L'âge d'or des RTS est passé depuis longtemps, mais les remaster de certains monstres de légende donnent une opportunité à un nouveau public de les découvrir, ou du moins, une chance aux vétérans dont ils ont marqué l'enfance d'y rejouer dans de meilleures conditions. Après la déception qu'a été Warcraft 3 Reforged, il est normal de s'inquiéter de ce que va donner Command & Conquer Remastered Collection, qui tente de remettre au goût du jour des titres dont le premier est sorti en 1995, soit il y a 25 ans à l'heure où nous écrivons ces lignes.
- Genre : Stratégie en temps réel
- Date de sortie : 5 juin 2020
- Plateforme : PC
- Développeur : Westwood (original), Petroglyph (remaster)
- Éditeur : Electronic Arts
- Prix : 19,99€
Le Red alerte
Command & Conquer Remastered Collection est fort copieux puisqu'il contient le tout premier jeu de chacune deux branches de la licence : Command & Conquer : Tiberium Dawn (à ne pas confondre avec la suite, Tiberium Sun), ainsi que Red Alert, alias Alerte Rouge. Chacun comporte ses extensions respectives, des missions bonus, le contenu auparavant exclusif aux portages sur consoles (un exploit notable pour le genre à l'époque), des mini campagnes additionnelles un peu délirantes, un mode multijoueur, un mode spectateur, des centaines de cartes de skirmish et un éditeur de carte fort complet en guise de cerise sur le gâteau, ainsi que quelques goodies comme des documentaires et bonus sur les jeux. Une chose est certaine, vous n'en ferez pas le tour rapidement si vous accrochez.
Bien entendu, c'est le minimum pour un remaster digne de ce nom. Les améliorations graphiques et les fonctionnalités sont les éléments vraiment attendus au tournant par les fans. Tout a été passé en 4K, ce qui n'est pas une mince affaire vu l'âge des jeux. Les nouveaux graphismes sont peut-être un poil trop lumineux pour les unités, et à l'inverse, le terrain est parfois un peu trop terne en comparaison sur certaines cartes, mais on s'y fait rapidement car le résultat est vraiment lisible. Il est aussi possible de passer des graphismes à l'ancienne à ceux remastered d'une simple pression de la barre espace pour ceux qui le désirent.
Cela ne s'arrête pas là, des dizaines d'options graphiques permettent d'affiner le tout, y compris au niveau des bruitages, de la bande-son fantastique et même de l'interface. Un simple clic dans les options permet de passer du schéma de commandes à l'ancienne tout au clic gauche, à un schéma plus moderne, par exemple. Un des points clé, l'interface, a aussi été sérieusement révisée, avec la possibilité d'afficher des barres de vie, la présence d'une file de construction, l'ajout de différentes configurations de contrôle, de nombreuses options et surtout des raccourcis clavier bienvenus. Une de nos principales critique est qu'il est impossible de définir un point de rendez-vous pour les unités nouvellement construites, par exemple, ou qu'une unité ne peut pas faire partie de plusieurs groupes de sélection afin d'affiner le contrôle de son armée. C'est un bond de géant par rapport à l'original, mais n'espérez pas une interface et une maniabilité au niveau de celle de StarCraft 2.
Un des éléments pour lesquels la licence est célèbre est son usage presque abusif des cinématiques. Des scènes animées uniques existent au début et à la fin de chaque mission, et entre deux se trouvent de nombreuses scènes de briefing en FMV (Full Motion Video) avec de véritables acteurs qui prennent plaisir à surjouer le tout d'une manière bien kitch, avec ce style d'époque si particulier, le tout doublé dans plusieurs langues, même en français. Il n'était évidemment pas réaliste d'espérer qu'elles soient toutes refaites proprement selon les standards actuels comme elles s'étalent probablement sur plusieurs heures mises bout à bout.
De plus, on y perdrait les performances de leurs acteurs, et de Kane (joué par Joseph D. Kucan) en particulier, qui sont pleines d'un certain charme désuet. À la place, elles ont été upscaled avec une IA. Le rendu est assez inégal, par rapport à celles d'époque c'est généralement regardable même sur un écran 4k, si on tolère les nombreux artefacts graphiques présents un peu partout, typiquement des tas de pixels bien gras. Les FMV rendent d'ailleurs relativement bien en général même si les visages des acteurs ont tendance à devenir flous. Par contre, les cinématiques en 3D CGI d'époque sont parfois à la limite de l'illisible dans certains cas, tout particulièrement sur Tiberium Dawn. Celles de Red Alert s'en tirent mieux, on doit probablement cela à la maturation du studio Westwood entre le développement des deux jeux à l'époque.
Les fans de la licence auront aussi le plaisir de découvrir une immense galerie avec plusieurs heures de making-of d'époque retrouvées lors du remaster. Si jamais la conception des jeux de la licence dans les années 90 et les gens qui en sont responsable vous intéressent, de nombreux documents inédits vous attendent. Les autres ne sont pas oubliés, et le studio n'a pas oublié de moderniser les menus et options des jeux, bien au-delà des options listées précédemment. Toutes les missions débloquées de chaque campagne sont listées proprement, avec les modes de difficulté dans lesquels elles ont été réalisées. Et il est enfin possible de réaliser directement toutes les missions des différents embranchements de l'histoire, ainsi que les missions spéciales ou cachées qu'elles débloquent. Par le passé, il fallait soit charger une sauvegarde réalisée au bon endroit, soit recommencer une campagne. Trop de remasters oublient des changements pourtant si essentiels.
Commandes Constipées
Tout cela est bien beau, mais vous devez légitimement vous demander ce que donne le gameplay. Le temps et la nostalgie ont tendance à embellir les mastodontes de l'époque après tout. Une fois les options bien configurées, les bases sont vite prises en main, et les fondamentaux du gameplay ne sont pas si différents des jeux de stratégie en temps réel modernes. On construit sa base, on récolte des ressources et on produit des unités pour aller pulvériser l'objectif dans certains cas. Dans d'autres, il faut se contenter d'une poignée d'unités et des renforts qui nous sont envoyés à l'occasion (ou pas) pour obtenir la victoire. Les objectifs, cartes et environnement sont variés, tout comme les unités et les situations rencontrées. De ce point de vue, les jeu n'ont pas pris une ride. C'est classique et efficace, mais le moins qu'on puisse dire est que la difficulté est terriblement punitive durant certaines missions (en particulier celles sans base), même en Normal. Il faut faire usage de ses unités avec brio, et le moindre clic de travers mène au "game over" instantané. Certaines missions demandent de nombreux essais pour être terminées, même en pouvant abuser du système de sauvegarde.
Il faut dire que l'IA est extrêmement fourbe, elle a droit a différents avantages au niveau de la puissance de ses unités en Normal et Difficile, et elle bouge parfois lesdites unités d'une manière redoutable. Les ennemis n'hésitent pas à reculer pour éviter un tir ou une grenade, pour mieux contre-attaquer ensuite, et les véhicules lourds ennemis sont tout simplement terrifiants pour l'infanterie, puisqu'ils semblent conduits par des vétérans qui ont attendu ce remaster en passant les 2 dernières décennies sur GTA. Lorsqu'une moissonneuse à tiberium transforme 20 de vos soldats en petits ballots sanglants en 2s dès le début du jeu, cela en devient presque impressionnant. Il vous faudra pas mal d'entraînement et de patience pour en faire de même.
Vous n'êtes pas aidé par l'incapacité apparente de vos unités à se déplacer correctement, le pathfinding est si calamiteux qu'on a l'impression de jouer à Baldur's Gate Enhanced Edition. Il n'est pas possible de configurer de véritables formations et il faut parfois cliquer plusieurs fois avant qu'un tank accepte de prendre le chemin direct en suivant vos soldats au lieu de faire le grand tour. À moins de tout micromanager minutieusement, vos unités rapides vont semer les plus lentes, tout en se chevauchant de manière irréaliste, ce qui a pour terrible conséquence de les exposer à une destruction simultanée en cas de tir ennemi, ou même en cas de tir allié sur un ennemi un peu trop proche. Le friendly fire est un facteur dont il faudra tenir compte en permanence, même dans des situations auxquelles on ne s'y attendrait normalement pas. Cela a probablement été conservé pour préserver l'expérience de jeu d'époque, mais ce n'est clairement pas la facette la plus amusante du gameplay. Un raccourci clavier a même été ajouté pour disperser grossièrement vos unités, ce qui montre à quel point c'est un problème et une source de nombreuses déculottées. Signalons tout de même que ces différents problèmes sont bien plus notables dans Command & Conquer : Tiberium Dawn. Red Alert dispose de quelques fonctionnalités additionnelles et d'un bien meilleur équilibrage général.
L'IA étant très agressive, il n'est pas rare de se prendre des groupes d'ennemis imposants sur le coin du museau, que ce soit dès le lancement de la mission ou si vous la provoquez avec une attaque prématurée. Le harcèlement est souvent intensif. Le fait que la mini-carte soit liée a un bâtiment n'aide d'ailleurs pas à garder tout cela à l’œil, et les premières heures de jeu sur Tiberium Dawn risquent d'être assez douloureuses compte tenu de tout ce que nous avons listé. Au moins, on ne peut pas reprocher au titre de s'être ramolli par rapport à nos souvenirs d'époque, et il faudra faire preuve d'un minimum de stratégie, bien exécuter ses actions, et être persévérant pour progresser, même pour les vétérans. Les véritables experts s'en donneront certainement à cœur joie. Une option appréciable vient d'ailleurs à la rescousse afin d'équilibrer un peu les chances, la vitesse du jeu peut tout simplement être paramétrée dans les options, c'est bien vu, même si cela peut casser le rythme, ou le rendre encore plus frénétique pour les masochistes.
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