Cela faisait plusieurs semaines qu'on s'était plus ou moins désintéressés des League of Legends Championship Series. Non pas parce que C9 a volé Perkz à l'Europe pour le rendre moins bon, ou bien parce que Team Liquid a bench Alphari après avoir fait la blague en Avril — mais plutôt parce que la Ligue européenne ainsi que la Ligue française ont tendance à nous offrir un spectacle ainsi qu'un niveau compétitif infiniment plus divertissant et attrayant que ce que la scène américaine a à proposer.
Aux quatre coins du monde, les ligues majeures et mineures, ainsi que les ERL, semblent attirer toujours plus de spectateurs tout en relevant la barre du niveau de jeu toujours plus haut. Mais pas les LCS. Depuis des années, la Ligue américaine fait du sur-place — et l'époque dorée où elle pouvait encore prétendre à des lettres de noblesse est désormais révolue.
En dix ans de scène compétitive, jamais une équipe américaine n'est parvenue à atteindre la finale des Worlds — et le meilleur résultat de la région sur la scène internationale se résume à deux finales du MSI perdues — face à la Corée du Sud en 2016, et contre l'Europe en 2019. L'Amérique du Nord semble avoir été frappée d'une malédiction, et les récentes sorties de ses équipes sur la scène internationale n'ont fait qu'en témoigner. Le 0-6 de TSM aux Worlds 2020, la performance complètement chaotique de Cloud9 lors du MSI 2021 — on ne manque pas d'exemples pour pointer du doigt le décalage énorme qui semble exister entre les LCS et le reste des ligues majeures.
La scène américaine fait plus qu'accuser du retard, elle donne l'impression de péricliter.
Une dernière fantaisie ?
Après la rumeur d'une potentielle suppression de la règle des imports, Travis Gafford s'est fait la voix d'une nouvelle très vite démentie par le Commissaire des LCS, Chris Greeley. D'après le journaliste spécialiste de la Ligue américaine, les organisations des NA auraient en effet voté afin que l'appartenance au système Académique devienne optionnelle. En d'autres termes, les équipes des LCS auraient demandé la permission de ne pas aligner de roster académique.
La nouvelle était d'autant plus amusante vue d'outre-Atlantique que l'incapacité des LCS à mettre en avant leurs rookies et à renouveler leur effectif de joueurs sans les imports est souvent invoquée comme LA raison principale de l'échec de la région à l'international. Ce vote ressemblait à un pied-de-nez fait par les organisations américaines à Riot, mais d'après Chris Greeley tout ceci n'était que pure fantaisie.
"Les propriétaires [d'équipes] ne nous ont pas demandé de supprimer le système Académique," explique-t-il en réponse au Tweet de Travis Gafford, "Dans le cadre de notre exploration, on a joué avec beaucoup de formations différents, y compris certains [...] où le fait de l'aligner une équipe académique aurait été optionnel. Comme j'ai dit, nous débutons TOUT JUSTE notre exploration."
Sauf que l'histoire ne s'arrête pas là. D'après la NA Players Association, citée par Travis Gafford sur son blog, "Des rapports récents ainsi que nos propres conversations avec des propriétaires d'équipes ont indiqué que certaines équipes ont entrepris des mesures visant à réduire ou à supprimer les coûts associés au système académie. Certaines équipes ont spécifiquement proposé de rendre la participation optionnelle pour les équipes des LCS."
Difficile de savoir exactement qui dit la vérité, et qui joue avec les mots, mais une chose semble certaine dans tout ce drama : le système Académique est sur le point de changer drastiquement, parce que c'est un échec — tant en termes d'audience que d'objectifs accomplis. Certes de jeunes joueurs issues de la scène académique, comme Fudge, FakeGod ou encore FBI sont parvenus à se hisser sur la grande scène, mais malgré le sang neuf les LCS semblent incapables de se renouveler. Pire, on en vient à se demander si les anciens ne finissent pas par corrompre les nouveaux...
Des chiffres en dent de scie
À l'image de leurs performances sur la scène internationale, les statistiques des LCS jouent au montagnes russes d'une année à l'autre. Au Spring 2019, la ligue américaine enregistrait en moyenne 201 122 spectateurs, contre 162 767 au Summer. À l'inverse, l'année suivante, 183 010 spectateurs en moyenne s'amassaient devant les matchs du segment printanier, contre 205 750 devant ceux du segment d'été. Et cette année, au printemps, la ligue américaine n'a rassemblé "que" 176 012 spectateurs en moyenne. En comparaison, le LEC au Spring 2021, c'est 309 955 spectateurs en moyenne, avec un pic à plus de 800 000 spectateurs lors de la grande finale.
Dans cet écosystème qui peine à décoller, mais dont les chiffres sont tout de même honorables, l'Academy fait pâle figure, rassemblant entre 24 et 26 000 spectateurs en moyenne lors du Spring et du Summer 2020. Quand on sait que la LFL rassemble en moyenne 47 521 spectateurs cette année, alors qu'il ne s'agit que d'une des European Regional League...
Et après ?
Les LCS Academy sont-ils seulement le meilleur modèle que la scène américaine peut adopter ? Face à l'histoire à succès des European Regional Leagues et des European Masters, la scène américaine ne devrait-elle pas tirer des enseignements de sa comparse européenne ? Ces questions nous viennent naturellement face à la lecture combinée du drama Gafford/Greeley et des statisques peu reluctantes du système académique.
En fait, le format académique a encore du sens lorsqu'il s'intègre dans un véritable championnat, doté de ses propres enjeux, mais il perd tout intérêt lorsqu'il demeure simplement l'ombre de la ligue première. La chose est d'autant plus vraie dans un environnement franchisé : après tout, quel intérêt de regarder les matchs d'une divisions secondaire si on a la garantie qu'aucune promotion n'est possible ?
Ce qui fait la force des ERL, c'est son organisation oscillant entre chaos et ordre — un peu à l'image de l'Europe en général. Chaque ligue nationale possède son public, qui vient ensuite soutenir ses représentants lors des European Masters. Ce sont des Worlds à petite échelle. En comparaison, les LCS Academy sont simplement "la ligue américaine, mais en moins bons.", alors que la scène américaine regorge de potentiel.
Après tout, l'Amérique du Nord est une confédération d'Etats qui pourraient très bien donner à des championnats nationaux. Et puis, le pays dispose déjà d'un championnat universitaire extrêmment développé, avec des bourses dans plusieurs grandes écoles prestigieuses à la clef. Plus encore,de nombreuses idées ont déjà été proposées pour remplacer le système académique — à commencer par l'instauration d'un système de conférence, proposé par l'ancien coach de CLG, Weldon Green.
NAEast vs NAWest — non seulement un tel système permettrait sinon de résoudre, du moins d'améliorer la question du ping en Amérique du Nord — mais surtout il offrirait à la scène américaine une véritable assise compétitive... Tout pourvu que les LCS arrêtent d'être les cancres de l'écosystème compétitif de League of Legends.