Près de vingt ans après la parution de son oeuvre Metro 2033, l'écrivain russe Dmitry Glukhovsky est depuis mondialement reconnu pour ses talents en matière de post-apocalypse, voire même d'horreur fictive. Mais les ravages du monde réel rattrapent parfois même les meilleurs d'entre nous, et cet artiste a récemment été attaqué par la justice de son pays avant d'écoper d'une peine Ô combien lourde, le tout sur fond de conflit russo-ukrainien.
Metro 2033, incontournable du post-apocalyptique horrifique
A l'origine paru en tant que roman de science-fiction horrifique en 2005, Metro 2033 était (et est toujours) l'une des œuvres que l'on recommanderait le plus dans le genre. Pourtant, à l'origine elle n'avait pas eu un retentissement si colossal que cela en dehors de la Russie, et il aura fallu attendre son adaptation sous la forme d'un jeu-vidéo éponyme en 2010 pour que cette œuvre et ses suites aient droit au succès qu'elles méritaient. Dans la foulée, deux autres romans lui faisant suite étaient publiés (Metro 2034 et Metro 2035), puis adaptés sur consoles et PC à leur tour : Metro: Last Light et Metro: Exodus étaient nés.
On nous plongeait dans un univers dystopique où une guerre nucléaire aurait éclaté alors que l'on en ignore les raisons (au début de l'oeuvre tout du moins), laissant la ville de Moscou, entre autres, en proie à un hiver nucléaire extrêmement violent depuis des décennies. Les quelques 40 000 survivants de la catastrophe (sur plus de 13 millions d'habitants) se sont alors réfugiés dans les tréfonds du métro moscovite qui avait été bâti durant la Guerre Froide afin de permettre aux habitants de survivre en cas d'attaque nucléaire. S'ensuit alors un long périple depuis le point de vue d'un jeune homme, Artyom, dans ce dédale horrifique afin de partir en quête de la vérité sur les origines de cette guerre ayant changé à tout jamais l'avenir de ses survivants.
Les trois romans sont encore aujourd'hui accessibles pour moins de 10 euros chez certains revendeurs, tandis que les trois adaptations sous forme de jeux vidéo bénéficient très régulièrement d'offres promotionnelles sur Steam faisant baisser la valeur des Bundles incluant les trois jeux pour à peine 10 euros. C'est d'ailleurs le cas à l'heure où nous écrivons ces lignes, et la promotion durera jusqu'au lundi 28 août 2023 !
De la fiction à la réalité
Bien au-delà de ses œuvres, Dmitri Gloukhovski est un homme russe de 44 ans vivant à Moscou. Il a étudié les relations internationales puis a travaillé en tant que journaliste avant de s'orienter vers l'écriture de romans dystopiques. Pourtant, sa vie aura rapidement tourné au cauchemar après qu'il eût choisi, en mars 2022, de dénoncer la guerre que la Russie menait à l'encontre de l'Ukraine. Il accusait tout particulièrement dans une publication sur Instagram le président russe, Vladimir Poutine, d'être le responsable de celle-ci.
Plus encore, Gloukhovski accusait l'armée russe d'avoir commis des crimes en Ukraine au nom de la Russie, et s'élevait contre le narratif qui était conté par le gouvernement russe au sujet de la guerre qui était en cours. Sa dissidence à l'encontre de ce qui se joue depuis plus d'un an et demi maintenant en Ukraine lui a valu une assignation à comparaître en justice en juin dernier à laquelle il a refusé d'assister, pour des raisons évidentes.
Et le mardi 8 août 2023, le verdict est tombé en contumace pour Dmitri Gloukhovski : il a été condamné à 8 ans de réclusion pour avoir publié ce que le gouvernement russe estime être de fausses informations à l'égard de son armée, et tous les crimes dont elle a été accusée ont été démentis par le procureur. Une peine extrêmement lourde qui a été justifiée par le fait qu'il serait considéré comme "un agent étranger" après ses propos à l'égard du Kremlin. Il a également interdiction d'administrer un réseau social ou un site internet pendant 4 ans.
Cette condamnation est loin d'être la seule en son genre. Peu après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, les législateurs russes ont adopté un projet de loi prévoyant des peines allant jusqu'à 15 ans de réclusion à toutes celles et ceux qui diffuseraient des informations jugées comme étant fausses par le Kremlin, tout particulièrement celles allant à l'encontre de son narratif à propos de la guerre en Ukraine.
A l'heure actuelle, l'auteur de Metro 2033 ne se trouve plus sur le territoire russe depuis avril 2022 et continue de dénoncer ce qu'il désigne comme "une guerre déclenchée par Poutine qui devient chaque jour plus terrible et inhumaine, et les prétextes sous lesquels elle a commencé semblent de plus en plus insignifiants et faux". Le décompte des années de prison et d'interdiction de gestion de réseaux sociaux ou de sites internet dont il a écopé débutera lors de son retour sur le territoire russe, ou bien lors de son extradition d'après le journal Gazeta.ru.