vous sautez finalement sur le champ de bataille, vous contrôlez l'unité à la 3e personne comme dans un TPS.
Libre à vous de la déplacer dans tous les sens, ce qui épuisera petit à petit ses points de mouvement. Vous avez aussi droit à une action spéciale, comme tirer ou soigner. Il vous faudra viser manuellement et chercher à caser un headshot par exemple, ici point de pourcentage, mais votre talent (ainsi que la déviation du projectile en fonction de la précision et de la distance). Contrôler directement ses soldats sous le feu adverse ne manque pas de charme et permet finalement de faire de la reconnaissance en personne. Si le cœur vous en dit, ou que la situation l'exige, vous pouvez parfaitement jouer 10 fois la même unité durant le même tour, ce qui a à la fois de grands avantages et de lourds inconvénients. À chaque action successive le même tour, la barre de mouvement sera de plus en plus réduite, et les munitions spéciales (grenades, roquettes, balles de fusil de sniper) ne sont pas récupérées. Par contre, cela aide grandement pour faire un super score en faisant traverser toute la carte à une unité en un tour pour capturer le camp ennemi. Il faut aussi faire bon usage des différentes classes, qui ont chacune un rôle bien précis, même s'il est clair que certaines sont plus utiles que d'autres.
Le travail d'équipe est essentiel ; cela donne à l'ennemi plus de personnes sur qui tirer.
C'est du moins la théorie, car vos adversaires tirent automatiquement lorsqu'une de vos unités traverse leur champ de vision. Traverser les lignes adverses sous le feu des mitrailleuses n'est pas un exercice facile à maîtriser. Vous pouvez alors choisir de dépenser des points additionnels pour donner des ordres spéciaux à vos unités, pour augmenter leur défense par exemple ou les ravitailler. Attribuer ses points de commandement est un exercice intéressant, et il est possible que certaines de vos unités n'agissent pas du tout durant une bataille. À défaut d'avoir un tour propre, elles ouvriront elles aussi le feu automatiquement si un ennemi passe à portée. Il est d'ailleurs dommage que l'IA ennemie soit tellement limitée (pour ne pas dire profondément stupide) et qu'elle termine régulièrement son tour sans dépenser tous ses points de commandement ou faire tirer certaines unités.
Il semble que ce soit un choix fait par les développeurs afin de modérer la difficulté, car il faut bien avouer que les rares missions où l'IA joue sérieusement (vers la fin de campagne ou les escarmouches très difficiles), on le sent passer. Après tout, si vous pouvez dépenser tous vos points sur une unité, l'IA pourrait faire de même au contrôle d'un des boss/super-tank que vous allez affronter, ce qui serait impossible à contrer vu la différence en termes de puissance. Il en résulte que jouer en Normal n'est pas très difficile à moins de tenter d'obtenir un score parfait sur chaque mission, ce qui force à optimiser au maximum ses actions (et à dépendre du déclenchement, ou de l'absence de déclenchement de certains pouvoirs de vos unités). La chose peut rapidement s'avérer frustrante même avec la possibilité de sauvegarder et charger à n'importe quel moment durant votre tour. Si vous choisissez de jouer en Facile, l'IA partira alors en vacances et vous laissera presque gagner la bataille sans rien faire. Ce sont là des défauts structurels déjà présents dans le premier jeu qui font leur retour.
Aucun plan de bataille ne survit au contact de l'ennemi.
Toutes ces particularités demandent une période d'adaptation, entre l'imprécision de la visée, les talents aléatoires au résultat parfois surpuissant ou à l'inverse désastreux, les ennemis qui décident d'esquiver, les personnages et les tanks qui se bloquent dans un obstacle invisible, il y a de quoi devenir fou par moment, et on ne peut que bénir le fait qu'on ne soit pas forcé de recommencer une mission au moindre accro. Ceci étant dit, ce gameplay très spécial fait aussi le charme de Valkyria Chronicles. On est plongé au cœur de l'action et enchaîner les actions avec succès afin d'obtenir la victoire est grisant. Prendre les bons personnages, bien les placer et exécuter un plan bien pensé est très satisfaisant. Il y a du chemin à faire avant de maîtriser toutes les subtilités et d'anticiper les problèmes qui peuvent survenir durant le déroulement d'une mission. Les événements lourdement scriptés de l'histoire principale ne vous faciliteront pas non plus les choses. Même s'ils ont leur charme, cela peut irriter durant certaines batailles. Cela s'accompagne à chaque fois d'événements scriptés qui ne pouvaient pas être anticipés, et qui ne vont pas manquer de saboter votre plan bien huilé en changeant totalement la donne. Vous n'avez pas fini de charger vos sauvegardes ou de recommencer la bataille afin de revoir votre plan de bataille de zéro.
La guerre change (un peu)
Heureusement, VC4 ne se contente pas de faire un simple copier coller son ancêtre et d'ajouter un "4" au sommet de la copie, il introduit une petite poignée de nouveautés. La plus notable est l'introduction d'une nouvelle classe, le grenadier. Il rejoint les 5 classes existantes, et remplace les nombreux hybrides et spécialisations des titres précédents. Pour mémoire (ou pour les nouveaux venus), l'éclaireur est un soldat léger mais très mobile, qui est parfait pour reconnaître le terrain ainsi que capturer le camp adverse. Le soldat est plus lent, plus solide et armé d'une mitrailleuse et plus tard d'un lance-flammes, il est parfait pour tenir une position (comme vous allez le découvrir dans la douleur vu que l'ennemi en a des tonnes), il est aussi très bon pour déloger des ennemis regroupés et retranchés. Le lancier est un soldat très lourd spécialisé dans la lutte anti-tank, qui dispose d'une variante exotique de lance-roquette. L'ingénieur est l'homme (ou la femme) à tout faire de l'équipe, il sait réparer, soigner, ramener à la vie, déminer, installer des échelles, ravitailler et déclencher des mécanismes spéciaux spécifiques à certaines missions, qui plus est il est très mobile, mais il est aussi solide qu'un morceau de papier toilette mouillé. Pour finir sur les classes d'origines, le sniper fait exactement ce que vous supposez.
Le grenadier apporte quelque chose qui manquait gravement à votre arsenal, des tirs indirects, parfaits pour tuer des ennemis retranchés à longue distance. Il est même capable de bombarder automatiquement les ennemis durant leur tour, ce qui en fait un véritable fléau. Il s'avère très puissant, voire un peu trop, au point qu'il empiète grandement sur les rôles auparavant laissés aux soldats, grenadiers et snipers à la fois. La bonne (?) nouvelle est que l'ennemi dispose rapidement de nombreux grenadiers eux aussi, et qu'ils vous rendront la monnaie de votre pièce. Apprendre à les gérer correctement ne sera pas une mince affaire. Il faudra faire usage des obstacles, des toits, et supprimer les sentinelles, sous peine de voir vos hommes voler en morceaux sous le bombardement ennemi. De plus, vos grenadiers ne pourront pas non plus s'arrêter, mettre le monde en pause et instantanément bombarder un ennemi, comme vous pouvez le faire avec les autres classes, ils sont exposés durant de longues secondes pendant qu'ils déploient leur mortier. En fonction du modèle de mortier choisi, ils peuvent même décimer les chars adverse et les empêcher de se déplacer, ce qui ne sera pas non plus du luxe contre un des boss récurrents de l'histoire. On ne peut dans tous les cas pas s'empêcher de prendre 3 voire 4 grenadiers et de négliger le reste, afin de rire en voyant les pauvres trouffions ennemis se faire décimer sans avoir rien à faire.
Tous sur mon VTT
Ce n'est pas l'acronyme pour vélo tout terrain, mais presque. Il semble que les développeurs se soient rendu compte que beaucoup de missions étaient résolues en jouant seulement un ou deux personnages parmi la dizaine déployée, ce qui est à la fois absurde et pas très amusant. C'était un des reproches majeurs que nous avions fait au portage. La situation n'a pas totalement été résolue, mais des efforts ont été faits afin d'atténuer le problème. Outre le fait qu'il faudra plus souvent utiliser les autres classes pour dégager le terrain, le VTT, un véhicule blindé, permet d'embarquer entre 2 et 6 personnages (en fonction des modules optionnels installés) et de tous les transporter à travers le champ de bataille, dans une relative sécurité. Cela a ouvert la porte à quelques missions bien plus mobiles, dans lesquelles il vous faut disposer de nombreuses classes différentes afin d'accomplir certaines tâches.
Dans la même veine, le système de commandement a été ajouté. Une fois par tour, vous pouvez demander à un de vos chefs d'escouade de grouper jusqu'à deux autres personnages. Ces derniers vont alors le suivre partout et tirer avec lui durant une seule action, mais cela aide grandement à déplacer des personnages rapidement, en particulier ceux qui se traînent comme les lanciers et grenadiers. Ironiquement, cet ajout ainsi que celui du VTT produit l'effet inverse de celui escompté sur pas mal de cartes. L'objectif le plus commun étant simplement de capturer la base principale de l'adversaire à l'autre bout de la carte. Quand on sait ce qu'on fait, on se retrouve alors à faire une sorte de relais absurde avec des personnages rapides qui capturent l'objectif dès le premier tour de jeu, sur une carte immense couverte d'ennemi, ce qui permet d'obtenir les fameux rangs A requis pour débloquer récompenses et contenu cachés. On en apprécie d'autant plus les missions avec d'autres objectifs.
Toujours dans les nouveautés, l'introduction du Centurion, votre gigantesque navire arctique vous donnera accès à des ordres additionnels autour de votre commandant, comme le radar, le bombardement, le soin de groupe ou le retour d'un de vos chars détruits. Leur usage est limité, et vous ne pouvez pas en abuser contrairement au reste. Ils ne sont pas non plus disponibles si la mission ne se déroule pas à proximité du Centurion, ou s'il n'est pas en état de fonctionnement. Le Centurion finira aussi par servir de QG avec salle d'entraînement, labo de recherche et autres, ce qui vous permettra d'améliorer vos troupes et de les équiper, mais c'est quelque chose qui existait déjà dans le premier jeu. Ce système de progression récompensera en tout cas vos performances, et vous pourrez aussi adapter l'équipement de vos soldats en fonction de vos préférences ou du combat qui les attend.
La 5e compagnie en Sibérie
Le tour du propriétaire étant fait en termes de gameplay, penchons-nous sur une autre partie non moins importante de Valkyria Chronicles 4. N'allez pas croire qu'elle ne sert que de prétexte. Une des spécificités de la licence est son style visuel très particulier et son nombre massif de cutscenes entièrement doublées à la fois en Anglais et en Japonais. Imaginez que vous regardiez une série animée entre les batailles. Nous sommes en 1934, dans un monde alternatif et en pleine guerre mondiale entre l'équivalent de l'Europe, la Fédération atlantique, et une fusion de l'Allemagne nazie ainsi que de l'Union soviétique, l'Empire. La raison de la guerre est la Ragnite, une ressource rare et vitale qui est reconnaissable à sa lumière azurée. Elle permet d'alimenter les moteurs, de produire des armes, de soigner les blessés, et même de canaliser les pouvoirs des mystérieuses et surpuissantes Valkyries. Comme le nom du jeu l'indique, on découvre l'histoire sous la forme d'une chronique, pas forcément chronologique, tenue par notre commandant, Claude Wallace. Un jeunot un peu idéaliste malgré le fait qu'il soit un officier d'élite. Il commande l'escouade E de l'armée de la Fédération atlantique. Les événements se déroulent en parallèle de ceux de Valkyria Chronicles premier du nom, qui lui se déroulait en Gallia. Ici, nous passons carrément à l'offensive, en plein cœur du conflit avec l'Empire, afin de prendre sa capitale, avec moult retournements de situation et batailles d'envergures (même si vous n'aurez jamais plus d'une douzaine d'unités).
Vache qui rit chronique
La guerre a clairement un visage humain dans le cas présent, chacun de vos soldats est unique, avec un visage, une voix, et une personnalité bien trempée. Voire trop de personnalité. Votre escouade E semble avoir servi de dépotoir pour tous les rebus et parias de l'armée de la fédération. Imaginez un cliché sorti d'un film de guerre ou d'un manga, il y a probablement un de vos soldats qui l'incarne, et bien plus encore. Entre le psychopathe échappé de Hokuto no Ken, la fille qui porte malheur, l'ado qui a des illusions de grandeur mais qui mouille son pantalon dès qu'il entend une balle siffler, les vétérans alcoolos qui tentent d'oublier la perte de leurs coéquipiers et qui luttent contre leurs PTSD, il y a du pain sur la planche. Chacun des membres de cette bande de casse-cou(illes) dispose de bonus ainsi que de malus liés à son caractère et à son histoire. Il est assez amusant d'entendre leurs dialogues, mais perdre un point d'action, car votre soldat pacifiste refuse de tirer l'est bien moins. Heureusement, ils ont tous droit à un chapitre optionnel dans lequel ils interagissent les uns avec les autres, puis foncent au combat et finissent par résoudre (ou au moins atténuer) leurs problèmes. Il y a au moins une dizaine de scénarios du genre (à chaque fois pour un trio de soldats), il est un peu pénible de tous les débloquer, mais ils sont amusants et intéressants, même si vous allez manger du cliché bien gras à la pelle. Saluons au passage les efforts faits pour la traduction française des textes. On ne s'attend pas à ce qu'une bande de militaires qui ripaillent utilisent un langage soutenu, et dans le cas présent la localisation n'a pas eu peur d'adapter avec brio en français les blagues et dialogues de mauvais goût des personnages, tout en conservant leur esprit.
L'histoire est du même acabit, c'est du vu et revu mille fois, pour peu que vous soyez fan d'animes et de jeux du genre. C'est extrêmement prévisible, mais ce n'est pas non plus déplaisant. On s'attache aux personnages malgré tout , et à défaut d'être original, le scénario est rondement mené. On enchaîne les combats et ça avance à bon train. On passe des plaines boueuses de l'empire aux cols montagneux enneigés, puis aux forteresses impériales perdues dans l'océan gelé, pendant que les dramas personnels évoluent.
L'amour du A A A
En fonction de votre façon de jouer, prévoyez entre 20 et 40 heures pour finir l'histoire principale en Normal (il n'y a pas de mode Difficile au début). Le jeu n'est généralement pas très difficile à moins de chercher à obtenir les "A" mentionnés quelques paragraphes plus haut, qui exigeront de vous un plan et une exécution millimétrés (avec une bonne dose de chance parfois, à notre plus grand désarroi). L'IA n'étant pas suffisamment intelligente pour être une réelle menace en attaque, la question est de savoir combien de tours vous allez mettre pour gagner, et si vous allez laisser certains de vos soldats mourir de façon (presque) définitive. Il y a cependant quelques missions très corsées qui vous demanderont davantage d'efforts. De plus, de nombreuses escarmouches, des batailles non scénarisées, puis des modes difficiles sont débloqués après la fin de l'histoire. De quoi vous tenir en haleine plusieurs dizaines d'heures additionnelles. C'est alors qu'il faudra vraiment faire travailler votre esprit de tacticien, pour percer de la manière la plus efficace les lignes adverses. Tous ces efforts sont récompensés, puisqu'ils débloquent généralement des chapitres additionnelles à l'histoire, avec des anecdotes amusantes, de nouveaux personnages et plus d'équipement. Ce qui donne une durée de vie d'environ 60 à 90 heures pour tout boucler.
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