Lorsque Gandalf confie l'Anneau Unique à Frodon, sa mission est de l'amener dans le Mordor et de le jeter dans la Montagne Sacrée afin de le détruire. Si l'Anneau est bel et bien détruit à la fin de la trilogie, dans un sens, ce n'est pas uniquement grâce à Frodon. Un semi-échec qui redéfinit la lutte entre le Bien et le Mal.
L'échec de Frodon n'est pas une mauvaise chose
Tout au long de son périple, Frodon est souvent attiré par le pouvoir de l'Anneau. S'il parvient finalement à atteindre la Montagne du Destin, c'est en grande partie grâce à Sam, son ami de toujours, qui n'a jamais baissé les bras. Mais, quand vient le moment de jeter l'Anneau dans la lave afin de le détruire, Frodon est une nouvelle fois happé par son pouvoir. Il succombe, le passe au doigt, et se proclame maître de l'Anneau. C'est là qu'intervient une nouvelle fois Gollum, qui, dans l'espoir de récupérer son précieux, se jette alors sur Frodon, et lui tranche le doigt. Il récupère finalement l'Anneau, mais dans son extase, il perd l'équilibre et tombe dans l'abîme, emportant avec lui l'objet de son obsession. Au final, c'est bien Gollum qui est responsable de la destruction de l'Anneau, et pas Frodon.
Ironiquement, le sort de la Terre du Milieu dépend d'un acte de pure cupidité, et non d'un acte de sacrifice ou de gentillesse. Ce twist était parfaitement orchestré par Tolkien. Même si Frodon fait preuve d'un courage et d'une résistance admirable au pouvoir de l'Anneau pendant son voyage, son fardeau commence à l'épuiser lentement et inexorablement. Plus il avance, plus il doit lutter contre la fatigue physique et mentale.
L'Anneau Unique ne cherche pas seulement à asservir ceux qui le portent, mais exploite leurs désirs les plus profonds, et Frodon n'est pas à l'abri de cette influence. Comme le confirme Tolkien dans sa lettre 181, la volonté de Frodon fut finalement "courbée et usée" par le poids du mal inhérent à l'Anneau. Sa résistance initiale fut admirable, mais même l’âme la plus noble a une limite face au pouvoir de Sauron. D'autres personnages succombent aussi à son pouvoir au cours de l'histoire, ce qui a pour but de donner un message clair : personne n'est parfait.
La rédemption par l'échec
Le voyage de Frodon n'est pas un échec. Comme l'avait dit Gandalf avant qu'il ne parcoure la Terre du Milieu, son but n'était pas de réussir, mais de faire de son mieux — et c'est exactement ce qu'a fait le Hobbit. C'est dans cet effort que réside son héroïsme : le véritable héros n'est pas celui qui détruit l'anneau, mais celui qui l'a transporté là où il était destiné à être détruit, même s'il ne pouvait pas le faire tout seul. Gollum est au final l'instrument du destin qui achèvera la quête de Frodon. Le combat entre les deux personnages résume la dualité du bien et du mal, et comment même les actes les plus sombres peuvent avoir des conséquences positives.
Pour la petite histoire, sachez que Peter Jackson a pensé à une scène dans laquelle Frodon conservait l'Anneau et s'abandonnait à son pouvoir. Dans le film Les Deux Tours, Faramir, le frère de Boromir, aurait pu avoir une vision dans laquelle il voit alors le Hobbit totalement détruit par l'influence de l'Anneau, et dont l'apparence commence à se rapprocher de celle de Gollum. Au final, ne pas conserver cette scène a été une bonne chose. Faramir préfère croire Frodon sur parole quant au pouvoir maléfique de l'Anneau Unique, et décide de ne pas le lui prendre pour le ramener à son père Denethor. Un acte de foi en somme.