Au-delà des blagues sur leur rivalité, les régions occidentales majeures ont construit leur compétition sur deux modes de fonctionnement différents. Si vous avez tout simplement zappé Internet et que vous n'avez absolument rien suivi ce mois-ci, je vous conseille une séance de rattrapage sur cet article qui récapitule tous les transferts du mercato. Car à l’aube de la rentrée des classes, il est temps de faire le point sur les tendances de nos deux régions favorites et les leçons que nous pouvons en tirer.
Du sang neuf pour le LEC
Début janvier, les principales discussions étaient tournées autour de l’avenir de l’Europe. Avec le lancement du LEC et son système de franchises, beaucoup étaient sceptiques sur ce modèle, très américain à la base. Ici, c’était d’une part le modèle économique qui inquiétait, mais surtout la fin de belles histoires. Avec dix équipes garanties et pas de moyen facile pour faire monter de nouvelles structures, le public avait peur de ne plus voir arriver de nouveaux rookies et de ne plus connaître d'autres Shonen stories comme Unicorns of Love dont nous sommes si friands en Europe.
Finalement, lorsqu'on regarde le bilan bientôt un an plus tard, on se rend compte que beaucoup se sont mis le doigt dans l’œil. En plus du crash massif qui a permis à l’équipe LFL de Misfits de prendre la place de l’équipe A durant l’été, on est face à une situation qui, à mes yeux, est sans précédent en Europe. La promotion 2020 du LEC n’accueillera pas moins de dix nouveaux joueurs issus des scènes nationales européennes, et "sah, quel plaisir".
J’en parlais lors de mon précédent article, mais nous sommes vraiment face à l’âge d’or de l’Europe. Si la région a souvent été mise à l’écart, les performances parlent d’elles-mêmes et nous sommes témoins depuis maintenant plusieurs années d’un renouvellement de joueurs constant, le tout soutenu par un écosystème régional qui commence réellement à bien fonctionner.
Si on se met à la place des joueurs professionnels, ce système de franchise peut être perçu comme étant déroutant au départ. Mais je pense qu’avec le recul et quelques années, ce sera finalement le meilleur moyen pour continuer de faire naître de nouveaux talents. À condition, bien entendu, que les joueurs continuent d’être guidés à travers différents paliers compétitifs. Et je suis sûre que tout l’engrenage des “ligues nationales + ligues secondaires” sera propice à cela.
Le fondateur de Vitality Fabien "Neo" Devide expliquait dans une interview récente qu’actuellement en Europe, le but était d’aller chercher une troisième place pour talonner Fnatic et G2. C’est ce que les équipes comptent faire. Que ce soit en allant chercher de nouveaux joueurs pour créer la surprise, ou en créant des équipes avec un potentiel explosif (coucou Fnatic et Schalke 04), une chose est sûre : la saison 2020 en Europe sera é-pi-cée.
Amérique du Nord, l'île des enfants perdus ?
Il est temps de retrousser ses manches et de mettre le doigt sur un problème évident. Les LCS et leur mercato se sont fait lourdement tirer dessus pendant l’intersaison, et ce pour de bonnes raisons. J’en avais parlé pendant le Skell il y a quelques semaines, mais la réflexion qui est le plus souvent ressortie sur les réseaux sociaux met justement l’Europe et l’Amérique du Nord en opposition. Ici, on parle d’un total non-renouvellement de joueurs, et ce alors que les LCS vont entamer leur troisième année franchisée à la rentrée 2020.
Pour 25 joueurs “locaux” nous retrouvons 25 joueurs “importés”, et de nombreux fans américains commencent à baisser les bras. Doublelift, Ovilee, Travis Gafford et de grands noms de divers horizons de la scène nord-américaine ont tiré la sonnette d’alarme au lendemain du Mondial. Mais il semblerait que certaines structures aient encore peur de sauter le pas et faire confiance à de jeunes pousses.
“Est ce qu’on ne manque tout simplement pas de talents en NA ? ”. Question légitime honnêtement, mais statistiquement, le ladder NA est aussi fourni que celui de l’Europe. Est ce que le niveau en soi est aussi bon ? C’est une autre question. Et compte tenu du ping moyen et de ce que j’ai pu entendre en interne, la recherche est certes longue, mais elle n’est pas impossible. Jusqu’ici, Cloud9 a donné l’exemple que peu ont réussi à suivre et je pense que le système compétitif américain est aussi à pointer du doigt pour ça. La région évolue dans le berceau de ce qu’on appelle les “collegiates”, un système sportif universitaire donc les jeunes Américains raffolent. Ces collegiates, qui pourtant existent sur League, agissent complètement en sous-marin alors que ces compétitions devraient être valorisées, par état, pour que des joueurs puissent être révélés.
En tant que francophones par contre, on peut se réjouir, car nous aurons du beau monde à soutenir en Amérique du Nord l’an prochain. Personnellement, je suis toujours triste quand je vois des joueurs Européens quitter la scène, mais quand on regarde à quel point le podium est inaccessible en Europe, leurs raisons sont tout à fait légitimes. J’en parlais avec Jiizuke récemment, et malgré des offres en Europe, la possibilité de faire des résultats est moins difficile quand tu n’as pas un bulldozer comme G2 Esports ou Fnatic pour te taper dessus toutes les semaines. Les joueurs partent en quête d’une nouvelle forme de challenge, et en ce sens, on leur souhaite toute la réussite possible — et puis c’est toujours sympa de taquiner les NA sur le fait que nos joueurs portent leur compétition.
Quoi qu’il en soit, certaines équipes comme Team SoloMid et Evil Geniuses se sont évidemment renforcées, mais on peut se demander jusqu'à quand le recours aux imports sera un pansement suffisant pour que la région garde la tête hors de l’eau.
Pensez-vous que la région NA se détachera des mauvaises habitudes? La clé de l’Europe réside-t-elle dans les ligues nationales ? À l’heure ou je parle, la plupart des transferts ont été faits, mais restez attentifs jusqu’en janvier car d’autres surprises n’ont pas encore été annoncées !