Le paysage européen de League of Legends pourrait bien être sur le point de changer. Après avoir annoncé son retrait du championnat européen, et la vente de son slot, le FC Schalke 04 s'apprête à signer son chant du cygne. Cela dit, tandis que l'équipe allemande a fait le choix de se concentrer sur son activité principale — le football — nombreuses sont les organisations qui se pressent au portillon pour la remplacer. Pendant quelques instants incertains, certains ultras de la scène française s'imaginaient déjà que la Karmine Corp serait en mesure d'aligner les 20-30 millions d'euros nécessaires à l'achat du slot de S04. Malheureusement, même en s'alliant avec Solary, il semblerait qu'une telle chose semble pour le moment impossible.
À la place, une autre organisation enrôlée dans la Ligue Française de League of Legends aurait été pressentie : Team BDS, aka l'équipe de Bailo De Spoelberch.
De Rainbow Six : Siege à League of Legends
Quoiqu'elle ait récemment fait parler d'elle en Ligue française, notamment grâce au charisme exceptionnel d'un certain midlaner portugais adoré par notre rédaction, Team BDS est encore un oisillon sur la scène compétitive de League of Legends — et elle n'a pas beaucoup plus d'ancienneté au sein de l'univers de l'esport en général. En fait, l'organisation suisse est entrée dans le game en mai 2019, en signant son tout premier roster de Rainbow Six : Siege.
En deux ans, Team BDS s'est hissé sur le devant de la scène du FPS d'Ubisoft, devenant une des figures incontournables de la scène compétitive en remportant l'European League 2020, puis arrachant une finale lors du Six Major en novembre 2020. Loin de s'arrêter là, l'organisation suisse s'est ensuite tourné vers Rocket League en faisant l'acquisition du roster ARG en février 2020. De là, après des débuts difficiles, Team BDS a à nouveau gravi les échelons — au point que l'année 2021 a tout simplement été marquée par leur suprématie quasi absolue.
Entre temps, BDS s'est à nouveau tourné vers une nouvelle scène esport. Après avoir pris de l'expérience sur Rainbow Six et Rocket League, après avoir cimenté leur présence dans ces deux écosystèmes, ils ont choisi d'investir dans le "Tier 1 Esport" par excellence : League of Legends. Cela dit, contrairement aux premières heures de la scène compétitive, force est de constater que le paysage compétitif de League commence à être ... un peu bouché.
Toutes les ligues majeures sont désormais franchisées, et même les slots en European Regional League commencent à devenir rares. Pourtant, en mai 2020, Team BDS flaire l'opportunité lorsque Bastille Legacy propose à la vente son slot en Div 2 de la LFL. L'organisation belge rachète l'intégralité du roster — et la suite de l'histoire est presque trop connue. Premiers de la ligue en 2020, Team BDS a fait une entrée fracassante en division une au début de la saison 2021, en se dressant rapidement comme l'une des forces sur lesquelles compter.
Et cette ascension fulgurante serait sur le point de se poursuivre car, à l'aube de la Saison 2022, il semblerait que Team BDS soit prêt à acquérir le slot du FC Schalke 04. Quoique l'information n'ait pas encore été confirmée par Riot Games, tout porte à croire que l'organisation belge serait sur le point de quitter la Ligue française, après seulement deux saisons, pour s'envoler vers le LEC...
Bailo De Spoelberch, la famille derrière Team BDS
Le récit de Team BDS est beaucoup trop surprenant pour qu'on se content de le regarder comme s'il s'agissait d'un fait ordinaire. En seulement deux années d'existence, l'organisation suisse s'est étendue à au moins trois écosystèmes compétitifs différents — quatre si on considère leur arrivée récente sur la scène de Valorant. Contrairement aux autres grandes organisations de l'univers de l'esport, qui possèdent un long historique, ce sont véritablement des petits nouveaux qui étaient complètement inconnus du public en 2018.
Et pourtant, contrairement à ces jeunes roster plein de talent qu'on voit fleurir de temps en temps, ils ne manquent pas de moyens — loin de là. Car, si on est incapables de préciser exactement le montant, on imagine bien que le fait d'investir dans autant de scène et autant de joueurs nécessite un investissement colossal se chiffrant en millions, voire en dizaine de millions.
Le plus grand producteur de bière au monde
En creusant un peu plus, il s'avère que B D S est en réalité un acronyme, celui de Bailo De Spoelberch. En fait, on retrace l'existence des vicomtes de Spoleberch aux 14e siècle, et ils sont encore aujourd'hui considéré comme une partie intégrante de la noblesse belge. Au 19e siècle, la famille devient actionnaire de la brasserie Artois et commence son ascension progressive au sein du groupe pour finalement jouer un rôle décisionnaire d'importance.
À la fin des années 80, la brasserie Artois fusionne avec son compétiteur principal, la brasserie liégeoise Piedboeuf, pour créer le groupe Interbrew. En 2004 puis en 2008, une nouvelle fusion avec la brasserie brésilienne AmBev puis le rachat des brasseries américaines Anheuser-Busch, pour donner naissance à Anheuser-Busch InBev NV.
Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que AB InBev est le plus grand producteur de bière au monde. Ils vendent ni plus ni moins que 25% de toute la bière bue à l'échelle de la planète. Stella, Budweiser, Corona, Quilmes ou Pilsen — ces noms là vous seront certainement plus familiers et, quoique la chose puisse paraître folle, Team BDS existe grâce à la bière, ainsi que l'impulsion de son PDG : Patrice Bailo De Spoelberch.
Le fisc belge entre dans la danse
Le problème, quand tu commences à investir dans tous les sens, c'est que ça attire le regard des organisations chargées de réguler les marchés financiers. Et le rachat d'un slot en LEC, estimé entre 20 et 30 millions d'euros, c'est pas vraiment le genre de choses qui passe de manière anodine. Si tant est que la chose se confirme, BDS devra sans doute faire l'objet d'une étude approfondie, d'autant que le fisc belge a déjà la famille à l'oeil.
Les plus aguerris d'entre vous l'auront sans doute remarqué, le nom des De Spoelberch a évolué au point que le PDG actuel de l'entreprise, et héritier principal de la famille, porte un nom composé. Pourquoi ? Parce que, en réalité, il a été adopté. En février 2001, la vicomtesse Amicie de Spoelberch, 79 ans, épouse Luka Bailo sous le régime de communauté universelle, c'est-à-dire de partage unilatéral des biens. Le mariage est dénoncé par le reste de la famille car le nouvel époux est bien connu pour être un "flambeur" (Source : L'Echo).
Trois ans plus tard, la vicomtesse adopte Alexi et Patrice, les deux fils que Luka Bailo a eu d'un premier mariage, et ils deviennent officiellement membre de la famille De Spoelberch tout en conservant leur nom d'origine. Jusqu'ici, tout semble se résumer à une histoire de succession ennuyeuse : et c'est ici que Maître Farida Chorfi entre en jeu. Mandatée par le couple, l'avocate découvre l'existence de 8 millions de bons porteurs, d'une valeur estimée à 200 millions d'euros, planqués dans un coffre fort au Luxembourg.
Trois sociétés offshores situées dans des paradis fiscaux sont créées pour héberger la fortune du couple, et au passage Maître Chorfi a tenté de subtiliser plus de 900 000 bons porteurs. Évidemment, elle s'est fait griller, et la justice belge l'a condamnée à 24 mois de prison, dont 15 avec sursis.
Sauf que cette histoire n'est pas passée inaperçue, loin de là — et soudainement le fisc belge s'est mis à s'intéresser à la fortune des De Spoelberch, et notamment aux actions de la AB InBev. Tout particulièrement depuis le décès de Luka Bailo, en 2004. En effet, au lendemain de la mort de leur père, Patrice et Alexi prennent le contrôle de l'entreprise familiale sans en avertir leur belle-mère, qui s'en rend compte en 2005 et dépose une plainte pour vol, escroquerie et abus de confiance en 2006. Sauf que la vicomtesse décède en 2008 — et l'affaire se termine finalement par un accord à l'amiable.
Pourtant, plus de dix ans après, le RTBF, le quotidien belge rapporte que les héritiers Bailo De Spoelberch seraient actuellement la cible du fisc belge, qui invoque en prétexte le fait que les droits de succession auraient été payés au Luxembourg plutôt qu'en Belgique. Et tout ça il y a tout juste deux semaines, au moment même où BDS serait en train de négocier avec Schalke04 et Riot Games...
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