Jamais une saison de Fortnite n’aura été aussi longue. Celle-ci aura duré plus de quatre mois... Sans pour autant être saluée par la majeure partie de la communauté. Et pour cause : entre les manques de communication de la part d’Epic, les manques de contenus, la méta inchangée de l’arsenal, et des événements décevants… Les couacs ont été quasi systématiques et ont suscité une profonde incompréhension chez les joueurs.
Le constat est douloureux, mais nécessaire : après avoir dominé la scène vidéoludique durant plus d’un an, tout en redéfinissant sans arrêt les frontières du “jeu service”, Fortnite s’essouffle.
Et c’est d’autant plus étonnant que ladite saison avait commencé par un vrai big-bang, au propre comme au figuré. Souvenez-vous.
Tout commence le 13 octobre 2019 à 20h, au terme d’un événement des plus spectaculaires intitulé “The End”. Fortnite entre dans ce que les médias du monde entier appelleront le black out, ou encore le “trou noir”. Le jeu est littéralement absorbé dans un gigantesque cataclysme, et la seule chose qu’il laissera voir à ses joueurs pendant plus de 36 heures sera un trou noir, perdu dans la galaxie. Un coup de maître en communication de la part de Epic Games, puisque ce sont près de 50,7 millions de minutes qui sont passées (en cumulé) par les joueurs à contempler le fameux trou noir durant cette période. Le Trou Noir gagne même le titre “d’événement lié aux jeux vidéo le plus regardé de tous les temps”. Streamers, joueurs lambda ou professionnels, tous guettent le vide intersidéral. Des heures durant.
Et quand finalement le jeu redevient disponible, des millions de joueurs plongent en piqué sur une toute nouvelle île, régie par des lieux-dits inédits et permettant l’exploitation de nouvelles fonctionnalités (nage, navigation, port d’autres joueurs sur notre dos…). Un nouveau départ pour le BR ? Pas tant que cela, car bien vite les joueurs se lassent. L’arsenal (constitué à 100% par des armes déjà parues dans les saisons précédentes) n’a rien de bien séduisant et on déplore également un manque de mobilité et d’objets originaux et/ou funs. L’engouement pour la découverte de ce nouveau monde ne dure qu’une semaine environ.
Il est intéressant de constater à quel point le regain d’intérêt pour Fortnite suite à l'événement “The End” venait en réalité de l’absence littérale du jeu lui-même. En supprimant momentanément son jeu phare et en s’enfermant dans un mutisme rigoureux (tous les comptes officiels de Fortnite ont disparu des réseaux sociaux durant le trou noir), Epic Games a généré chez sa communauté un sentiment de manque très puissant. Le faire revivre ensuite a pour ainsi dire neutralisé cette passion éphémère. On pourrait même aller un peu plus loin, et dire qu’Epic Games a “trop bien” réussi son coup de comm’ par le vide.
Mais cet ascenseur émotionnel qui a inauguré la Saison 1 du chapitre 2 n’est pas ce qui a provoqué la colère d’une grande partie de la communauté. Bien au contraire, tout ne commençait pas si mal pour cette fameuse S1. C’est au fil des semaines que les choses se sont corsées...
Petit état des lieux chiffré
Essayons d'abord d'analyser l’état actuel du jeu. Va-t-il si mal que ce que la communauté semble dire ? Les résultats en provenance de Twitch paraissent, en effet, assez mauvais. Le jeu stagne en troisième — parfois quatrième — place du classement des franchises les plus streamées. En comparaison, sur ces 30 derniers jours, League of Legends, accumule deux fois plus d'heures regardées que Fortnite. Ce dernier affichant d'ailleurs une baisse de 12,8 % du viewership, par rapport au mois précédent.
Plus alarmant encore, les statistiques liées aux "tendances". En nous basant sur différents facteurs, comme le cumul des heures regardées, le nombre d'heures diffusées ou la quantité de streamers sur le jeu, on peut définir un classement des jeux les plus en vogue. C'est ainsi qu'on constate que sur ces 30 derniers jours (comparés aux 30 précédents) Fortnite se situe à la seconde place des jeux diffusés sur Twitch ayant connu la plus forte décroissance en terme de viewership. Les stats du jeu sont pour ainsi dire en chute libre, et même si Fortnite part de tellement haut que les quantités d'heures streamées et vues restent astronomique, la baisse est historique.
Soyons honnêtes : la première saison du chapitre 2 a été fortement discutée. L'idée ici n'est pas de tirer sur l'ambulance, mais plutôt de tenter de trouver des éléments de réponses pour comprendre l’échec de ces cinq derniers mois. Au final, c'est l'accumulation de petits faux pas qui, une fois mis bout à bout ont fait naître le mécontentement général.
Une succession de couacs
Après un départ sur les chapeaux de roue, très vite, la saison semble s'essouffler. Le jeu peine à se renouveler, et les ajouts se raréfient. Une infographie nous permet de mieux comprendre la situation. À la mi-octobre, nous sommes au début de la saison. Une vingtaine d'armes et de consommables sont disponibles. Si l'on enlève les événements spéciaux comme la fête hivernale et la collaboration Fortnite x Star Wars, ce sont seulement quatre objets qui ont étés ajoutés ces cinq derniers mois : les feux d'artifice, le tremplin, le harpon et le fusil d’assaut lourd. Pour ainsi dire, la méta demeure quasi-inchangée depuis un semestre.
Un Fortnite qui prend la poussière ?
La faible variation de la méta et de l'arsenal n'est en réalité que la partie visible de l'iceberg. Plus généralement, c'est le manque de nouveautés et d'ajouts originaux qui a frappé l'ensemble des joueurs. Disons que par contraste, le Battle Royale signé Epic Games nous avait habitué à un dynamisme à tout épreuve. Durant les premières saisons, il était impensable de compter une semaine sans collaboration, nouvel objet de mobilité ou indice sur un prochain événement.
Avec celle que nous avons traversé, rien n'a bougé. Le paysage est resté le même, comme cette vieille carte postale au-dessus de notre bureau. Pas de nouveau lieu-dit, pas de transformation du décors ou de fil conducteur qui pourrait nous rendre impatients pour la suite.
Et ce n'étaient pas les propositions ou les possibilités qui manquaient. Pendant toute la saison, la communauté a plutôt clairement énoncé ce qui faisait défaut au jeu. L'exemple de la mobilité est frappant. Il aura fallu attendre le 5 février (soit 15 jours avant la fin de la saison) pour voir revenir le Tremplin, seul objet de mobilité disponible dans cette S1 aux côtés du canot motorisé. Par conséquent les parties de Fortnite auront été quelque peu monotones durant plus de cent jours : moins de rotations, de mouvement et, disons le, de fun qu'auparavant.
Cette faible densité de contenus inédits se double d'une communication en dents de scie de la part de Epic Games. Il est vrai que l'éditeur a toujours eu une façon bien à lui de tenir au courant les joueurs. Cultiver ce côté mystérieux a toujours été en quelque sorte sa marque de fabrique.
Convier les joueurs à des événements en live qui changent la map du jeu ? Sortir des avions, des épées, des collab' pendant ou juste avant des compétitions officielles, où les cashprizes se chiffrent en millions ? Faire disparaître le jeu dans un trou noir deux jours durant ? Epic Games l'a fait sans sourciller. Et c'est aussi ce qui forge le charme de Fortnite, ce grain de folie et de dynamisme qu'on pourrait presque qualifier d'insouciant.
Le hic c'est qu'avec cette saison 1, la communication d'Epic est devenue plus que fragmentaire. Les patch notes pour le BR ont cessé de paraître, avant de revenir à la mi-saison mais sous une forme extrêmement réduite, voire incomplète. Ils ne faisaient pas mention des équilibrages des armes, des ajouts d'objets ou même de certaines corrections de bugs. Sans qu'on sache vraiment pourquoi, seul le mode "Sauver le monde" a continué de bénéficier de patch notes réguliers et complets sur l'ensemble de la période.
Epic Games : toujours en quête de la formule magique compétitive
L'esport n'a jamais été le fer de lance de Fortnite à proprement parler, et cette saison ne l'a pas non plus mis sur un piédestal. Le circuit des Fortnite Champion Series (FNCS) semble taillé pour durer, même si sa variation de format (duo, trio , squads...) le rend difficile à suivre, pour les pros comme pour leurs spectateurs, puisqu'elle empêche la formation d'équipes stables.
Seule vraie déception compétitive de la saison : le Winter Royale, qui s'est décliné selon les plateformes et dont l'enjeu était de "lisser" les récompenses entre des milliers de joueurs. Résultat : une compétition insipide pour les pros, accompagnée de nombreux bugs dans la comptabilisation des points... L'événement était sensé nous faire patienter avant les Worlds 2020 (dont on devrait bientôt avoir des nouvelles), mais la copie est à revoir.
Des nouveaux modes pour tenir en haleine
Pas question toutefois d'oublier ce qui a été louable dans cette saison. Même si elle a été longue et assez linéaire, elle a pourtant connu ses heures de gloire. La collaboration avec Star Wars, par exemple, a fait couler beaucoup d'encre. Beaucoup ont jugé l'événement live trop long, pas assez spectaculaire et ont décrié les sabres laser qui en ont résulté comme étant trop puissants. Pourtant, des objets plus impressionnants ont vu le jour par le passé sans que cela ne choque autant de monde. Et puis, entre nous, combattre au sabre laser comme un Jedi sur Fortnite, qui n'en avait jamais rêvé ?
Autre bonne surprise : le roi de la tempête durant l'événement Halloween. Ce mode PVE en coopération avait été, il faut bien le dire, une très bonne surprise et une splendide réalisation de la part d'Epic.
Même traitement pour le Noël de Fortnite : le chalet, les cadeaux et l'ambiance chaleureuse créée par les développeurs passent presque inaperçus. On en revient immanquablement à ce postulat : avons-nous été habitués à un tel rythme effréné de sorties et de nouveautés que nous sommes incapables d'apprécier les contenus neufs qu'Epic nous offre à une cadence plus lente ? C'est un point qu'il faut garder en tête, car non, cette saison n'a pas été non plus "vide" dans l'absolu !
Qu'espérer pour la prochaine saison
La saison 2 du chapitre 2 cristallise énormément d'attentes et d'espérances chez les joueurs. Nous sommes nombreux à croiser les doigts pour que le 20 février soit une renaissance pour Fortnite. Et il est difficile d'émettre la moindre hypothèse à ce sujet. Epic Games est réputé pour frapper fort quand on ne s'y attend pas. Peut-être qu'une saison 2 époustouflante est la raison pour laquelle la saison 1 a été, en creux, si légère en terme de contenus inédits et semble avoir si peu préoccupé les équipes de développement. Mais il se peut aussi que nous devions composer avec une autre saison sur ce même rythme. C'est le postulat de Ninja par exemple, qui s'est exprimé en stream le 8 février sur ses faibles attentes pour la S2 :
Pour d'autres, les équipes de développeurs se concentrent sur la création d'un "métavers" Fortnite à part entière, qui surpasserait le Battle Royale et le mode créatif, mais qui ne verrait le jour que dans plusieurs mois. C'est ce qui expliquerait le ralentissement que Fortnite traverse en terme de nouveautés à court terme.
C'est un tweet de Tim Sweeney lui-meme qui a fait naître cette théorie. Fin décembre 2019, quand un internaute lui demande s'il visualise Fortnite comme un jeu ou comme une plateforme, le CEO d'Epic Games répond : " Comme un jeu. Mais s'il vous plaît reposez-moi cette question dans 12 mois."
Fortnite nous l'a prouvé à maintes reprises par le passé. C'est un monument du jeu vidéo qui non seulement a encore la puissance de feu nécessaire pour rebondir en tant que jeu-service, mais qui peut aussi surpasser nos espérances les plus folles. Ce sera peut-être demain, dans un mois ou dans un an, mais une chose est sûre : ne faisons pas nos adieux trop vite à ce cher bus de combat.