Alors qu'aucune indication n'avait été donnée sur sa date de sortie, Layers of Fear VR a été lancé en toute discrétion sur Steam. Le hit des polonais de Bloober Team peut donc désormais se jouer en réalité virtuelle afin d'assister d'encore plus près à la folie de ce peintre qui cherche à achever son Magnum Opus. Spécialisé dans les jeux d'horreur psychologiques aux scénarios profonds et aux décors atmosphériques (Blair Witch, >Observer_), le studio indépendant de Cracovie se contente cette fois-ci de la publication du titre et a confié la tâche du portage VR à Incuvo (Super Hero Fight Club, Super Game Builders, Createrria). Même si Layers of Fear 2 est sorti fin mai 2019, on parle bien ici du premier épisode de 2016 qui avait d'ailleurs déjà connu une expérience VR sur Google Daydream dès 2016 avec Layers of Fear: Solitude. Il est donc temps de retourner dans le manoir victorien en constante évolution à la recherche des secrets qui s'y trouvent et d'affronter les visions, les peurs et les horreurs du peintre fou au milieu des œuvres d'art macabres qui tapissent toute la demeure. Serons-nous capables de peindre un véritable chef-d'œuvre de la peur ?
- Genre : horreur psychédélique
- Date de sortie : 10 décembre 2019
- Plateforme : Oculus Rift, HTC Vive, Valve Index
- Développeur : Incuvo
- Éditeur : Bloober Team
- Prix : 19,99€ (en promotion à 17,99€ sur Steam jusqu'au 3 janvier 2020)
- Testé sur : Oculus Rift
Tout pour son Magnum Opus
C'est dans la peau d'un peintre autrefois reconnu pour la qualité de son art, y compris par les plus intransigeants critiques du milieu, que nous nous retrouvons au sein du manoir que nous habitons alors que l'orage fait rage à l'extérieur et que des éclairs viennent régulièrement illuminer les sombres intérieurs de notre demeure. Nous commençons donc par découvrir les lieux en rencontrant de-ci de-là des notes à consulter qui nous en apprennent un peu sur notre personnage, comme son souci récurrent avec les rats qui lui semblent infester la demeure malgré des dératiseurs bien peu convaincus par ses propos. Des tableaux assez lugubres tapissent également toute la maison. On découvre aussi rapidement que notre charmante épouse, une pianiste célèbre dans le monde entier, nous en veut de travailler toute la nuit et de ne faire plus que nous croiser.
Nous avions pourtant tout pour être heureux : l'amour, le succès, et même une fille alors que notre femme était censée ne pas pouvoir en avoir. Mais notre famille a vécu de terribles heures, à commencer par l'incendie lors de l'inauguration du grand magasin Galactic et depuis tout part à vau-l'eau. S'ensuit la colère, la rancœur, l'amertume, la déprime et un penchant pour l'alcool qui nous a fait tout doucement sombrer dans la folie. Même le travail qui nous a été confié sur le petit chaperon rouge est inutilisable auprès des enfants tant le résultat ressort comme effrayant et malsain. Certaines portes du manoir sont verrouillées dont une avec une grosse tâche de sang à l'entrée, ainsi que notre atelier auquel nous interdisons l'accès à qui que ce soit et dont nous irons chercher la clé dans notre bureau. Une fois à l'intérieur, nous découvrons une toile vierge qui attend l’œuvre de notre vie mais en ressortant de la pièce, curieusement, ce qui se trouve derrière la porte ne correspond pas vraiment à ce qui s'y trouvait avant que nous entrions.
Au plus profond de la psyché
C'est ainsi à travers 6 chapitres qui nous mèneront chacun vers un élément permettant d'avancer dans la réalisation de notre œuvre majeure que se déroule le titre. À chaque fois nous reviendrons dans l'atelier faire avancer la peinture et ranger dans les cases du placard l'élément concerné. Par la même occasion, un petit calepin regroupant certains dessins, textes ou photos que nous aurons trouvé se complétera, tout comme les dessins qui s'accrocheront petit à petit au mur et représentant pour la plupart les rats qui nous harcèlent. Le décor de la pièce évoluera également petit à petit et une lettre ne contenant au départ que quelques mots se remplira progressivement jusqu'à former un texte révélateur. C'est en effet tout le drame de cette famille que nous découvrirons à travers des éléments glanés au cours de nos expéditions psychédéliques hors de l'atelier. Inutile de préciser que derrière la porte nous attend systématiquement quelque chose de nouveau.
C'est en effet là toute la particularité du jeu : notre psychose induit un environnement en constante évolution. Il suffit que l'on soit accaparé à faire quelque chose et tout ce qui nous entoure peut avoir changé quand on relève la tête. À chaque fois que l'on tourne la tête, on ne peut pas être sûr de retrouver ce qui s'y trouvait précédemment. Et ne parlons même pas de l'inconnu qui se trouve à chaque fois derrière la porte ou de ce qui nous attend dans notre dos. De ce côté là, le titre est une véritable réussite tant il manie à la perfection ces variations d'environnement. Et si l'on rajoute à cela les troubles de la vision qui nous assaillent régulièrement, on peut dire qu'il réussit son petit effet malaisant et angoissant, sans parler des sursauts réguliers lorsque chute ou surgit sans prévenir un objet ou des jump scares bien amenés. Et toute cette atmosphère oppressante est transcendée par une ambiance sonore aux petits oignons alternant bruits suspects, orages, murmures, vent, pleurs, aboiements... le tout accompagné d'une musique de qualité.
Le passage du jeu en réalité virtuelle accroît bien entendu encore plus cette ambiance horrifique, le médium, comme on le sait, se prêtant parfaitement au genre. Le titre propose de jouer assis ou debout mais bien entendu la seconde option est préférable, ne serait-ce que pour attraper les objets car cela n'est pas toujours très évident. De plus, seuls ceux avec lesquels des interactions sont prévues peuvent être saisis, les autres sont comme figés. Une option regrettable, d'autant plus que les collisions ne sont pas gérées et que l'on passe donc allègrement à travers certains éléments du décor. On voit bien que le jeu n'était pas initialement dédié à la VR. Le portage reste toutefois de qualité, même si graphiquement l'effet de grille des casques ressort particulièrement dans des environnements très sombres, donnant à l'image un résultat granulé. Le travail artistique, avec ses toiles torturées, sa patte graphique et ses effets psychédéliques reste quoi qu'il en soit de très bonne facture. On a même parfois l'impression d'évoluer au sein même d'une peinture.
Ne pas se retourner, surtout ne pas se retourner
Entièrement sous-titré en français, le titre nous permet de nous déplacer librement et, pour éviter la cinétose à laquelle certains pourraient être confrontés, un effet de tunnel peut être appliqué avec une sensibilité réglable. Mais il est également possible de le désactiver pour favoriser l'immersion. De même, on peut visionner les contrôleurs avec l'affectation des différents boutons ou, au choix, les mains de l'artiste, avec possibilité d'alterner entre les deux si besoin. Si le jeu fonctionne globalement très bien, nous avons tout de même rencontré quelques problèmes techniques, à commencer par la cinématique d'introduction qui ne propose qu'un écran noir. Des patchs ont été appliqués pour régler le problème mais restent pour l'instant inefficaces. Nous déplorons également quelques saccades de caméra pouvant mettre l'estomac à mal lorsque l'on monte sur un objet. Enfin, nous nous sommes également retrouvé entièrement dans le noir suite à une scène avec juste une petite lumière au loin et deux étranges points lumineux au-dessus de notre tête. Pensant que cela faisait partie du jeu, nous avons marché longuement vers cette lumière qui s'est avérée être notre atelier mais où rien n'était possible de faire. Après avoir tourné un bon moment en rond, nous avons quitté le jeu pour y revenir et avons alors assisté à la véritable scène. Il s'agissait en fait d'un bug d'affichage.
Pour ce qui est du gameplay en lui-même, cela reste identique à la première version du jeu, à savoir beaucoup d'exploration guidée par des portes scellées. Il s'agit de fouiller un peu partout au passage pour en découvrir le plus possible sur ce qui a bien pu arriver à cette famille. Bien entendu, rien n'est obligatoire et il sera donc possible de passer à côté de certains détails et de terminer ainsi le jeu deux fois plus vite que les 3h30 ou 4h prévues si vous prenez le temps de bien vous immerger. Le titre original n'était en effet pas plus long. On pourrait par contre regretter ici que certains contenus de tiroirs soient trop souvent recyclés, tout comme les toiles que l'on croise et qui sont toujours plus ou moins les mêmes. En dehors de l'aspect exploration et contemplation, Layers of Fear offre également quelques puzzles à résoudre comme trouver le code d'un cadenas ou le moyen de sortir de la boucle labyrinthique dans laquelle on se retrouve parfois enfermé. Et plus le jeu avance, plus la dimension psychédélique prend le pas sur la raison. Jusqu'à perdre totalement celle-ci ?
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