/dbm pull 15. Pré-pot et coup de feu sur la ligne de départ. Ils sont des centaines à s'élancer dans les couloirs obscurs de Ny'alotha. Tous ont pour ambition une même ligne d'arrivée lointaine au bout d'un parcours jalonné de 12 embûches. Pas de Lion, de Sanglier ou de Cerbère aujourd'hui. Cette épreuve de vitesse, d'endurance et de résistance face à différents maux arbore pourtant bien des allures de travaux Herculéens. Pour tous les concurrents, l'objectif est simple ; vaincre Ny'alotha, le repaire de N'Zoth le plus rapidement possible.
Au début de la course, les différentes guildes s'élancent en différé. Les serveurs Américains ouvrent le bal avec une nuit d'avance sur leurs rivaux outre-atlantique. Ce retard souvent discuté deviendra rapidement anecdotique. Si les serveurs Européens, Asiatiques ou Océaniques attendent encore de fouler la piste, ce n'est pas du temps perdu. Là où les US avancent à l'aveugle, les poursuivant observent, calmement. Sur les streams, dans les chats et sur les discords on prend des notes sur les premières tactiques, échecs et réussites en espérant retarder les premiers écueils.
L'accès au Royaume de Test (PTR) a permis à tous de découvrir grossièrement les premiers boss par avance. La pression et le niveau de difficulté aujourd'hui rend l'exercice bien différent. Le niveau des armes et des armures est préparé avec minutie, chaque compétiteur a ses BiS et un iLvL sous stéroïdes comparé aux autres joueurs. Pourtant, ces hommes s’apprêtent à affronter des Dieux (très anciens).
Si certains (Method, Limit, Exorsus etc..) sont brandés par des structures gaming ou des marques de boissons énergisantes, ils restent peu nombreux. Blizzard à l'inverse des MDI ou des championnats d'arène ne promet pas de récompense au grand vainqueur, et pour vouloir jouer le progress à fond, il faut souvent ne pas avoir d'emploi où garder des congés pour ces périodes.
Les joueurs ne concourent que presque exclusivement pour la gloire. Ce marathon est une partition de musique jouée par des passionnés acharnés qui doivent avoir une maîtrise totale de leur sujet.
Le placement, les déplacements, les sorts, l'ordre des cibles à abattre, le positionnement du boss, la mana des heals, les CD, le tanking, la fatigue, la faim, l'énervement, la pression. Il y a ici pour 99% des joueurs de WoW déjà une dizaine de raisons pour échouer face à ce que d'autres entreprennent aujourd'hui.
Chaque compétiteur doit réciter sa partie sans fausse note au risque d'entraîner tout l'orchestre vers le wipe. Pour que le brouhaha se mue en récital, il faut de la rigueur, une capacité d'apprentissage et une maîtrise parfaite de son personnage, de l'environnement en jeu et surtout une maîtrise de soi. Cette exigence doit se retrouver chez tous les membres du roster.
Embarqués à 20 titulaires et parfois autant de remplaçants, ils se doivent de jouer en cœur parfois pendant plus de deux semaines par amour de la compétition et de World of Warcraft. C'est là toute la beauté du progress.
Lors de la précédente compétition en date, les vainqueurs, Method, ont effectué le combat final très exactement 355 fois avant de réussir le pull victorieux. Un long progress peut parfois compter plus d'un millier de tentatives sur l'ensemble du raid.
Confronté au manque de sommeil, à la frustration, à l'énervement, à la tension ou encore au doute, chaque roster doit garder son calme, prendre les bonnes décisions et avancer de façon méthodique le long de sa partition. Une victoire peut se jouer en une dizaine de minutes. Si, lors du final, aucun joueur ne fait de fausse note, alors le concerto devient un chef-d'œuvre.
C'est dans les dernières notes, après plusieurs centaines d'essais, lorsque chaque roster récite depuis des heures voir des jours la même partition que la pression atteint son paroxysme. A tout moment le calvaire peut, pour un des roster se terminer, propulsant alors cruellement les autres compétiteurs loin de la première marche du podium. La pression alors, pour une vingtaine d'hommes et de femmes, se mue en hurlements de joie, en pleurs de soulagement et en étreintes fraternelles.
Pour cela, Il suffit simplement que les astres s'alignent... et que le meilleur gagne.