La nouvelle est tombée par le biais de deux journalistes américains renommés, Dave Jamieson (HuffPost) et Jason Schreier (Bloomberg) : les salariés du pôle Assurance Qualité d'Activision Blizzard ont obtenu gain de cause auprès du Conseil National des Relations au Travail américain. Leur victoire ? Faire reconnaître leur syndicat de travailleurs de l'industrie vidéoludique par l'état américain. C'est seulement la deuxième fois dans l'Histoire qu'un tel événement se produit !
Une lutte de longue haleine...
Tandis que début avril dernier était annoncée la conversion en emplois à temps plein de 1 100 salariés jusqu'alors temporaires du pôle Assurance Qualité d'Activision Blizzard, les employés du studio Raven Software (Call of Duty, Wolfenstein) n'avaient pas eu la chance de bénéficier de ce changement majeur et sont restés soumis à des conditions de travail (et de vie) très précaires.
Pour contester cette décision, certains, une trentaine d'entre eux, ont choisi de former un syndicat afin de faire valoir leurs droits. Malheureusement pour eux, les syndicats ne sont pas légion aux États-Unis, et ils sont même quasiment inexistants dans l'industrie vidéoludique puisqu'un seul d'entre eux était jusqu'à présent reconnu par l'état américain : celui du studio Vodeo (à l'origine du jeu Beast Breaker).
C'est dans cette optique que la direction d'Activision Blizzard aurait, selon Bloomberg, illégalement menacé l'équipe de testeurs afin qu'ils mettent un terme à cette syndicalisation. Pour autant, la trentaine de salariés concernés n'a pas lâché l'affaire depuis près de cinq semaines maintenant, allant même jusqu'à rejoindre l'imposant syndicat Communications Workers of America comptant près de 700 000 adhérents dans l'optique d'être reconnus en tant que syndicat de l'industrie vidéoludique à part entière.
Alors que rien n'y faisait et qu'Activision Blizzard s'entêtait à ne pas reconnaître officiellement cette union de travailleurs puisque, selon la direction, 30 personnes ne peuvent pas représenter une unité de négociation appropriée par opposition aux plus de 300 salariés que compte le studio, les futurs syndiqués ont choisi de mener le combat jusque devant le Conseil National des Relations au Travail afin de déterminer officiellement si oui ou non ce syndicat est légitime.
Ce lundi 23 mai 2022, le Conseil a tranché lors d'une vidéoconférence à raison de 19 voies Pour et 3 Contre. Le syndicat formé par les salariés de Raven Software est donc officiellement reconnu par l'état américain et devient ainsi le second à obtenir cette précieuse reconnaissance leur permettant notamment de légitimer leur combat. La Game Workers Alliance est née.
... Et une bataille qui continue malgré tout
Pour autant, les défis de taille ne sont pas derrière cette trentaine d'employés.
Le Ministère du Travail américain enquêterait actuellement au sujet des menaces qu'aurait proférée la direction d'Activision Blizzard à l'égard de son personnel, mais aussi à propos d'une supposée politique menée sur les médias sociaux qui entrerait en conflit avec les droits des salariés en matière d'action collective. Selon Bloomberg, ce même ministère aurait déjà établi qu'un "nombre suffisant de preuves est accessible" afin d'engager des poursuites prochainement. Naturellement, Activision Blizzard a d'ores et déjà démenti ces accusations par le biais de l'une de ses porte-paroles, Jessica Taylor, qui aurait indiqué que "ces allégations sont fausses. Les salariés peuvent s'exprimer librement à propos des problèmes rencontrés sur leur lieu de travail sans représailles".
La négociation d'un contrat écrit avec Activision Blizzard serait même prévue du côté de la Game Workers Alliance, et c'est une suite plutôt logique aux récents événements. Pour autant, étant donné l'hostilité de la direction à l'égard de ce regroupement de travailleurs il y a fort à parier que rien n'est encore gagné de ce côté. Bloomberg a rapporté certains propos envoyés en interne aux salariés qui iraient dans ce sens, notamment qu'"Un syndicat ne peut garantir une augmentation de la paie" mais aussi que "Les contrats dédiés aux syndicats mettent souvent un terme à la flexibilité des emplois du temps".
Le rachat prochain de l'entreprise par Microsoft pourrait également poser de sérieux problèmes à ce nouveau syndicat. La future maison-mère d'Activision Blizzard King n'est en effet pas reconnue pour sa grande tendresse à l'égard des lutte salariales, bien qu'officiellement la vice-présidente, Lisa Tanzi, a annoncé en mars dernier que Microsoft ne s'interposera pas avec la syndicalisation de ses employés.
Une belle victoire donc, mais le plus dur pourrait être à venir pour Raven Software...