Alors que les développeurs de FTL se sont orientés vers d'autres genres comme l'excellent Into the Breach, d'autres ont visiblement été inspirés et ont pris le relais, comme le petit studio indé Alt Shift. Avec Crying Suns, ils n'ont pas hésité à copier certains des éléments centraux de FTL, mais sans oublier d'apporter leurs propres idées et une vision saisissante du sujet. Voici ce que ce nouvel indé tout en pixels a dans le ventre.
- Genre : Rogue-Like, Tactique
- Date de sortie : 19 septembre 2019
- Plateforme : PC
- Développeur : Alt Shift
- Éditeur : Humble Bundle
- Prix : 20,99€
- Testé sur : PC Steam
Une histoire singulière
Là où la majorité des rogue-like, FTL en tête, disposent d'une histoire minimaliste afin de laisser au joueur la liberté d'écrire la sienne, Crying Suns prend la direction inverse. L'histoire est indubitablement fondamentale et au centre de l'aventure. Vous incarnez Ellys Idaho, le plus grand amiral ayant jamais existé, ou plutôt l'un de ses nombreux clones, tout juste réveillé par une IA nommée Kaliban au fin fond d'un sombre complexe secret caché en bordure de la galaxie. Votre mission est de commander un vaisseau et d'enquêter sur les raisons ayant entraîné la chute de l'empire, puis d'y remédier si possible. Autant vous prévenir, le jeu est très bavard, attendez-vous à des dialogues parfois assez longs avec de nombreuses questions et des discussions annexes pour vous expliquer certains des termes et sujets spécifiques à cet univers de science-fiction. On se croirait presque dans un RPG à l'ancienne. Le clone de l'amiral Ellys aura à interroger des prisonniers et ses ennemis afin de découvrir le passé de son original, le fonctionnement de l'empire, le pourquoi de sa chute, le tout entre deux morts et une nouvelle copie en général. Car vous devez l'avoir compris, chaque nouveau clone devra reprendre le flambeau, enrichi de nouveaux souvenirs et de nouvelles réponses.
Lors de vos voyages, vous pourrez admirer la sombre splendeur de l'univers, ainsi que la putréfaction de l'empire à présent rongé par ses anciens sujets dont l'ignorance et la laideur tant intérieure qu'extérieure est manifeste. Les machines créées par l'empereur il y a des siècles ont créé à leur tour des machines encore plus avancées, les OMNI, qui ont alors mis au point des technologies si avancées que plus aucun être humain n'est capable de les comprendre ni de les utiliser. Cela va des "portails" qui servent à voyager d'un système à l'autre, à des choses mondaines mais pourtant essentielles comme l'agriculture et la médecine. L'humanité ayant vécu des siècles avec l'assistance de ces machines, elle a totalement oublié comment vivre sans elles. Plus personne ne sait pratiquer la médecine ni cultiver par exemple. Le jour où elles se sont toutes mystérieusement éteintes, des tragédies sans précédents ne pouvaient que suivre : isolation, famines, épidémies, etc. Une fois encore, tout cela n'est évidemment pas sans rappeler Fondation ainsi que notre propre dépendance à la technologie.
La survie de l'empire ainsi que de ses habitants dépendra donc de votre voyage. Vous aurez de nombreuses occasions d'assister aux horreurs dont sont capables les êtres humains dans ce contexte. Vous ne manquerez pas de raisons de réduire en poussière cosmique les ferrailleurs couverts de tumeurs, les fanatiques qui déifient les machines ou les maisons nobles opportunistes. L'ambiance est pesante et tragique, et si vous aimez la science-fiction ainsi que ses thèmes parfois un peu philosophiques, vous serez servi. Il semble aussi que les développeurs soient aussi fans d'un certain dessin animé des années 80-90 sur FR3.
Ellys 31 : Ellys revient hin hin, Ellys revient hin hin, Ellys reviiiiiiiiient
Une fois sorti de la cuve de clonage, il vous faut commencer par choisir un vaisseau. Initialement, les options seront fortement limitées en la matière, mais des vaisseaux additionnels seront débloqués au fil de votre progression dans les 6 chapitres de l'histoire. Au risque de vous gâcher la surprise, même chaque vaisseau a un équipement de départ et un potentiel plus ou moins grand dans différents domaines, comme les baies de lancement de chasseurs et l'armement, nous ne retrouvons pas ici ce qui faisait le génie de FTL, c'est-à-dire des façons de jouer et de se battre radicalement différentes pour chaque modèle. Vous finirez à chaque fois par les jouer d'une manière relativement similaire. C'est certainement l'un des défauts majeurs de Crying Suns.
Pour l'équipage, nous avons droit à un soupçon de Star Trek, avec 2 officiers spéciaux à choisir dans une liste aléatoire. Ils disposent de 2 à 3 spécialités qui permettront de débloquer des résolutions positives spéciales lors des dialogues et événements ainsi que lors des opérations commando, mais nous y reviendrons. Ils disposent aussi d'un pouvoir applicable à une partie du vaisseau, par exemple la capacité de réparer la coque ou d'accélérer la cadence de tir des armes. Il vous faudra donc bien choisir afin d'être efficace au combat et de pouvoir parer à autant de situations que possible. Lors de votre odyssée, vous pourrez parfois rencontrer de nouveaux officiers spéciaux, particulièrement compétents, que vous pourrez cloner et choisir lors de vos prochaines tentatives. Malheureusement, les faux pas s'enchaînent, et vous ne pourrez en choisir qu'un seul maximum en début de partie, qui plus est, il est déterminé aléatoirement parmi tous ceux débloqués. Il est cependant déjà prévu que ce système soit modifié dans une future mise à jour. À l'heure où vous lisez ces lignes, n'espérez pas composer votre équipage de rêve.
Une fois ces deux choix fondamentaux réalisés, vous êtes lâchés dans le cluster stellaire local, et il vous faudra naviguer d'un système à l'autre pour rejoindre le portail vers le cluster suivant, et un nouveau chapitre de l'histoire. Sur votre chemin vous attendent de nombreux événements aléatoires, des combats obligatoires ou non, ainsi qu'un boss. Tous ces éléments ressemblent une fois encore ouvertement à ceux de FTL, si vous y avez joué (ce que nous vous conseillons vivement si ce n'est pas le cas). Il vous faudra bien gérer votre carburant pour ne pas tomber en panne sèche et être rattrapé par la flotte ennemie par exemple, ce qui vous interdit aussi de fouiller chaque recoin de l'univers à votre rythme. Comme mentionné plus haut, vos officiers auront souvent l'opportunité d'intervenir à votre demande lors des événements afin d'apporter une solution positive. À défaut, il faudra miser sur la chance, voire payer vos erreurs avec le sang de vos hommes. Nous regrettons cependant que la gamme d'événements aléatoires possibles ne soit pas suffisamment large, certains reviennent trop régulièrement, et contrairement à ce qu'on pourrait croire, à moins que cela soit expressément affiché, le résultat n'est pas aléatoire. Une fois que vous connaissez les bonnes réponses ou le déroulement précis d'un événement, il est possible de l'anticiper et d'adopter la bonne approche avec 100% de certitude. Vous pourrez toujours intimider un certain pirate, les enfants sont toujours des tueurs psychopathes, etc. C'est fort dommage pour un jeu qui se veut être un rogue-like, puisque cela contribue à rendre la phase d'exploration spatiale triviale et répétitive, puisqu’avec un peu d'expérience, vous serez toujours en mesure de prendre la bonne décision. Il n'y a pas d'incertitude, et vous n'aurez quasiment jamais à faire de calculs de gains potentiels contre les risques potentiels afin de survivre, comme un FTL vous y pousse par exemple. Cela nuit grandement à l'excitation procurée par cette phase du jeu, à la rejouabilité ainsi qu'à la difficulté.
Comme à Klendathu
L'un de ces types d'événement récurrent est la possibilité d'envoyer un de vos officiers ainsi qu'une équipe de commando au sol sur une planète afin d'explorer des points d'intérêts. Après une analyse des lieux, différentes statistiques vous avertiront des chances de succès dans différents domaines, par exemple les ressources récoltées, mais surtout les chances de blessure, voire de mort. Il vous faudra choisir l'officier le plus apte pour cette tâche en fonction de vos priorités. Si vous avez trop de commandos, il est acceptable d'avoir des pertes élevées afin de récolter davantage de ferraille. Le résultat dépendra grandement des combinaisons de spécialités de l'officier choisi, certains seront fantastiques au sol, d'autres brilleront davantage lors des batailles spatiales. Pointons au passage du doigt une opportunité manquée avec l'absence d'abordages des vaisseaux en dehors des événements scriptés. Il aurait pu être intéressant d'utiliser ses commandos et officiers superflus pour attaquer et affaiblir le vaisseau adverse.
Crying Sunrider
Le véritable cœur du gameplay est évidemment l'affrontement entre vaisseaux. Comme dans FTL (cela devient une rengaine), ce sera toujours du 1 vs. 1 avec des positions fixes. Cette fois, cependant, vous n'aurez pas à micromanager l'intérieur de votre vaisseau. Vous aurez un champ de bataille spatial divisé par une grille aux cases hexagonales. Vos chasseurs, drones, croiseurs et corvettes obéiront à vos ordres en temps réel (avec une pause tactique en cas de besoin). Il faudra faire bon usage du terrain ainsi que des spécificités des deux vaisseaux afin de l'emporter. C'est sans le moindre doute la partie la plus profonde et difficile à maîtriser de Crying Suns, voire la seule qui s'avère être difficile en pratique, même pour un amiral expérimenté.
Il faudra maîtriser les subtilités de chaque type de vaisseau et d'arme pour prendre le dessus contre les boss. Se contenter d'envoyer ses troupes charger peut facilement vous mener au désastre. Cela demande aussi de bien planifier quelles armes et quels types de vaisseaux acheter lors de votre avancée parmi les étoiles. De plus, différentes approches sont possibles, vous pouvez envoyer des hordes de drones kamikazes par exemple, ou établir un périmètre défensif autour d'un croiseur avec des armes à longue portée. Du moins, si l'ennemi ne dispose pas d'armes aux tirs qui rebondissent d'un vaisseau à l'autre par exemple. Le fait de pouvoir changer les armes et vaisseaux à la volée durant les batailles est une excellente idée qui permet de s'adapter à chaque situation, et l'ennemi ne s'en privera pas. Il faut tout de même regretter que les différences structurelles entre vaisseaux ne soient pas plus marquées et fondamentales. La position de tous les modules est fixe sur la carte par exemple, il aurait été intéressant que leur positionnement puisse changer, et que des modules différents soient présents ou non en fonction de la faction affrontée. Une fois encore, on en fait relativement vite le tour.
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