« 800 000 euros et cinq ans de prison sont en jeu », voire le double « si des mineurs sont concernés » prévient Koen Geens, ministre de la justice belge. Cette mise en garde envers les éditeurs de jeux vidéo concerne les loot boxes, du contenu à acheter en jeu et offrant au joueur une amélioration aléatoire. Ces micro-transactions sont désormais considérées comme des jeux de hasard et interdites en Belgique. Une décision radicale qui ouvre la voie à un débat économique et éthique autour de l’industrie vidéo-ludique. Désormais, c'est Electronic Arts qui est en ligne de mire.
Des Français alertent les autorités
Forts de cette jurisprudence actée en Belgique, des joueurs ont décidé de saisir la justice de notre côté de la frontière, par le biais de deux avocats français : Victor Zagury et Karim Morand-Lahouazi. Le but de leur démarche, c'est de réguler le marché implanté par EA Sports sur FIFA Ultimate Team. Dans FUT, vous composez votre équipe via un système de cartes à jouer. Pour les obtenir, vous pouvez soit collecter des points en jouant et procéder à l'achat de packs ou de joueurs sur le marché des transferts, soit en mettant votre carte bancaire à contribution afin d'acheter des points FIFA. Ces crédits vous permettront d'obtenir plus rapidement des cartes convoitées. Dans le dossier des avocats, plusieurs points jugés problématiques sont relevés.
- Les packs en promotion. Quelle valeur a cette promotion, en sachant qu'elle est présente chaque semaine ?
- Le format "loterie" constituant un sacrifice financier dans l’espérance d'un gain.
- Absence d'affichage clair de la probabilité de gain et le nombre de packs "gagnants" (exemple : le nombre de Mbappé TOTY mis sur le marché.)
- Plus complexe encore : les défenseurs soupçonnent EA Sports de créer un sentiment de frustration chez les joueurs par différents biais (nerf caché, chance de marquer plus élevée à certains moments, teasing de joueurs lors des ouvertures de packs en affichant un joueur moins prisé de la même ligue ou nationalité pour créer l’espoir, comme pour Marquinhos et Neymar.)
En cause, un vide juridique
Dans le domaine, les maîtres incontestés restent les jeux mobiles qui en ont fait leur modèle économique de base. Mais qu’est-ce qui différencie ces loot boxes d’un jeu de hasard ? L’article 2 de la loi 2010-476 prévoit « Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l’habileté et les combinaisons de l’intelligence pour l’obtention du gain ». A priori donc, pas grand-chose. Pour l’heure, aucun consensus n’a été trouvé et chaque pays est maître de sa décision. En France, l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL) a pris connaissance de la situation et incite les éditeurs à mettre en garde les utilisateurs de la présence d’achat in-game, ainsi qu’à plus de transparence quant aux probabilités d’obtenir ou non une carte dans un booster. Aussi, désormais lors d'un achat de pack(s) sur FUT, vous pourrez obtenir les informations concernant les taux de drop. Mais là encore, un problème majeur est soulevé par les avocats : que signifie le "- de 1 % de chance" ? Vous conviendrez que 0,99 % ou 0,0001 %, ce n'est définitivement pas la même chose.
Régulation ou interdiction ?
Si les pratiques mises en place par EA paraissent litigieuses, une interdiction totale des achats in-game semble utopique. Le problème se situe plutôt dans la limite d'âge (PEGI 3) ou le manque de transparence. Alors que faire ? Les micro-transactions occupent une place essentielle dans le modèle économique des jeux vidéo. Les éditeurs profitent d'un vide juridique pour réguler leurs marchés comme ils l'entendent. L'avenir devrait nous éclairer sur les risques encourus par EA et mesurer l'impact d'une telle démarche judiciaire. Il sera donc urgent pour la justice de statuer sur ces situations, pour aboutir au plus vite à un compromis efficace. Récemment, une interview des avocats sur la chaîne de PsYkO17 a suscité de nombreuses réactions. Une pression suffisante pour faire bouger le géant ? Probablement pas, mais pour en avoir le cœur net, il faudra attendre la fin de l'affaire.
Vous pouvez retrouver une interview des avocats Victor Zagury et Karim Morand-Lahouazi sur la chaine de PsYkO17