Longtemps après sa sortie au Japon puis aux États-Unis, Fire Emblem Fates arrive finalement en Europe. Toujours développée par Intelligent Systems et éditée par Nintendo, cette série qui a inventé le genre Tactical RPG en est à son 14e opus. Cependant, sa popularité ne semble pas se démentir en dehors du Japon, bien au contraire. Est-ce que ce titre sera une nouvelle perle à ajouter à la ludothèque déjà bien remplie de la 3DS ? Est-ce que toute cette attente nous donnera droit à une localisation de qualité ? Sur ce point, rien n'est moins sûr, mais nous vous invitons à le découvrir dans ce test. Un test qui sera sous un format très particulier, car comme vous le savez peut-être, le jeu a été divisé en plusieurs versions : Héritage et Conquête, suivies d'une extension finale : Révélation. Mais attention ! Contrairement à Pokémon qui pratique la chose depuis toujours, ici chaque version a sa propre campagne et sa propre histoire. Nous allons donc essayer de vous aider à y voir plus clair avec une page dédiée à chaque version ou "voie" du jeu.
- Genre : Jeu de rôle tactique au tour par tour
- Plateforme : Nintendo 2DS, 3DS, N3DS
- Développeur : Intelligent Systems
- Éditeur : Nintendo
- Prix : 39,99€ puis 19,99€ par voie additionnelle soit près de 80€ pour l'ensemble
Fire Emblem quatorzième du nom
La série Fire Emblem reprend plusieurs éléments fondamentaux d'un épisode à l'autre depuis le premier opus, mélangeant jeu de rôle et tactique au tour par tour, avec un coté relationnel amusant en prime. Vous aurez à prendre le contrôle d'un groupe de héros à travers une campagne qui vous demandera généralement de vaincre un empereur tyrannique et de tuer un dragon ou deux, entre autres choses. La caméra en vue du dessus, le damier et le système de combats façon pierre-papier-ciseaux n'ont que relativement peu changé depuis plus de vingt-cinq ans. Le fait que la mort des personnages de l'équipe soit aussi définitive, alors qu'ils sont généralement irremplaçables ou presque, a contribué à en faire une des licences les plus ardues du genre. Ces éléments n'ont pas changé avec Fire Emblem Fates, et le scénario, bien qu'il se laisse suivre, reste très classique dans le fond. Heureusement, il est riche en rebondissements et il est intéressant de voir l'évolution des différents personnages en fonction du choix familial qui s'imposera rapidement durant votre aventure. Après tout, moralement, la situation n'est clairement pas simple, même si le "vrai" méchant de l'histoire ne serait pas plus évident si on lui ajoutait une petite moustache et la raie de coté.
Lors d'un divorce qui se passe mal, il est parfois difficile de choisir entre son père et sa mère, là étrangement non.
Cela reste Fire Emblem, mais Fates fait l'effort de nous montrer que la situation n'est pas nécessairement aussi manichéenne qu'elle en a l'air lorsqu'il y a un conflit entre deux pays. Les joueurs d'Awakening seront peut-être amusés ou irrités par le caméo outrancier de la part de personnages du jeu précédent au sein de votre groupe de héros de Fates. Ce recyclage éhonté ne trouvera d'ailleurs pas de résolution scénaristique, à moins de faire l'acquisition des DLC payants prévus pour plus tard en Europe, si la question vous obsède. Décidément, rien ne se perd avec Fire Emblem, cela en deviendrait presque une forme d'art.
Trahir sa famille d'adoption ou trahir sa famille de sang ? Un choix rendu facile si vous avez déjà choisi votre "Waifu/Husbando".
À deux c'est mieux
Fire Emblem: Awakening avait introduit de nouveaux mécanismes, comme le fameux système de Duo. Bien que le jeu ait été un grand succès, on ne peut pas nier qu'il avait aussi son lot de problèmes. Citons par exemple le temps disproportionné qu'il fallait passer à farmer pour venir à bout des modes de difficulté les plus élevés et de certains DLC ; il fallait faire changer chaque personnage de classe plusieurs fois afin d'obtenir les bons talents, pour ensuite les transmettre à ses enfants, qui vont à leur tour devoir changer plusieurs fois de classe. À présent, les objets qui permettent de changer de classe sont en quantité limitée. De plus, passer de l'une à l'autre ne permet pas de cumuler facilement tous les bénéfices des deux classes ; il y a donc bien moins de raisons de le faire. Même chose avec les enfants qui pourront être instantanément promus à haut niveau dès leur arrivée en jeu, ce qui évite d'avoir à passer par une longue période de remise à niveau. Bien entendu, il vous faudra tout de même jouer des dizaines d'heures si vous souhaitez tout optimiser et débloquer les dizaines d'enfants disponibles, ainsi que les missions qui vont avec, mais globalement vous pouvez vous permettre de privilégier davantage le fun et la campagne plutôt que le farming.
Les critiques sont immensément puissants, et une source de rage infinie quand un ennemi tue instantanément l'un de vos personnages alors qu'il n'avait que 1% de chances d'en faire un.
Le système de Duo était lui aussi totalement déséquilibré en faveur du joueur, et il n'y avait aucune raison de ne pas en abuser, ou plutôt, vous étiez forcé d'en abuser à haut niveau de difficulté. Cela sera dorénavant un peu plus équilibré, puisque vos ennemis se sont rendus compte qu'eux aussi peuvent travailler en équipe. De plus, le bénéfice de la chose a été divisé : former un Duo donne quelques bonus de statistiques mais le compagnon en retrait ne pourra pas attaquer ; il se contentera d'intercepter une attaque de temps à autre. À l'inverse, ne pas en former un, mais avoir des unités côte à côte, leur permet d'obtenir des attaques additionnelles. Les ennemis ne s'en privent d’ailleurs pas, et quand le boss vous attaque quatre fois le même tour, parce que ses soldats sont en formation serrée et qu'ils tabassent votre tank, ça fait mal. Cela force donc à faire un calcul et à ne pas nécessairement faire que des duos, sans forcément revenir totalement sur cette fonctionnalité. À l'opposé, il faudra aussi bien évidemment anticiper le fait qu'un ennemi très dangereux puisse être sauvé par l'un de ses amis s'il est en duo.
Deux contre un, c'est de la triche !
Magie royale
Un changement majeur introduit par Fire Emblem Fates est la suppression du, non moins fameux, système de durabilité des armes, propre à la licence. Aussi intéressant que frustrant, il forçait à conserver les meilleurs objets pour le moment propice, car même les armes légendaires finissaient par casser après quelques dizaines de combat. C'est à présent du passé ! L'avantage est que la gestion des stocks et de l'inventaire s'en trouve grandement simplifiée. Le forgeron qui peut les améliorer s'en retrouve aussi valorisé. Ironiquement, plutôt que de mener à une simplification (ou casualisation, comme qui dirait), cela a ouvert la porte à un approfondissement des mécanismes de jeu. Jusqu'à présent, monter dans les différents paliers de matériaux pour les armes était presque toujours des améliorations indiscutables : cela n'est plus le cas. Il ne suffit pas de donner des armes en argent à tout le monde une fois qu'elles sont débloquées dans Fates ; chaque arme a ses bonus et des malus, parfois conséquents. Par exemple, une vulgaire lance en cuivre ne fait pas très mal, mais elle offre un gros bonus d'évasion à son porteur ; il ne fait aucun doute que votre Chanteuse qui n'attaque jamais n'a pas besoin de faire de dégâts. Les armes en acier rendent les doubles frappes plus difficiles, celles en argent appliquent un malus de force cumulable après chaque attaque, l'arc longue portée ne fait pas très mal, etc. Vous allez donc devoir gérer votre arsenal, son amélioration, sa répartition et la couverture des différentes situations auxquelles sera confronté chaque personnage. Au final, les seuls objets qui ont encore une durabilité sont les sceptres de soin, afin d'éviter que les joueurs patients utilisent l'expérience qu'ils procurent pour atteindre un niveau obscène dès la première mission.
Faire fondre le lac au bon moment permet de se débarrasser des ennemis, mais vous prive d'un raccourci vers l'objectif.
En matière de simplification, le seul changement qui va vraiment dans ce sens est l'introduction de l'option renaissance : facultative, elle va permettre d'ouvrir le jeu à un public un peu plus large. Lorsque vous lancez une nouvelle campagne, vous pourrez décider de l'activer ou non, peu importe le niveau de difficulté. Si l'un de vos personnages se fait tuer (ce qui arrive toujours extrêmement vite), au lieu de disparaître à jamais, il sera à nouveau disponible pour la mission suivante. Cela permet de supprimer la partie vraiment frustrante (ou toute la difficulté diront certains) du jeu, si vous en avez envie.
Plus que jamais, les cartes de chaque mission seront interactives. Nous avions l'habitude des effets de terrain et des portes fermées, mais à présent il vous faudra utiliser stratégiquement les veines draconiques. Ces cases lumineuses pourront être activées par les membres de la famille royale (ou leurs descendants), afin d'activer un pouvoir scripté. Cela peut déclencher l'apparition d'un pont, faire s'écrouler un mur, ou plus amusant, déclencher une pluie d'acide sur les ennemis. Il sera donc important d'avoir le personnage au bon endroit au bon moment, dans le but de renverser le cours de la bataille. Évidemment, l'ennemi n'est pas en reste puisque vous allez affronter la famille royale opposée, et ils n'auront pas peur de déclencher des pluies de boules de feu sur votre armée si jamais vous êtes mal placé.
Le désert va fortement ralentir vos unités, mais transformer le sable en plaines va aussi permettre aux ennemis de vous foncer dessus plus vite.
Source chaudes inclues
Une des nouveautés les plus significatives de Fire Emblem Fates est l'introduction du château, une base d'opération dans laquelle vous allez pouvoir construire plusieurs dizaines de bâtiments d'ici la fin de la campagne. Cela comprend des éléments absolument essentiels : par exemple les seules boutiques du jeu à fonctionnalités uniquement divertissantes, comme les sources chaudes pour regarder vos héros se baigner. Le fait de pouvoir développer des relations entre les membres de son armée a toujours été l'une des marques de fabrique de la série. Dans le cas présent, cela va sérieusement gagner en ampleur puisque vous aurez de nombreuses façons d’interagir avec eux. Une plus importante a été offerte à l'intérêt romantique du héros : l'heureux/se élu/e occupera vos appartements, ce qui vous permettra de développer un certain attachement à son égard au-delà du dialogue de rang S, même si c'est un personnage mineur qui n’apparaît pas dans les cinématiques, ni les cutscenes. Le soin du détail accordé à la chose est presque troublant pour une fonctionnalité cosmétique, on a tendance à se prendre au jeu, voire à regretter que certaines d'entre elles, un peu plus osées, aient été coupées entre la version japonaise et l'occidentale. La bonne nouvelle est que tout cela ne demande pas beaucoup de temps, donc vous pouvez passer dessus très rapidement entre chaque mission, si cet aspect du gameplay vous répugne.
Vous pourrez changer le style de votre château et vous y balader en vue à la 3ème personne si vous le souhaitez.
Vos efforts pour agencer au mieux votre base ne seront pas perdus puisque si le cœur vous en dit, vous pourrez prendre part à plusieurs missions optionnelles assez ardues, durant lesquelles il faudra la protéger contre des vagues d'envahisseurs. Cela sera l'occasion de découvrir à quel point l'esthétique et les impératifs militaires sont deux concepts difficiles à faire cohabiter. Vous pourrez aussi vous amuser à envahir le château des autres joueurs en ligne, afin de débloquer des récompenses et des talents pour vos personnages. Notez aussi que si vous faites partie de cette minorité de joueurs qui font du PvP sur Fire Emblem, sachez que l'option existe bien, même si elle ne permet pas de gagner d'or ou d'expérience. Cela vous permettra de mesurer vos personnages à celui des autres, et de voir qui a le Corrin le plus puissant d'entre tous.
Fire Next Gen
Visuellement, Fire Emblem Fates est à peu près au niveau de Fire Emblem Awakening, voire un peu au dessus ; ce qui n'est pas forcément surprenant vu que nous faisons le test avec une New 3DS. L'élément le plus marquant est peut-être que, durant les combats entre deux unités, la caméra passe à l'horizontale et montre le sol et les décors alentours d'une façon assez réaliste par rapport au positionnement de l'unité sur la carte. La transition est parfois bluffante. Cela n'a l'air de rien dit comme cela, mais pour cette console et un vieux de la licence, c'est assez impressionnant car la transition se fait d'une façon naturelle, d'autant que les décors sont souvent magnifiques, du moins tant qu'on ne prête pas attention à certaines textures au sol. Le tout est rehaussé par de nombreuses cinématiques et des écrans d'introduction de mission souvent sublimes. Vous serez peut-être aussi heureux d'apprendre que, cette fois, les personnages ont bien leurs pieds. Niveau musical, on retrouve plusieurs thèmes d'Awakening, ainsi que des petits nouveaux qui s'avère de qualité ; il n'y a pas à se plaindre de ce coté et même après des heures, l'envie ne nous a pas pris de les couper.
Le pont que vous voyez à gauche a droit à un zoom qui donne l'image de droite quand vous attaquez le cavalier.
La localisation de la honte
La version anglaise de Fire Emblem Fates, disponible depuis quelques mois outre Atlantique, a fait couler beaucoup d'encre tant Nintendo of America a bâclé son travail de localisation. Les traductions, ainsi que les voix anglaises, ont été enregistrées sans direction de la part des équipes japonaises, ce qui donne un résultat souvent horrible et criard. Certaines fonctionnalités anecdotiques, voire un peu limites, ont été supprimées, comme la possibilité de caresser ses compagnons dans sa chambre, ce qui n'est pas nécessairement trop grave, même si le procédé a de quoi faire froncer des sourcils et grincer des dents. Le problème repose surtout dans les changements de caractère de certains personnages, des noms improbables, des dialogues coupés à la hache, si ce n'est totalement supprimés pour d'obscures raisons et des scènes de confession raccourcies. Comme vous l'avez peut-être deviné à présent, la version française du titre est basée sur la version américaine. Il n'y a pas de localisation des voix en français, vous aurez donc à supporter les piètres tentatives de doublage en anglais dignes du premier Baldur's Gate, accompagnées de sous-titres en français. Ce n'est pas un phénomène nouveau avec les jeux et les animés en provenance du Japon, donc il y a parfois une option pour avoir les voix originales japonaises afin de satisfaire les puristes, à défaut de voix anglaise ou française à la hauteur. Malheureusement, ce n'est pas le cas ici, donc à moins d'avoir une 3DS et un jeu localisé au Japon, il n'y a pas d’échappatoire.
Deux réactions typiques de joueurs lorsqu'ils découvrent un comparatif des différentes versions localisées du jeu.
Héritage, Conquête, Révélation, etc.
Avant d'entrer dans les détails sur chaque version, il convient de clarifier la façon dont le jeu a été découpé. Cela devrait vous aider si vous décidez de l'acheter. Fire Emblem Fates possède une série de missions d'introduction qui sont suivies par un choix déchirant qu'il vous faudra faire entre votre véritable famille (Héritage) et votre famille d'adoption (Conquête) : choisir un de ces camps va lancer la campagne correspondante avec ses très nombreuses spécificités, à la fois au niveau des personnages, des missions, mais aussi de la difficulté. Si par exemple vous achetez Fire Emblem Héritage, votre jeu contiendra uniquement l'introduction commune et la campagne Héritage. Vous pouvez quand même choisir l'autre campagne le moment venu, mais il faudra alors faire un tour par le Nintendo eShop en jeu pour acheter la campagne de Conquête à prix réduit. L'inverse est valable si vous achetez le jeu Fire Emblem Conquête. L'important est de savoir que vous ne vous privez d'aucune partie du jeu en achetant une version plutôt que l'autre, du moins tant que êtes prêt à payer un supplément. Si vous avez l'ambition de tout faire (ce qui serait logique) et que vous ne souhaitez pas passer par l'eShop, il faudra vous tourner vers l’Édition spéciale du jeu.