Le second opus de Street Fighter repart sur les bases du premier. Le système à six boutons est conservé ( poing léger/moyen/fort + pied léger/moyen/fort), ainsi que le système de coups spéciaux réalisés en entrant des commandes spécifiques (quart de cercle avant + poing pour le hadoken par exemple). La choppe fait son apparition, ainsi qu'un tout nouveau système devenu depuis l'ADN même des jeux de combat : le combo.
Outre les mécaniques de combo, une nouvelle fonctionnalité voit aussi le jour. Cette dernière fera tout autant son chemin que le combo, devenant elle aussi une des bases des jeux de combat. Cette mécanique est le cancel qui permet d'annuler certaines commandes en rentrant une autre commande lors des premières frames d'animation, ou alors d'annuler les frames de recovery après un coup en enchaînant par une autre attaque.
Dans Street Fighter, le joueur ne pouvait incarner que Ryu ou Ken. Street Fighter II se dote dès le départ de 8 combattants : Ryu et Ken (qui restent des clones), Chun Li (première femme de l'histoire des jeux de combat), Guile, Dhalsim, Blanka, Zangief et Honda. Les quatre boss non jouables de prime abord, sont ajoutés lors de la sortie de Champion Edition. Vega (Claw/Balrog), Balrog (Boxeur/Bison), Sagat et Bison (Dictator/Vega) rejoignent le combat, mais surtout forcent un équilibrage du jeu, pour qu'ils n'aient pas de mécaniques plus fortes que celle du reste du cast dans leur version jouable. Cet équilibrage bien que nécessitant le rachat d'un nouveau jeu pour l'époque, n'est pas sans rappeler le système de Season Pass actuel. Capcom dans un sens, a trouvé en premier la formule économique que la majorité des jeux exploitent aujourd'hui. Le cast ne deviendra complet qu'un an plus tard, avec les arrivées de Cammy, Dee Jay, Fei Long, et T. Hawk lors de la sortie de Street Fighter II : The New Challengers. L'avant dernière version sort encore un an après, sobrement appelée Super Street Fighter II Turbo. Puis en 2017, le remix HD du jeu sort sur Switch, avec les deux derniers personnages du jeu : Evil Ryu et Violent Ken dont c'est la seule apparition dans un jeu principal de la licence.
Sortir différentes versions du jeu n'est pas juste un moyen pour Capcom d'ajouter des nouveaux personnages et de se faire de l'argent facilement sans redévelopper un jeu complet. Déjà certains bugs gênants sont corrigés, comme la célèbre Golden Stance de Guile qui était quasiment le bouton Free Win de la première version du jeu, mais surtout le jeu est à chaque fois rééquilibré. Au fur et à mesure des versions, les personnages apprennent de nouvelles techniques (sauf Guile et les quatre boss). Le jeu devient également plus rapide, et ses mécaniques sont améliorées. De nouvelles fonctionnalités font également leur apparition comme le juggle (le fait de pouvoir frapper un adversaire en l'air) emprunté à la licence Mortal Kombat, et surtout la Super qui fait son apparition dans Super Street Fighter II Turbo. The World Warrior et Super SFII Turbo sont quasiment deux jeux différents, étant presque plus éloignés l'un de l'autre, que Street Fighter I et la première version de Street Fighter II. La plupart des éditions anniversaires sorties par Capcom proposent d'ailleurs de jouer à chacune des versions du jeu, afin que chacun puisse retrouver l'expérience qu'il a préféré.
Mais surtout pour ceux qui ont connu cette époque, Street Fighter II est un dialogue, presqu'une lettre d'amour entre joueurs et développeurs, échos d'un temps qui ne reviendra pas. La technique Shoryuken de Ryu est mal traduite, et devient Shen Long dans les versions occidentales. La formulation étant de plus maladroite faisant passer la technique pour une véritable personne, les joueurs pensent rapidement qu'il existe un personnage caché dans le jeu, et cherchent à le débloquer. Malheureusement pour eux, ce personnage n'existe pas... encore. Amusés par cette rumeur, un combattant est développé dans le plus grand secret pour Super SFII Turbo. Il n'apparait ni sur les pochettes du jeu, ni dans la sélection des personnages, et n'est pas teasé par Capcom. Pour combattre ce nouveau guerrier, il faut battre les 8 combattants du mode arcade, plus les 3 premiers boss, sans utiliser de continu et en ayant un score élevé pour que le jeu décide que Dictator n'est pas un challenge à la hauteur du joueur. Apparait alors Akuma, qui détruit le boss final de Street Fighter II en quelques animations. Le maître de Shadaloo même si pas aussi OP que Sagat dans Street Fighter premier du nom, était déjà un défi sympathique pour un joueur. Le voir se faire exploser en quelques secondes par ce que l'on comprend être le vrai défi du jeu, procure une sensation mêlant surprise, excitation et angoisse. Cela pouvait arriver des mois, voire des années après avoir obtenu le jeu, comme si le joueur découvrait d'un coup la face cachée d'un vieil ami.
Ce genre d'histoire ne peut plus vraiment exister dans les jeux vidéos actuels. Au delà des choses cachées dans un jeu qui peuvent mettre des années à être trouvées (la série GTA en est un très bon exemple), c'est surtout ce qui a mené à cette création qui ne reviendra pas. Aujourd'hui une telle erreur de traduction sur un jeu aussi populaire que le fut Street Fighter II à l'époque, serait patchée rapidement. De plus, avec la démocratisation d'internet et du média vidéo ludique, les joueurs se partageraient l'information, et le mystère lié à cette traduction hasardeuse n'aurait pas tenu une semaine. Alors qu'à l'époque, il a fallu des mois pour que Capcom prennent conscience de cette erreur, et de la fascination autour d'un personnage même pas imaginé par les développeurs, qui s'était développé en Occident. Finalement plutôt que de corriger cette erreur, ils ont choisi de donner vie aux rêves que les joueurs s'étaient inventés depuis des mois. Et cela sans communiquer dessus, ni même essayer de le vendre. Akuma n'est que les remerciements sincères d'une équipe envers les joueurs qui avaient déjà fait rentrer leur travail dans la légende, la récompense suprême pour les heures passées sur le jeu.
Le jeu vidéo, était-ce mieux avant ? Pas forcément, beaucoup de joueurs de l'époque auraient adoré que le jeu vidéo soit déjà ce qu'il est aujourd'hui. Le temps et les sensations de Street Fighter II ne reviendront pas, mais avec d'autres jeux de légende, ce titre a ouvert la voie vers tout les chefs d'œuvre qui sortent ces dernières années, et pas seulement dans les jeux de combat. C'est grâce à ce genre d'histoires que le jeu vidéo est devenu ce qu'il est aujourd'hui, alors merci Street Fighter II et bon anniversaire.