Pourtant annoncé comme groupe de la mort, le scénario du groupe D semble tout tracé. D’un côté l’immense favori LGD Gaming en tête d’affiche , accompagné de KT Rolster, qui accède enfin aux Championnats du monde qui lui échappaient depuis deux saisons. De l’autre Team SoloMid, victime désignée et promis à la dernière place. Au milieu de tout ça, Origen, qui malgré ses excellentes prestations de fin de saison devra sortir le grand jeu pour espérer survivre.
LGD Gaming, les maîtres des sbires |
Des trois immenses favoris cette année, LGD Gaming est probablement celui le plus méconnu du grand public. Avec en son sein imp et GODV, l’équipe ne manque pourtant pas de têtes d’affiches au palmarès bien garni. Pour autant, quand il s’agit de se pencher sur son jeu, beaucoup peinent à identifier la plus grande force de l’équipe : sa gestion des sbires.
Aucune équipe du monde ne peut se targuer de mieux contrôler les vagues de sbires que LGD, et l’équipe sait à merveille exploiter sa force. Quand un teamfight éclate, l’équipe victorieuse a généralement le champ libre pour s’attaquer à des objectifs, tours, inhibiteurs ou simplement prendre le contrôle de la vision sur la carte. Les adversaires de LGD n’ont pas cette chance et doivent se contenter de depush, n’atteignant le premier objectif que lorsque tous les joueurs LGD sont déjà de retour. Ces derniers ne sont pas les meilleurs teamfighteurs du monde, bien qu’excellant également dans cette discipline, ils pêchent parfois dans le placement de leurs wards et ne sont jamais à l’abri de commettre une erreur, mais ils disposent toujours de leurs sbires pour les rattraper.
N’hésitant pas à laneswap, étant l’équipe chinoise y ayant le plus fréquemment recours, LGD sait parfaitement réagir et punir tout mouvement ennemi. Bien que peu mouvementées, les joueurs préférant se concentrer alors sur leur farm, les premières minutes sont souvent décisives pour l’adversaire qui doit éviter de se faire piéger. Il n’est pas rare de voir le carry ad adverse accuser un retard de plus de 60 sbires en vingt minutes contre imp. Pendant que le coréen gère parfaitement ses vagues de sbires, Pyl peut alors roam librement et accompagner le jungler TBQ pour l’aider à protéger GODV.
Après être venu à bout de Flame chez LGD, Acorn est prêt à conquérir le monde.
La force de cet édifice réside dans le fait que le toplaner de LGD ne se repose pas sur l’aide de ses partenaires. Reconnu pour sa capacité à tenir sa lane et ses Téléports judicieux, Acorn ne reçoit que peu des ressources de l’équipe, et laisse ainsi ses deux carrys briller. Il sait néanmoins sortir de son rôle de tank attitré pour jouer des carrys toplaners tels que Fiora, à coup sur un pick important lors de ces Championnats du monde.
Au centre du dispositif LGD, on retrouve GODV. Il reçoit le plus haut pourcentage de ressources de tous les midlaners en Chine, et est la cible de la plupart des ganks de son équipe. Jouant souvent des assassins tels que Diana, il se retrouve régulièrement à roam avec TBQ en milieu de partie. Cette association n’est cependant pas parfaite, et il n’est pas rare de les voir tenter des actions périlleuses sans bonne vision de l’adversaire. Leur capacité à placer les bonnes wards avant d’effectuer d’engage sera cruciale pour éviter toute déconvenue.
Enfin, difficile de parler de LGD sans parler d’imp. Champion du monde en titre, il a porté à lui seul l’équipe lors des play-offs de la LPL. A l’abri en début de partie, il se contente de farm et ne quitte que rarement sa lane. Creusant rapidement un écart important avec son vis-à-vis, il brille en teamfight, là où son équipe sait parfaitement le protéger, et peut alors s’en donner à coeur joie sur des champions tels Twitch ou Kog’Maw.
imp, sur la pelouse du stade de la finale des derniers Championnats du monde.
Pour autant, LGD débutera en partie la compétition dans le flou. Arrivé en cours de saison comme coach et grandement responsable du redressement de la formation, Chris a quitté son poste après de nombreux désaccords avec la direction de l’équipe. Il est remplacé par FireFox, ancien analyste et sans réelle expérience de coaching. Si lors de la phase de groupes aucun impact ne devrait être ressenti, Acorn ayant fréquemment fait office de coach et préparant la phase de draft pendant la saison régulière de LPL, les choses pourraient se compliquer lorsque les bo5 arriveront lors de l’arbre final. FireFox ne dispose certainement pas de la capacité d’adaptation de kkOma, le coach de SK Telecom T1, et son manque d’expérience pourrait se montrer préjudiciable.
KT Rolster, enfin au rendez-vous |
La relation entre KT Rolster et les Championnats du monde a toujours été tumultueuse. Malgré des équipes prometteuses, la qualification échappe à chaque fois d’un rien à l’organisation. En 2013, KT Bullets atteint la finale des Champions Summer, mais tombe contre SK Telecom T1 dans un match légendaire, et se fait éliminer du qualifier régional par la même équipe. En 2014, KT Arrows remporte les Champions Summer contre Samsung Blue, mais échoue contre NaJin White Shield lors du tournoi de qualification.
Pourtant, 2015 s’annonçait comme une annus horribilis pour KT. A la suite de l’exode coréen, les meilleurs talents de l’équipe partent pour la Chine. Sans KaKAO ni Rookie, l’équipe est d’ailleurs à la peine, échouant à se qualifier pour les play-offs en LCK Spring. La saison d’été s’annonce tout aussi compliquée, et malgré quelques lueurs d’espoirs provenant de ssumday, l’équipe n’arrive pas à jouer ensemble et enchaîne les erreurs grossières. Une arrivée va alors tout changer et enfin souder l’équipe.
Longtemps remplaçant chez SK Telecom T1, barré par Wolf et plombé par des problèmes à son poignet, Piccaboo rejoint KT Rolster à la mi-saison. Enfin débarrassé de ses soucis de santé, il devient très rapidement le guide de l’équipe. Dans un style très proche de celui de PoohManDu lorsque celui-ci jouait chez SKT en Saison 3, Piccaboo n’hésite pas à se montrer agressif et enchaîner les engages. Probablement le meilleur support quant il s’agit de faire snowball un avantage en début de partie, ses décalages dès le niveau 2 sont souvent dévastateurs. Il se retrouve d’ailleurs souvent à accompagner Score lorsqu’il sort de sa jungle pour guider l’équipe. Quand elle parvient à avoir le first blood, KT Rolster possède un taux de victoires de près de 70% depuis l’arrivée de Piccaboo. Preuve de son impact, l’équipe n’a perdu qu’une seule fois en saison régulière après son arrivée, contre SK Telecom.
Piccaboo, nouveau guide des KT Rolster.
Cette capacité à appuyer sur un avantage profite pleinement à ssumday, l’héritier des toplaners carrys. MVP des Champions Summer, il bénéficie de l’apport de Piccaboo et Score dans les premières minutes et possède la capacité de capitaliser instantanément sur le moindre avantage. Il fait partie de ce rare groupe de joueurs aptes, tels Faker, à transformer un avantage minime en victoire éclatantes en seulement quelques minutes. Sur un patch qui fait la part belle aux toplaners carrys, il sera évidemment à surveiller lors des Championnats du Monde et représente le plus grand atout de son équipe.
A côté de ces deux monstres d’agressivité se trouvent deux laners qui se retrouvent ainsi libérés et n’ont pas besoin de faire la différence en early. Nagne et Arrow n’ont besoin que de peu d’attention en début de partie, ce qui permet notamment de couvrir les erreurs fréquentes d’Arrow en phase de lane, et ont simplement à répondre présent lorsque les teamfights éclatent. ssumday s’occupe généralement du reste, occupant à lui seul l’équipe adverse lorsqu’il split push avec Yasuo ou Riven, ou engage avec Maokai.
Si la plus grande force des KT réside dans leur early game, celui-ci peut également les mener à leur perte. L’ultra agressivité de Piccaboo lui joue parfois des tours, et il lui arrive d’entraîner son équipe dans des teamfights perdus d’avance, où l’équipe adverse est en surnombre et l’attend de pied ferme. De même, quand il ne parvient pas à roam dès les premiers instants, comme lorsqu’en finale des Champions Summer où SK Telecom le force à rester sur sa lane avec Arrow, l’équipe a tendance à forcer ses engages sans l’avance nécessaire. Fort heureusement pour elle, Origen se complaît dans un style similaire, et leur opposition promet d’être explosive. En jouant sur son propre terrain, KT part avec un avantage certain.
Team SoloMid, à la recherche de rédemption |
Après une saison délicate, Team SoloMid ressemble à tout sauf à une équipe solide. Pourtant, en apparence tout du moins, l’année avait bien commencé. Une victoire dans un tournoi international, un nouveau titre en LCS NA, et le remplacement d’Amazing par Santorin qui semblait prendre peu à peu ses marques dans l’équipe. Mais l’édifice s’est très vite écroulé.
La victoire lors des IEM World à Katowice, avec un alignement des étoiles favorables qui a éliminé les équipes favorites pour ne laisser que des World Elite plombés par la faiblesse de leur midlaner sur la route des TSM, a été un trompe l’oeil. Le style de l’équipe a rapidement été décrypté, et les meilleures équipes n’ont pas tardé à le punir. Après un Mid-Season Invitational terrible, terminé avec seulement une victoire et une élimination dans la phase de groupe, l’équipe est retournée en LCS pleine de maux de tête et a peiné lors de la saison régulière cet été. Si la majorité des faibles équipes de la compétition n’est pas parvenue à gêner des TSM remobilisés lors des play-offs, la finale au Madison Square Garden a été l’affront final. Une défaite 3-0 contre l’habituelle victime Counter Logic Gaming, enfin à son âge d’or, et un style de jeu de plus en plus décrié.
La victoire de CLG lors des finales des LCS NA Summer.
Depuis près d’un an, la stratégie des TSM est simple : protéger le petit prodige Bjergsen, midlaner star de l’équipe que certains osent volontiers comparer à Faker, et jouer pour lui. Cependant, les meilleures équipes ont rapidement compris comment mettre la pression sur le reste de l’équipe, comme sur Dyrus souvent abandonné à son triste sort. Conscients d’être dans une impasse, les TSM ont alors cherché à changer leur fusil d’épaule, mais sans succès. Si par de rares occasions, comme la demi-finale de play-offs contre Team Liquid, le vétéran Dyrus parvient à retrouver son niveau d’antan et porter l’équipe, le reste de ses coéquipiers n’est pas à la hauteur. Pour ce qui devrait être son dernier tournoi, on peut d'ailleurs s'attendre à ce qu'il soit décomplexé.
La botlane a d’ailleurs été un maillon faible toute l’année. Enchaînant les mauvaises performances et les placements aléatoires, WildTurtle n’a cessé de décevoir toute l’année, allant même jusqu’à être remplacé un match par KEITH. Si ce remplacement a eu le mérite de lui remettre les idées en place pendant un certain temps, le Canadien cessant alors de sauter dans la mêlée tel Zuna ou Imaqtpie pour jouer à la roulette russe en teamfight, il reste bien loin de son niveau de l’an passé. Le constat est d’ailleurs identique pour Lustboy, qui guidait l’équipe l’an passé à la même époque. La duolane a souvent été martyrisée par les autres duo NA, et l’opposition qu’elle va trouver dans ce groupe n’est pas pour rassurer.
Que dire alors de Santorin, raillé de toutes parts et considéré comme un fantôme de jungler par les fans ? Ne gankant qu’à de rares occasions et se contentant souvent d’être présent pour aider Bjergsen lors des ganks ennemis, les matchs où il a un impact se font rare. Prisonnier d’un système dont il n’a jamais su se défaire, il arrive trop souvent en retard sur les autres lanes, n’étant là que pour constater les dégâts.
Bjergsen, shotcaller et pièce maîtresse des TSM.
Les espoirs sont donc minces pour TSM, tant les motifs d'inquiétude sont importants. Pour autant, elle n’est pas directement à placer au niveau d’une formation WildCard. Si elle parvient à tenir 30 minutes sans avoir la tête sous l’eau et mettre Bjergsen dans de bonnes conditions, l’équipe est capable de manoeuvrer en late game et de tenir tête à ses adversaires. Tout le problème pour TSM sera donc d’arriver à ce point, et dans un groupe avec des monstres en début de partie comme KT et Origen, et une équipe punissant le moindre faux mouvement, rien ne sera aisé. Le moindre match remporté sera à savourer.
Origen, le pari gagné d’xPeke |
Après l’échec de Fnatic l’année dernière, xPeke décide qu’il est temps pour lui de donner un second souffle à sa carrière. Il quitte donc l’équipe qui l’a hébergé pendant plus de trois ans, et fonde sa propre structure. Après un passage éclair en Challenger Series, Origen débarque en LCS, sans véritable point de repère. Beaucoup ne savent pas où placer l’équipe dans la hiérarchie, tant le circuit challenger a été dominé sans hésitation et sans réelle opposition. Pourtant, dès ses premiers matchs en LCS, l’équipe démontre qu’elle a sa place dans le haut du classement. Se concentrant sur un contrôle rapide du Dragon et les teamfights qui en découlent, les joueurs font parler leur maîtrise supérieure des escarmouches pour rapidement prendre l’avantage et s’envoler aux golds.
L’équipe tourne avant tout autour d’Amazing, et de sa capacité à créer des opportunités dans la jungle. Quand il parvient à dicter le tempo du match, isoler un adversaire ou forcer des combats autour du Dragon, il mène bien souvent Origen à la victoire. Dans un rôle totalement opposé à celui qui était le sien chez TSM l’an passé, il se montre bien plus épanoui. Souvent aidé par mithy, il n’hésite pas à se montrer agressif en début de partie sans pour autant accaparer les golds de son équipe. De retour du purgatoire de Riot après sa suspension pour mauvais comportement, le support espagnol fait quant à lui une nouvelle fois étalage de son talent qui lui était connu chez Lemondogs.
sOAZ lors du tournoi de qualification régional européen.
Longtemps décrié depuis plus d’un an, souvent annoncé sur le déclin, sOAZ semble parfaitement épanoui dans l’équipe, avec un style qui lui convient ainsi qu’à ses coéquipiers. Probablement l’un des meilleurs Gangplank du monde avec GBM, dont il a fait la démonstration lors de la finale des LCS EU, il dispose d’une meta totalement à son avantage. Avec toujours un nombre impressionnant de champions maîtrisés, et capable de counter picks improbables, ses duels contre Acorn et ssumday devraient être l’attraction principale de ce groupe.
Sur une trajectoire contraire depuis les play-offs, xPeke a eu tendance à s’effacer au profit de l’équipe, se refugiant sur des picks utilitaires. Le retour des assassins et des laners disposant d’une présence globale comme Twisted Fate ou Diana (souvent jouée avec Téléport au mid), un rôle dans lequel il a souvent brillé par le passé, devrait lui convenir. Sa capacité à splitpush sera également déterminante. Dernier danger de l’équipe mais non des moindres, Niels a longtemps été présenté comme le nouveau Rekkles. Pourtant, au contraire du Suédois, son moment de gloire se situe au milieu de partie, où il brille par sa domination en lane et sa réactivité aux mouvements de son équipe. On le retrouve donc fréquemment sur des picks comme Corki ou Sivir. Aussi à l’aise sur des hyper carry lorsque son équipe joue pour lui, comme quand sOAZ ou xPeke joue Lulu, il sait répondre présent quand son équipe a besoin de lui.
Sur le papier, Origen a le niveau pour faire partie du top 8 mondial. Pour autant et malgré sa maîtrise du milieu de partie, l'équipe a souvent eu tendance à commettre de nombreuses erreurs avant les prises d’objectifs, ou à se retrouver derrière avec des compositions nécessitant du temps avant de se mettre en place. Quand mithy ne parvient pas à quitter sa lane, la capacité de l’équipe à contrôler les premiers Dragons, et ainsi snowball la game, s’en retrouve grandement réduite.
Pronostics 1 LGD 2 KT 3 Origen 4 TSM |
Deux places paraissent garanties dans ce groupe. La première semble offerte à LGD, dont la maîtrise technique est bien supérieure. Au contraire, TSM ne donne pas l’impression d’être capable de lutter contre les autres équipes, et devrait se faire martyriser dans les premières minutes par KT et Origen.
La deuxième place qualificative devrait être plus ouverte qu’attendu initialement. Origen a les moyens d’empêcher Piccaboo de snowball les matchs et ainsi pousser KT à un match serré. Personne ne s’attend à voir l’équipe européenne sortir de ce groupe, et c’est là qu’elle aura probablement sa meilleure carte à jouer. Si dans 80% des cas la deuxième place semble promise à KT, traditionnellement, une équipe coréenne est toujours à la peine lors des groupes. Les matchs en bo1 pouvant toujours apporter leur lot de surprise, à Origen d’en profiter.
Trailer de la phase de groupe |
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