Souvent perçu comme un jeu d’horreur, ou encore d’action et de tir à la première personne, Scorn évolue certes dans un univers assez dégoûtant et présente bien quelques phases de shoot, mais c’est surtout un puzzle game né de l’esprit torturé des développeurs serbes de Ebb Software. Et s’il arrive ce 14 octobre sur PC et Xbox Series, aux éditions Kepler Interactive, ainsi que sur le Game Pass, son développement n’a pas vraiment été une promenade de santé, et son accouchement aura traîné en longueur. En effet, annoncé depuis 2014, il a d’abord dû faire face à l’échec d’une première campagne Kickstarter, avant de réussir la seconde en 2017 et, après avoir annoncé un format épisodique en deux parties en 2016, il y renoncera trois ans après. Finalement, encore quelques reports plus tard, le voici enfin sur nos étals, une petite semaine avant la dernière date de sortie annoncée.
- Genre : aventure puzzle game
- Date de sortie : 14 octobre 2022
- Plateforme : PC, Xbox Series
- Développeur : Ebb Software
- Éditeur : Kepler Interactive
- Prix : 39,99€
- Testé sur : PC
Démerde-toi !
Votre réveil dans Scorn, collé au sol, et même englué dedans, faisant quasiment partie de celui-ci, donne le ton dès le départ. Vous ne savez pas trop où vous êtes, ni ce que vous faites là, ou ce qu’il se passe, mais une chose est sûre, tout ceci n’est pas très sain et renifle à plein nez la souffrance. Souffrance qui vous accompagnera tout au long de votre périple dans ce monde merveilleusement étrange, alternant environnements visqueux et rocailleux, mais aussi métalliques, au cœur de structures tout aussi mystérieuses que le reste. Si vous évoluez tout d’abord sous terre et traversez des tunnels, vous finirez par rejoindre le monde extérieur, guère plus rassurant, avant de pénétrer dans un lieu qui deviendra de plus en plus viscéral au fur et à mesure que vous vous enfoncerez dans ses entrailles. Mais où que vous soyez, Scorn est un labyrinthe dans lequel vous devrez trouver votre chemin en découvrant comment interagir avec ce qui vous entoure pour pouvoir poursuivre votre chemin.
La grande particularité de Scorn est, en effet, un peu comme un certain Myst avant lui (mais dans des environnements bien moins enchanteurs), de ne rien vous expliquer. À vous de trouver en tâtonnant, car, également comme dans Myst, ce n’est pas toujours si simple. Il n’y a aucune parole, aucun écrit, et quasiment aucun autre affichage à l’écran que ce que vous voyez de vos propres yeux. Il faudra donc éviter de vous décourager et, lorsque vous parviendrez au bout de l’aventure, vous vous retournerez certainement en arrière pour vous demander ce que vous venez de vivre. Chacun sera alors libre d’interpréter cela comme bon lui semble, les débats sont ouverts et les théories ne manqueront pas de fuser. Mais cela ne vous laissera certainement pas indifférent. Par contre, si l’univers du jeu peut être considéré comme horrifique, il ne vous effrayera pas à grands renforts de jump scares, tout juste vous dégoûtera-t-il par son côté très organique. Il faut davantage le voir comme une aventure atmosphérique dans un univers malsain que comme un jeu d’horreur. Et en cela, il parvient parfaitement à ses fins.
Un problème de digestion peut-être ?
Inspiré des travaux du Suisse Hans Ruedi Giger, qui a notamment travaillé sur Dune ou encore Alien, et du Polonais Zdzislaw Beksinski, connu pour ses œuvres surréalistes et fantastiques, souvent post-apocalyptiques, Scorn brille en tout cas par sa direction artistique onirique qui ne devrait pas vous laisser de marbre, d’autant qu’elle est merveilleusement retranscrite par des graphismes soignés. La patte sombre et grisâtre, qui nous est proposée ici, accompagne très bien ce monde désolé et délabré dans lequel on évolue. L’ambiance musicale, signée Aethek et Lustmord, dans laquelle on baigne, finit de poser le décor cauchemardesque du soft. Tour à tour glauque ou quasi-inexistante, laissant alors place aux bruits de chair malaxée ou de grognements plus ou moins lointains, elle saura vous mettre mal à l’aise. Visuellement, vous croiserez aussi des corps décharnés et écorchés, ainsi que des créatures parfois inoffensives, parfois agressives. Dans ce dernier cas, vous pourrez essayer de les éviter ou tenter de les affronter.
Le jeu repose essentiellement sur la résolution d'énigmes, à base de mécanismes reliés entre eux, que vous devrez apprendre à utiliser, tout en cherchant à comprendre à quoi ils peuvent bien servir. Mais sachez que tout ce que vous trouverez aura son utilité, la question est de savoir à quoi et quand cela pourra vous servir. Vous mettrez la main sur quelques « outils », ainsi que des armes pour affronter les créatures. Mais les munitions sont limitées, et vous pouvez mourir. Vous aurez toutefois la possibilité de vous soigner et de refaire le plein de votre armement, mais nous nous tairons sur la procédure permettant de faire cela. Rappelez-vous que c’est à vous de comprendre le monde qui vous entoure, nous ne voudrions pas vous gâcher le plaisir de la découverte. Ceci dit, ce n’est pas dans sa partie shooter que Scorn excelle le plus. Celle-ci aurait même pu être écartée, pour se contenter de nous offrir de l’exploration-découverte et de la résolution d’énigmes environnementales. Mais il a le mérite d’apporter une certaine tension supplémentaire que l’on ne reniera pas.
Laissez-moi sortir de là !
Notons que si l’on a dit qu’il n’y avait aucune aide et que l’écran était dépourvu de toute assistance, ce n’est pas tout à fait vrai. Votre niveau de santé et vos munitions sont affichés lorsque vous visez avec votre arme. Et des petits points indiquent les éléments interactifs, ce qui aide tout de même un peu à voir où l'on peut faire quelque chose dans cet amalgame de tôle et de chair. Cela est d’autant plus utile qu’ils ne sont pas toujours utilisables tout de suite, mais au moins vous savez qu'il y a quelque chose à faire ici et que vous devrez donc y revenir quand vous aurez débloqué le mécanisme ad hoc ou trouvé l’outil nécessaire pour vous en servir. Bien que labyrinthique (il va falloir à chaque étape apprendre à vous repérer pour vous y retrouver, il n’y a pas de carte), le titre reste tout de même assez dirigiste, car chaque problème est à résoudre dans un certain ordre et au sein d’une zone restreinte, avant de pouvoir rejoindre ensuite la suivante en poursuivant un chemin qui ne vous laisse pas vraiment de liberté d’évolution. Mais ce n’est pas vraiment un souci et il y a quelques cas où plusieurs façons d’agir sont envisageables, modifiant alors un peu le déroulement de l’histoire. La fin est en revanche unique, quoi que vous choisissiez de faire.
Si le jeu se déroule à travers 5 actes, dont certains découpés en 2 parties, il est bien difficile de lui donner une durée de vie. Il n’est pas forcément très long, comptez plus ou moins 6 heures, mais cela dépend du temps que vous buterez sur chaque énigme. Or, certaines sont tout de même assez retorses, pour ne pas dire tordues. Ce n’est pas évident d’expliquer le principe, surtout sans spoiler, d’autant plus que celui-ci varie d’un puzzle à l’autre, mais chacun fait partie intégrante du monde en décomposition où vous évoluez et de son histoire. Ebb Software a su efficacement faire preuve ici de créativité et d’imagination. Nous avons en tout cas bien apprécié ceux-ci, même s’ils nous ont donnés quelques fois un peu de fil à retordre. Dommage que la manipulation (à l’aide de la manette) soit parfois un peu compliquée pour sélectionner l’élément avec lequel on souhaite interagir.
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