Si c'est Amazon qui a officialisé le rachat de Twitch pour un montant s'élevant à 970 millions de dollars, ce n'était pas la société de commerce qui était prioritaire à l'origine. Débutées depuis mai 2014, les négociations concernant la vente de l'entreprise californienne avaient commencé auprès d'un des géants de l'internet : Google et plus particulièrement sa filiale YouTube. Si les deux parties semblaient très proches d'un accord, plusieurs éléments de dernière minute ont fait capoter l'affaire et nous vous proposons de revenir sur ces derniers aujourd'hui. Car le changement d'acheteur aura des incidences sur vous utilisateurs et le revirement de situation n'a pas simplement eu lieu pour une question d'argent, les enjeux étaient bien plus complexes qu'il n'y parait.
Une histoire de monopole
Si Amazon a dû sortir le chéquier et dépenser 970 millions de dollars afin de remporter la mise, ce sont les négociations débutées entre YouTube et les dirigeants de Twitch qui ont établi ce montant proche du milliard. D'ailleurs tout était entendu entre les deux parties, YouTube devait payer l'intégralité de la somme en cash, ce qui correspondait à une demande des fondateurs de Twitch, mais dans le même temps à l'envie pour l'entreprise américaine de ne plus avoir de liens et de ne pas devoir céder des actions. Plusieurs sources proches du dossier ont ainsi pu confirmer que le rachat était pratiquement acté le mois dernier mais qu'à la dernière minute un couac est venu stopper la vente.
Les autorités de régulation américaines, qui sont très à cheval sur la notion de monopole, ont refusé de valider le montant de la vente ce qui par voie de conséquence a fait capoter la transaction. Selon les autorités anticoncurrentielles des États-Unis, en cas de rachat de Twitch par YouTube une position dominante trop importante du géant américain risquait de poser problème. Afin de pallier cette difficulté, la seule solution était d'augmenter significativement le prix de vente d'un montant proportionnel au prix de rachat, ou bien de se séparer de certaines de ses activités liées à la diffusion de contenus vidéo. En effet les liens entre les deux entreprises demeurent trop importants, et l'une ou l'autre dominent chacune un secteur bien précis : Twitch le direct et YouTube la VOD. L'opération financière lucrative pour les deux camps n'a ainsi pas pu se concrétiser à cause d'un blocage juridique de dernière minute qui risquait de voir flamber de manière excessive le coût de l'opération.
Une perte d'indépendance
Alors même si cet aspect juridique aura été déterminant dans la décision de YouTube de retirer son offre, d'autres arguments expliquent les raisons des longues tractations qui ont eu lieu entre Twitch et la firme de Mountain View. YouTube désirait réaliser une fusion à plus ou moins long terme des activités de Twitch. Ceci n'était pas dans l'ordre des priorités des dirigeants de l'entreprise de San Francisco mais étant donné le montant proposé pour le rachat de leur compagnie ils ont fini par accepter de lâcher du leste. Tout d'abord avec la disparition de Justin.tv qui représentait un handicap certain en cas de rachat par une société qui a besoin d'être en bons termes avec les ayants droit et qui plus est devait éviter les incidents juridiques liés à son monopole.
De même, YouTube souhaitait intégrer à son infrastructure Twitch en permettant une certaine fusion des capacités. Une nouvelle offre de contenus originaux pour l'un et le partage d'une masse incroyable de visiteurs pour l'autre. Mais pour ce faire il fallait revoir la copie du site de streaming où règne trop de libertés. Les droits musicaux, ceux des éditeurs de jeux vidéo, il n'aurait plus été possible à terme d'être monétisé en diffusant tout et n'importe quoi sans autorisation. Or l'une des forces de Twitch c'est bien de permettre aux diffuseurs de toucher une partie des revenus publicitaires peu importe quand et comment ils streament. Il aurait également été prévu un déménagement des bureaux voir une modification des effectifs et de l'organisation même de la société de San Francisco, car dans cette ville du nord de la Californie c'est Google qui est roi !
Une offre alléchante
La vente de Twitch à Amazon a également pu se faire car l'offre de l'autre géant du web était tout simplement très intéressante. Rapidement Amazon a su saisir l'opportunité qui lui était offerte, notamment en profitant des points de blocage que rencontraient les négociations avec YouTube. La compagnie de Seattle a donc assuré qu'elle offrait une totale indépendance à Twitch, qu'elle faisait confiance à l'équipe actuelle et qu'elle n'interviendrait que pour permettre à l'organisation de bénéficier des compétences et des infrastructures du réseau Amazon afin de se développer plus rapidement. De plus en s'alignant plus ou moins sur le montant que proposait la filiale de Google, il n'y avait plus aucune raison de patienter.
Amazon offre ainsi à Twitch la possibilité de rester dans la course et de concurrencer YouTube justement. Dans l'accord qu'ils ont signé cet aspect joue précisément une part très importante car c'est également un point de liaison très fort entre les deux nouveaux partenaires. En permettant à l'entreprise de San Francisco de grandir plus vite, Amazon s'assure une entrée par la voie royale dans l'univers de la vidéo, du jeu vidéo mais également de la publicité. L'industrie vidéoludique est d'ailleurs clairement devenue une priorité pour Jeff Bezos et son équipe de direction, particulièrement depuis l'ouverture du studio de création Amazon Game Studios renforcé début 2014 par le rachat de Double Helix Game. En s'offrant le numéro 1 du streaming vidéoludique, qui plus est à un tarif moins élevé que prévu, la société originaire de Seattle s'est permis de faire un pied de nez à l'un de ses concurrents (Google) tout en s'offrant également la possibilité de mettre un bon pied dans le monde de la diffusion en streaming, domaine en perpétuelle évolution et connaissant une croissance extrêmement importante.