Quand on demande aux Suédois pourquoi l’eSport a connu un succès aussi fulgurant dans leur pays, le premier argument qu’ils avancent est le rôle-clé joué par l’État. En effet, plusieurs mesures prises par les pouvoirs publics ont favorisé, indirectement ou directement, le développement du sport électronique dans le pays.
Des ordis et du haut débit pour tous !
Au début des années 2000, le gouvernement a mené une campagne pour donner l’accès à l’informatique au plus grand nombre, avec un objectif ambitieux : « un foyer, un ordinateur ». Les Suédois ont ainsi pu acheter des ordinateurs à bas coût grâce à des mesures spécifiques pour les salariés, qui pouvaient payer avec leur salaire brut (avant calcul pour les impôts). LaLuSh, par exemple, a eu son second ordinateur de cette façon, grâce au travail de sa mère.
En parallèle, la Suède a toujours été un pays précurseur en Europe dans le domaine des communications via Internet. L’infrastructure réseau a été construite très rapidement et le marché a tout de suite été ouvert à la libre concurrence aux fournisseurs d’accès privés, ce qui s’est traduit par la mise en place rapide des connexions haut débit type câble ADSL / fibre optique. Lors de la DreamHack Winter 2011, l’évènement a ainsi battu un record du monde en proposant un flux internet à 120 Gbits/s !
DreamHack news sur « La DreamHack 2011 bat tous les records » (source – traduction)
20 984 participants, la connexion Internet la plus rapide du record du monde en terme de bande passante avec 13 010 postes uniques sur le même réseau, La DreamHack Winter 2011 a proposé la connexion Internet la plus rapide du monde grâce à nos partenaires Cisco et Telia. Les participants ont été invités à pousser le réseau au maximum et le record du monde en terme de taux d'utilisation de ses capacités a été pulvérisé avec un total de 23,4 gigabits. C'est l’équivalent du flux de communication nécessaire pour regarder plus de 2000 chaînes de télévision HD simultanément !
DreamHack, la plus grande LAN du monde avec plus de 10 000 ordinateurs et une connexion internet haut débit quasiment infaillible (Crédit : DreamHack Winter 2011)
La prime aux jeux
Les citoyens suédois peuvent créer des sociétés/associations de jeux, en bénéficiant d’aides de la part du gouvernement en fonction du nombre de membres que comportent ces structures. Pour prétendre à ces subventions, il faut passer par la SVEROK, la fédération suédoise des clubs de jeux dont la mission est d’aider les clubs à s’organiser, de promouvoir les loisirs à travers les jeux en général et de gérer l’argent de l’État destiné à financer les activités liées à ce hobby.
Il y a trois types de structures qui peuvent bénéficier de ces fonds de financement : les clubs proposant des activités pour les jeunes (les clubs de jeux communaux, les maisons de quartier, etc.), les « cercles d’étude » (les clubs des écoles, des lycées, des universités, etc.) et certaines structures à but non lucratif (les clubs de jeux pour personnes handicapées, les clubs de jeux de rôle en grandeur nature, etc.).
LaLuSh sur les aides de l’État attribuées aux structures eSport
Sur Team Liquid, il est fait parfois référence à la SWBI (Swedish Brood War Initiative) qui est une structure subventionnée par l’État et qui utilise cet argent pour sponsoriser des évènements sur Brood War.
Elin Dalstål, joueuse et organisatrice de jeux de rôle depuis l’âge de 12 ans, propose un dossier très complet consacré à ce sujet publié sur le site « Gaming As Women ». Dans cet article, elle donne l’exemple suivant pour illustrer ses propos :
Elin Dalstål, joueuse et organisatrice de jeux de rôle depuis l’âge de 12 ans, sur « Money Money Money – Le gaming obtient le financement du gouvernement en Suède » (source – traduction)
Si nous avons un club de jeu avec cinq membres de moins de 25 ans, qui se réunissent chaque semaine pour jouer pendant 4 heures, ils se retrouvent avec:
- 3200 SEK pour la création du club,
- 4000 SEK pour les activités du club,
- 60 SEK x 5 membres pour les adhésions,
Total: 7500 SEK / 900 €.
En cette période où on parle beaucoup des modes de financement de l’eSport en France (sponsoring, Web TV, crowdfunding, etc.), la Suède propose donc un mode de financement alternatif pour les structures de gaming en les considérant sur le même pied d’égalité que les clubs de jeux ou les associations sportives.
Un ministère de l’eSport ?
La question est volontairement frondeuse. Mais, devant l’ampleur prise par le phénomène en Suède, les responsables politiques prennent les choses au sérieux car les joueurs sont aussi des électeurs ou sont appelés à le devenir ! Au-delà des enjeux électoralistes, les enjeux socioéconomiques liés à l’eSport intéressent de plus en plus la vie du peuple et certains élus font des propositions ou bâtissent des programmes qui intègrent cette nouvelle composante sociétale. Les questions liées à l’eSport sont régulièrement abordées par le ministre de la Culture.
Maddelisk sur l’eSport et la politique en Suède
Récemment, j’ai vu une vidéo avec des responsables politiques qui avaient un discussion au sujet de l’eSport. Ils s’interrogeaient sur la façon dont ils allaient procéder pour faire de la ville de Västerås, une véritable ville d’eSport. L’eSport est donc devenu un vrai sujet politique en Suède.
En Suède, politique et eSport font donc bon ménage. En France, peut-être y arrivera-t-on un jour, mais ce n’est pas demain la veille, hélas…