Prenez votre respiration avant de vous plonger dans cette interview-fleuve passionnante et passionnée que Désiré Koussawo a pris le temps de se livrer à quelques jours de la cérémonie d’ouverture de la 14ème édition de la Gamers Assembly.
- Partie n°1 : Son parcours IRL et eSport jusqu’à aujourd’hui
- Partie n°2 : La Gamers Assembly : évolutions, nouveautés et perspectives
- Partie n°3 : Le Festival GeeX, le circuit des Masters, une Fédération eSport
[M] BigCrook : Un autre bourgeon est sur le point d’éclore sur la scène eSport ce printemps et dans lequel tu t’investis beaucoup également, je parle bien sûr du Festival GeeX autour de trois piliers : la musique électronique, une LAN party et les nouvelles technologies. Peut-on parler d’une « DreamHack à la française » ?
Désiré Koussawo : Oui effectivement, on peut apparenter ça à une « DreamHack à la française » puisque la DreamHack nous a aussi beaucoup inspiré, on ne va pas se le cacher. L’objectif est de pouvoir proposer un évènement dans lequel on croise plusieurs univers : l’univers musical, l’univers du jeu vidéo et l’univers des nouvelles technologies parce qu’on pense qu’aujourd’hui, ça n’existe pas en France et qu’on pense que la France le mérite. C’est un grand pays au cœur de l’Europe, au cœur des échanges européens et en choisissant ce lieu de Paris Nord Villepinte à quelques kilomètres de Roissy, on investit sur l’avenir pour permettre un jour peut-être à toute l’Europe de venir se divertir à Paris chaque année au printemps.
C’est une véritable aventure pour moi, une aventure professionnelle puisqu’on a créé une société avec Johann Thiesson avec comme motivation de se dire pourquoi finalement ne pas se mobiliser à l’année pour organiser un évènement. Aujourd’hui, je travaille en mode associatif et c’est énormément de frustration chaque jour de se dire que si j’avais plus de temps, j’aurais peut-être pu mieux discuter avec tel partenaire, j’aurais peut-être pu mieux préparer l’arrivée de telle ou telle communauté, l’accueil de certains médias. Cette frustration est continue et l’objectif c’est de se dire qu’avec cette aventure GeeX, je vais finalement pouvoir basculer du côté obscur comme on dit [rires] et ne m’occuper que de ça comme l’on fait d’autres avant moi comme Mathieu Dallon, Samy Ouerfelli ou Johann Thiesson. qui vivent de l’eSport et a priori, ils ne s’en portent pas trop mal, je souhaiterais vraiment arriver à ça !
Autre facette de ton investissement dans l’eSport, en tant que président de l’association Futurolan, tu fais également partie du comité organisateur des Masters Français du Jeu Vidéo. Le circuit des Masters a connu beaucoup de difficultés l’an dernier et il y a eu cette année un recentrage sur uniquement 5 tournois historiques qui ont fait leur preuve (epsiLan, InsaLan, NexeN, GA et PxL) plus la finale. Quelle a été la réflexion pour donner un second souffle au circuit pour cette nouvelle saison ?
C’est difficile, c’est très difficile parce qu’il faut convaincre les partenaires de nous aider. Donc là, ça commence à prendre forme. Mais malgré tout, les associations sont très fragiles. On sait que les ressources financières pour organiser ces évènements et fidéliser les joueurs sont vraiment très faibles. C’est encore une lutte continue pour convaincre les partenaires que malgré tout, en investissant sur le circuit des Masters, ils permettent aussi à cet écosystème d’exister, d’y apporter des contenus, des fenêtres sur ce public pour nos annonceurs.
Maintenant, il faut aussi que les joueurs aussi nous aident, c’est-à-dire qu’ils soient présents sur nos évènements, qu’ils soient capables de se mobiliser pour pousser les projets. Par exemple, quand la PxL dit qu’elle organise un évènement au mois d’avril, si les joueurs veulent vraiment que le sport électronique se maintienne, il faut y aller. En Europe, il n’y a pas beaucoup de circuit comme celui-ci et il faut que les joueurs nous aident, il faut que les joueurs croient en nous, qu’ils prennent leur license Gold, qu’ils viennent dans nos évènements, qu’ils démontrent qu’ils nous « aiment encore » et qu’ils souhaitent qu’on continue l’aventure !
Même si cela n’est pas évident car il faudrait presque qu’il y ait une vraie volonté politique derrière, mais cela ne passe-t-il pas par la mise en place d’une fédération digne de ce nom ?
Il n’y a aucun secret, il n’y a aucun mystère. Lorsqu’on a créé Lan Alliance, il y a trois ans en 2009, l’objectif était de créer une structure fédérative pour permettre aux associations de participer à cette aventure de manière plus coordonnée, l’objectif à moyen terme étant effectivement de créer une fédération reconnue par les pouvoirs publics. Aujourd’hui je dirais et là je lance un appel : on a besoin de tout le monde ! C’est très difficile d’organiser un circuit comme le nôtre et on a déjà tellement d’énergie à dépenser pour soutenir le circuit et le faire fonctionner qu’en plus, s’occuper de tout le reste, c’est très compliqué.
Alors j’ai vu qu’il y a une fédération qui est apparue récemment et après je ne sais pas exactement de quoi il retourne. Mon analyse est qu’ils essayent de mettre en place quelque chose mais simplement, je trouve dommage qu’on n’ait pas pu s’entendre pour travailler ensemble parce qu’ils annoncent – après je ne suis pas allé vérifier – qu’ils sont reconnus par les pouvoirs publics, par le Ministère. Et si c’est vraiment le cas, je trouve que c’est dommage qu’on n’ait pas pu le faire ensemble. De ce que j’en sais, après toutes les démarches que nous avons pues faire de notre côté, c’est que c’est quelque chose de très difficile et de très compliqué à mettre en œuvre.
Mais oui, pour répondre à ta question, aller vers une fédération reconnue, c’est clairement un objectif à moyen terme dès que les ressources humaines à notre disposition nous le permettront.
Avant de conclure une petite question « politiquement correcte ». Tu es un très bon communiquant, tu es très à l’aise avec les médias. La notoriété est quelque chose qui ne te déplaît pas, bien au contraire. Tu as côtoyé plusieurs personnalités du monde politique que ce soit de droite ou de gauche. Bref, on imagine que tu as peut-être déjà eu des appels du pied pour t’engager en politique. Si demain, on te propose un poste de Secrétaire d’Etat Chargé de l’eSport, accepterais-tu ?
[éclat de rires] Je pense qu’il y a tellement de choses à faire et qu’il y a tellement de freins que si un jour un Secrétariat comme celui-ci pouvait exister, c’est avec plaisir que je m’investirai dans une telle mission parce que franchement, on passe à côté de trop de choses !
On a un tel potentiel et on sent que les partenaires sont prêts à y aller, on sent que les organisateurs sont prêts à y aller et si l’action politique pouvait permettre de mettre de l’huile dans les rouages et ce n’est pas forcément de l’argent. Le simple fait qu’un Secrétariat d’Etat existe permettrait déjà de justifier le fait que cette action a un sens. Et moi, là on plaisante mais si demain, le Ministère de la Jeunesse et des Sports pouvait organiser des tables rondes pour mettre en face des marques comme, je dis n’importe quoi, Adidas, Red Bull et autres, et les organisateurs d’évènements eSport comme les ESWC, les WCG, les ESL, les Masters Français des Jeux Vidéo pour faciliter un peu les discussions et nous accompagner, ce serait énormissime ! Donc ma réponse est oui, oui, oui ! Je participerai à toute aventure ou toute initiative qui peut permettre d’enfin donner ses lettres de noblesse aux jeux vidéo de compétition !
Merci de ta disponibilité et de nous avoir fait l’honneur d’inaugurer cette nouvelle rubrique sur le site Millenium. Le mot de la fin te revient de droit.
Merci de m’avoir identifié pour inaugurer cette rubrique, j’en suis très flatté ! Mon mot de la fin est en forme d’appel aux joueurs. La Gamers Assembly existe maintenant depuis 14 ans. Je pense qu’en 14 ans, avec mon équipe, on a réussi à monter un évènement qui correspond à ce qu’attendent les joueurs. On a peut-être atteint une limite dans le bénévolat et dans le modèle associatif et on est loin d’avoir hissé le niveau de la France au niveau des grandes compétitions européennes qui se font en Suède ou en Allemagne par exemple.
C’est pour cela que j’ai pris la décision de prendre le risque économique, financier et je dirais même humain puisque c’est beaucoup d’investissement personnel au détriment de ma famille en m’investissant dans cette aventure qu’est le Festival GeeX. Je tiens vraiment à dire parce que j’ai vraiment beaucoup entendu de critiques sur le prix d’entrée, qu’aujourd’hui en Europe, il n’y a pas un gros évènement qui existe sans une implication des joueurs et des participants. Des joueurs sont capables de payer 40-100 Euro pour une journée au Grand Rex ou au Palais des Congrès Porte Maillot pour voir 4 joueurs en compétition.
Moi je propose avec le GeeX de partager une fête pendant 3 jours autour du jeu vidéo, de la musique et de la nouvelle technologie. Donc je compte vraiment sur l’ensemble des lecteurs de Millenium et plus globalement de tous les passionnés d’eSport pour qu’ils nous aident sur cette première édition car on en a besoin. On a besoin de tout le monde pour prouver aussi à nos partenaires qu’on est capable d’aller dans cette direction et de proposer du grand spectacle et des grands rassemblements en France !
Lors de la Gamers Assembly 2012
(Crédit photo : Gamers-Assembly.net)