L'Electronic Sports League a vu le jour en 1997 en Allemagne sous le nom Deutsche Clanliga - DeCL. La ligue était auparavant en concurrence avec le géant ClanBase mais, depuis plusieurs années, ils ont pris la place dominante en Europe grâce notamment à un système de contrôle bien plus abouti. Plusieurs millions de membres sont enregistrés, des centaines de milliers d'équipes et une dizaine de millions de matchs ont eu lieu via cette entreprise. Divisée en plusieurs entités, la France a eu le droit de citer à partir de 2003 grâce à un certain Jean-Christophe "LOBO" Arnaud qui, au culot, est parvenu à s'imposer comme étant le représentant tricolore de Turtle. C'est donc logiquement vers lui que nous nous sommes tournés afin de réaliser ce dossier. Il a accepté de répondre à toutes nos questions, ce qui devrait vous permettre d'en apprendre davantage sur ce mastodonte du sport électronique.
Jean-Christophe "LOBO" Arnaud (avec la casquette) et le staff ESL France durant la PGW 2012
Nous sommes donc allés à la rencontre du manager général de l'ESL France, celui par qui tout a commencé et c'est donc avec lui que nous allons poursuivre ce dossier :
Millenium.org : Bonjour LOBO, est-ce que tu peux revenir sur la création de l'ESL France, comment le projet a vu le jour à son commencement et surtout comment l'idée t'es venue ?
Jean-Christophe "LOBO" Arnaud : Le projet de l'ESL en France est né un peu avant l'été 2003. À l'époque, je commençais tout juste à m'intéresser à l'eSport. Je me souviens avoir été impressionné par ce marché, de voir que certaines marques commençaient à investir des budgets importants, que des joueurs recevaient des salaires, etc. J'avais toujours cherché à travailler dans le Gaming, et cela me semblait très enthousiasmant, en tout cas plus que le Consulting en SSII. Et puis, il fallait que je rentabilise le temps que je passais sur 1.6. Vu mon niveau, une carrière de progamer était une vaste blague, alors je me suis tourné vers ce que je savais faire.
J'ai contacté au culot une structure majeure à l'époque, la CPL Europe, en leur disant que la France était un marché majeur, qu'il leur faudrait un Directeur pour ce pays et que je pensais convenir parfaitement pour ce poste (bien que je n'ai aucune expérience dans le secteur, à part peut-être une LAN de 4 ou 5 amis chez moi un week-end).
À l'époque, la licence CPL pour l'Europe était détenue par Turtle Entertainment GmbH, une jeune société allemande. Mon contact chez eux était Ralf REICHERT (un des actionnaires de Turtle et le créateur de SK Gaming) qui m'avait mis en contact avec un autre fondateur, Jens HILGERS. Ce dernier m'a invité à Cologne, en me disant rapidement que la CPL n'était clairement pas leur priorité pour différentes raisons et qu'ils allaient mettre un terme à leur collaboration avec Angel MUNOZ (CPL) pour lancer leur propre plate-forme, l'Electronic Sports League. Après avoir auditionné plusieurs profils sur la France, Turtle a choisit de me faire confiance, même si je ne connaissais pas grand-chose au sport électronique. Je venais d'un cursus Ecole de Commerce et ils cherchaient un profil plus orienté Business que Gaming, capable d'aller chercher des grands comptes tout en ayant une vision stratégique sur la façon de mener ce projet tant au niveau Communautaire que Marketing.
Je suis donc parti de 0 (au niveau communautaire) en allant chercher les clans et les joueurs "à la main", sur leur channels mIRC ou en aspirant les emails des ligues concurrentes pour faire du prosélytisme (Ok, j'avoue, c'était des mass mailing bien fat... À l'époque, il y avait encore des sites qui affichaient en clair les emails de leur base de données).
En six mois, nous avions déjà 22 000 joueurs et grâce à la plate-forme, les stats croissaient rapidement. J'ai donc crée une société fin 2003 pour donner un cadre légal à l'exploitation de la licence et en 2004, nous organisions les premières EPS, dotées de 2000 euros en cash. Aidé par les différents bénévoles Admin de l'ESL, nous avons lancé la ligue et avons pris de plus en plus de place sur la scène eSport, marchant dans les traces de la Division allemande. Nous sommes devenus la seconde ligue la plus importante en europe derrière l'Allemagne et nous n'avons jamais quitté cette place depuis.
ClanBase versus l'ESL, une guerre gagnée depuis longtemps
Bien que cela semble être une success story, tout ne s'est pas fait sans heurts et la rentabilité n'est pas arrivé tout de suite. Les 3 premières années ont été très difficiles, étant par exemple dans l'incapacité de sortir un salaire, il a fallu se serrer la ceinture et se prendre moult portes, le marché en étant à ses balbutiements en France. Ce n'est qu'en 2008 que j'ai pu recruter mes deux premiers salariés et en 2009 que nous sommes devenus une filiale à part entière du groupe, après avoir ouvert des comptes comme Intel, Bitdefender ou ASUS. C'est à cette époque que Samy OUERFELLI (le créateur de Team-aAa) nous a rejoint pour gérer la société avec moi, en y apportant son réseau professionnel ainsi que sa vision basée sur sa propre expérience chez aAa.
Quelles évolutions ont connu les différentes ligues de l'ESL depuis le lancement du projet ?
Outre les différentes versions qui sortaient tous les un ou deux ans, l'ESL a amorcé un virage en commençant à créer des outils pour se démarquer des autres et prendre un avantage technologique, par exemple avec ESL Wire, ou plus tard Versus. Au niveau eSport, nous avons commencé a structurer les EPS, en leur donnant des EAS (Amateur Series) et en nous focalisant sur un jeu majeur, CS 1.6. En Europe, le groupe a continué de prendre des partenaires sous licence, de façon à couvrir le plus possible de pays. Certains ont bien réussit, et sont devenus eux aussi des filiales, comme l'Espagne ou la Pologne.
Chaque année, en janvier, nous nous réunissons tous à Cologne, au siège, pour parler des succès et des difficultés rencontrées, partager notre expérience sur les actions qui ont bien fonctionné, sur les concurrents à surveiller, les nouvelles divisions créées ou les stratégies que nous allons mettre en place au niveau international. Le groupe s'est considérablement professionnalisé et il compte maintenant une centaine d'employés en Europe, sans compter les employés des partenaires de l'ESL.
Plusieurs noms apparaissent dans ces lignes, notamment celui de Ralf Reichert qui est encore aujourd'hui en activité. Il occupe d'ailleurs le poste de directeur général du groupe et a su s'entourer de plusieurs milliers d'interlocuteurs, salariés et bénévoles. Car si l'Electronic Sports League est la principale ligue pour les joueurs en Europe, il n'en demeure pas moins qu'elle fonctionne un peu comme Millenium. C'est à dire qu'aux côtés des professionnels, une armée de bénévoles s'activent afin d'aider au bon fonctionnement du groupe. Ces bénévoles ce sont d'ailleurs ceux avec qui vous êtes généralement en relation en cas de problème.