L'éditeur Valve a décidé, depuis quelques semaines, d'aider à éradiquer les arrangements de matchs sur Counter-Strike: Global Offensive. Après plusieurs actions ayant conduit à ces sanctions exemplaires, l'entreprise américaine a dû, dernièrement, faire machine arrière concernant une des équipes concernées, les éléments de preuve qui semblaient jusqu'alors suffisants pour bannir les joueurs n'étaient finalement pas valables.
Que penser alors des autres punitions infligées à d'autres personnalités de la scène ? Peut-on et doit-on remettre en cause les déclarations officielles faisant état de tricherie, lorsque certains se défendent publiquement d'être coupables ? L'aventure des anciens ESC Gaming laisse à réfléchir sur le sérieux des enquêtes menées, ces dernières se font vraisemblablement sans discussion avec les principaux concernés et c'est à eux, par la suite, de prouver qu'ils sont innocents. De là à penser que Valve bâclerait son travail partant du principe de la présomption de culpabilité, il n'y a qu'un pas que nous allons tenter d'éclaircir ici même.
Des cas d'école
Concernant plusieurs équipes, il ne semblait faire aucun doute de leur culpabilité. Que ce soit les ex-iBUYPOWER et le scandale qui a frappé les États-Unis, les ex-Epsilon eSports ou bien encore les Polonais de ALSEN, les sanctions prises à leur encontre l'ont été sans que les joueurs n'aient décidé de se défendre publiquement, ce qui signifie qu'ils admettent avoir été pris la main dans le sac. En revanche, d'autres points sont plus litigieux. Tout d'abord, tous les acteurs de ces fraudes n'ont pas été punis, si les principaux concernés, c'est à dire les joueurs, ont reçu le courroux de l'éditeur, leurs amis qui ont aidé à mettre en place la fraude ont, pour la plupart, été oubliés des sanctions. Seules les actions aux États-Unis ont finalement touché davantage que les simples membres du club fautif, l'un des cofondateurs de NetcodeGuides.com ou bien encore certaines personnalités extérieures, telles que Derek « dboorN » Boorn ou bien Duc « cud » Pham, ont vu leur carrière brisée suite à la découverte de leurs agissements. Ces derniers faisaient office de relais pour parier en centralisant, ou en dispatchant, les informations auprès de leurs connaissances, avant, ensuite de récupérer les gains et de les redistribuer aux membres de l'équipe qui avait volontairement perdu.
Mais, lorsqu'il fut question des ex-Epsilon, la réponse apportée par Valve fut moins vaste que la précédente. Si l'on reprend les propos tenus par l'ancien joueur Millenium Steeve « Ozstrik3r » Flavigni, chez nos confrères de VaKarM.net, on peut logiquement se demander pourquoi seuls les joueurs Epsilon ont été sanctionnés. La nébuleuse des acteurs ayant participé de près ou de loin à la triche était bien plus vaste, mais hormis Morgan « B1GGY » Madour, qui ne jouait pas au moment des faits pour Epsilon, personne n'a reçu de sanction ou n'a été publiquement mis sur le banc des accusés.
Steeve « Ozstrik3r » Flavigni à propos du match truqué (Source)
Le match truqué d'epsilon : Oui j'ai eu l'info indirectement par un mec de mon équipe (bizarrement non cité ainsi que tous les autres joueurs...)
De plus les skins tout le monde sait que je m'en fous royalement donc regardez bien ce que j'ai misé...
Alors forcément, cette situation de deux poids, deux mesures, n'est pas tenable sur le long terme. Pour mettre un terme à la triche, il faut publiquement sanctionner l'ensemble des acteurs ayant participé, même si les peines doivent être proportionnelles aux actes. Ainsi, un joueur ayant volontairement perdu un match est bien plus coupable qu'un de ses amis qui a profité de l'information. Pour le moment, il semble que Valve pointe principalement ceux qui sont susceptibles de se rendre à ses évènements, laissant donc de côté les moins connus de la scène.
La jurisprudence ESC Gaming
Ce mode de fonctionnement, s'il pouvait déjà être critiquable, car ne touchant pas l'ensemble du réseau, a de plus été mis à mal par le récent retour en arrière opéré par l'éditeur. Dans un premier temps, Valve avait décidé de bannir l'intégralité de l'effectif des ex-ESC Gaming. Sauf que, ces derniers ne se sont pas laissés faire et qu'ils ont demandé à pouvoir s'expliquer auprès de l'éditeur, sur ce qui leur était reproché. Selon les propos tenus par l'un des joueurs sur HLTV.org, Paweł « innocent » Mocek, seules des conversations Steam dans lesquelles ils disaient qu'ils allaient truquer leur match, ont été suffisantes pour les condamner. Or, les Polonais affirment qu'ils répondent toujours ça lorsqu'on leur pose la question, tout simplement, car ils trouvent cette question stupide. Une défense qui pouvait sembler fragile, mais qui finalement aura payé puisque, dès le lendemain, les anciens ESC Gaming pouvaient à nouveau disputer tous les tournois qu'ils souhaitaient et étaient définitivement innocentés.
Valve à propos des ex-ESC Gaming (Traduction - Source)
Les anciens ESC Gaming étaient interdits de participer à des évènements sponsorisés par Valve suite à une enquête touchant l'historique de leurs activités et les allégations de match truqué les concernant. Une enquête plus approfondie a pu clarifier leurs rôles dans cette affaire, et toutes les sanctions sont donc levées.
Les enquêtes de Valve étaient jusqu'à maintenant toujours considérées comme suffisamment approfondies pour ne laisser aucune place au doute. Or, il semble que sans l'action des ex-ESC Gaming, ils n'auraient jamais pu être blanchis des accusations qui leurs étaient portées. En clair, l'éditeur a été contraint de faire machine arrière, mais ne semble pas prêt à revoir sa politique vis-à-vis des sanctions. Pourtant, désormais, il semble acquis que des erreurs sont possibles, que certains joueurs professionnels peuvent être accusés à tort et que des carrières risquent d'être brisées.
Quelles corrections apporter ?
Nous en parlions déjà il y a plusieurs mois, Valve et tous les acteurs du secteur doivent revoir leur manière de sanctionner les équipes. La présomption d'innocence devrait, dans un premier temps, être la norme, même si on peut imaginer que l'on exclut le temps des investigations une équipe, sur laquelle des doutes existent. Ensuite, il faut communiquer, or, comme à son habitude, c'est la partie la plus difficile avec Valve qui décide parfois de vous répondre, parfois non, sans que vous n'en connaissiez les raisons.
Ensuite, il faudrait mettre en place une grille de sanctions claire, que l'on sache ce que risquent les uns et les autres, suivant leurs agissements et que personne ne puisse échapper à ces condamnations. Pour l'heure, un bannissement de tous les évènements sponsorisés par l'éditeur pour une durée indéterminée est prononcé, mais seuls des cas de trucage d'un seul match ont été découverts. Alors que faire si l'on découvre des affaires plus importantes ? Si des joueurs sont contraints de perdre à leur dépens (attaques DDoS ou autre) ? Une grille permettrait pour nous, spectateurs de ces scandales, de savoir les risques encourus, mais surtout pour ceux qui souhaitent transgresser les règles de savoir ce à quoi ils s'exposent.
La situation actuelle n'est plus tenable, il faut clairement plus de transparence et une meilleure communication entre les ligues et Valve, mais surtout, entre les sites de paris et l'éditeur. Aujourd'hui, nous nous retrouvons face à des situations absurdes, où certains joueurs sont punis sévèrement tandis que d'autres, ayant agi avant 2015, peuvent poursuivre tranquillement leur carrière. De plus, des clubs, joueurs ou amis ont également pu passer au travers des enquêtes trop vite réglées et trop peu commentées par Valve. Le modèle qu'il faudrait suivre est celui qui a mené à l'exclusion des ex-iBUYPOWER. Des preuves collectées par un site d'actualité, une demande d'assistance de CSGO Lounge vers Valve, et une centralisation des informations qui aura permis de faire tomber un grand nombre de ténors de la scène américaine. Depuis, il semble que Valve agisse plutôt seul, ce qui l'a conduit dernièrement, à se décrédibiliser en faisant marche arrière.