C'est l'histoire d'un gamin de douze ans comme il y en a des millions sur la planète. Un kid qui vit avec son temps, qui n'a pas de problèmes familiaux, a des amis et qui entre deux journées à l'école se détend devant ses jeux vidéos. Rien de bien extraordinaire. Sauf que la semaine dernière, ce dernier a vécu un événement qui a totalement bouleversé sa vie, allant même jusqu'à lui faire changer ses habitudes qu'il pensait jusque là si anodines.
Max Goldstein est un enfant comme les autres, sauf que lui a vécu le terrible drame de Newtown de l'intérieur. Un massacre pendant lequel il perdait des amis mais aussi certainement une certaine idée de la quiétude qu'est sensée véhiculer un lieu dans lequel l'enseignement et l'ordre façonnent la vie des écoliers. Le chaos est entré, ce jour de décembre, par effraction dans l'établissement et avait une arme automatique à la main, depuis c'est l'angoisse.
Le jeune Max Goldstein, 12 ans
Aux États-Unis, les parents arment désormais leurs enfants pour aller en cours pour prévenir les risques. Comme pour exorciser la peur, on combat le feu par le feu, avec les mêmes armes que le pompier pyromane aux environs de Salt Lake City. La déliquescence de ce climat anxiogène a atteint hier de nouvelles strates lorsque l'on apprenait qu'une élève de 16 ans prévoyait de faire exploser son collège dans la banlieue de Phoenix. La société américaine va mal, les symptômes sont visibles depuis des années et à chaque nouveau coup d'éclat, le banal côtoie le macabre . Comme pour ces obèses qu'on incite toujours à manger plus, une partie du peuple américain vit au rythme de l'idéalisation des préceptes qui les dirigent, les causes ne sont jamais que des accidents qui jalonnent l'expérience souveraine du rêve américain.
Et des causes beaucoup en cherchent. Qu'est ce qui motive la violence, l'acte soudain et brutal, celui qui arme et qui dirige le canon sur la tête de ses victimes ? Le psychiatre Keith Ablow au sujet du massacre de Newtown faisait un rapprochement de circonstance entre les jeux vidéo, les réseaux sociaux ou les fictions violentes comme des éléments qui seraient potentiellement responsables du passage à l'acte. Un discours récurrent qui sensibilise sur l’écosystème affectif et émotionnel dans lequel la société est baignée chaque jour de l'année, mais un discours qui généralise plus qu'il ne trouve de réelles pistes pour expliquer la réalité des situations que les américains peuvent rencontrer dans ces moments.
Played Out, le groupe de Max
Max Goldstein a décidé, de son côté, d'arrêter de jouer à ces jeux vidéos qui mettent en scène cette violence qu'il a rencontrée comme une sortie de piste dans sa vie d'enfant. Après avoir assisté à l'enterrement du frère d'un de ses amis, le jeune garçon de 12 ans entend même convaincre ses autres camarades d'arrêter de jouer. Passionné par la licence Call of Duty, aujourd'hui le but de Max « est de convaicre les autres enfants dans sa démarche ». Le garçon a d'ailleurs monté un groupe : Played Out pour inciter d'autres enfants à le rejoindre.
Les jeux passent à la poubelle
CBS s'est emparé de l'affaire pour faire le lien entre la violence des jeux et son affectation au réel, corroborant ainsi les thèses de nombreux spécialistes selon lesquelles la violence dans les jeux affecterait le psychisme des joueurs, alors qu'au même moment le débat sur le port d'armes à feu ou leur vente fait rage dans le pays. Le jeu vidéo retranscrit-il la violence d'un climat, d'une société, de son modèle et son intégration dans la réalité du monde, politique ou militaire ; ou est-il en lui même un véhicule de l'idée d'une violence aliénante créée uniquement pour vendre du produit dit « culturel » ? La société américaine doit affronter un débat qui ne s'arrête pas à la mécanisation, ni à la mise en scène de la violence dans les formes d' « entertainment » qu'elle propose au public mais bien à un débat de fond sur ce qui a singularisé l'expansion de sa Nation et la nature de son ascension et son émancipation « civilisationnelle », les premières idées de mesures autour de la législation des armes à feu en sont une preuve prégnante.
Pour Max Goldstein, la question n'est bien évidemment pas là, la réaction fait suite à sa prise de conscience que, oui, les armes à feu tuent, autant que celles que l'on voit s'afficher quotidiennement au journal de 20h tous les soirs. Le jeune garçon ne veut plus « tuer, y compris de manière illusoire dans un jeu vidéo» rapporte le Hartford Courant, un webzine du Connecticut. Ses parents l'accompagnent dans sa démarche, la mère de l'enfant, Roberta Mittleman, affirme de son côté : « Je ne pense pas que le jeu vidéo soit la cause du problème, mais c'est un facteur qui y contribue. » Les réactions épidermiques à la suite des exactions sont nombreuses, et si les causes restent floues, les conséquences elles sont visibles. Max Goldstein invite d'autres enfants du pays à le suivre, son slogan : « Choisissez de ne pas jouer ».