Crédit image : @lolesports
Au lendemain de la finale, je me suis demandée si nous n’avions pas fait un retour en 2015, cette saison 5 où tous les espoirs étaient permis et dont on se souvient comme la plus belle année de l’Europe. Je me suis demandée si nous n'avions pas été aveuglés par les performances des équipes que nous avions suivies toute l’année, si c’était la raison pour laquelle les trois coups de massue à l’AccorHotels Arena avaient semblé aussi abrupts. Je me suis questionnée sur notre rôle de commentateurs, et si nous n’avions pas induit la communauté en erreur pour la faire plonger dans notre déception. La réponse est non. Et peut-être que beaucoup se rappelleront de G2 esports comme étant le Icare de League of Legends en 2019. Mais même si ce jour-là ils se sont brûlé les ailes, eux et le reste de l’Europe ont envoyé un message au monde : l’Europe n’était pas encore prête, mais elle doit être crainte et son heure viendra.
Pendant des années, l’occident a été le faire-valoir de l’Asie, une région plus écrasante chaque année que la précédente. Une domination telle que la réflexion systématique qui commençait à naître dans la tête de chacun à l’approche des rendez-vous internationaux se résumait à se demander : “Quelle équipe coréenne ira s’asseoir sur le toit du monde et comment l’aiderons nous à y parvenir ?”. Pendant des années, l’orient a été le chef d’orchestre d’un League of Legends méthodique et calculé auquel nous ne parvenions pas à trouver une réponse. Mais une chose est certaine, cette frustration face à la réalité était aussi un voile cachant le fait que l’on vise l’excellence. Et c’est surtout parce que l’on a touché ce dernier point du bout des doigts cette année que la chute n’en a été que plus grande.
Est-ce qu’ils en étaient capables ? Oui. Mais Funplus Phoenix était de loin la meilleure équipe ce jour là, et quand on y pense, la Chine et DoinB étaient sur la liste d’attente en tant que seconds de la Corée pendant si longtemps. C’est le rayonnement et la revanche que la LPL attendait et méritait après tant de déceptions au fil des ans.
Cette année, nous avons pris beaucoup de recul sur l’évolution du jeu et ce qui a rythmé ses changements (facile de faire une rétrospective quand on fête un dixième anniversaire me direz-vous).
Inutile de revenir ici sur ce qui a fait le déclin de la Corée depuis deux ans — je le sais, vous le savez, et on en a déjà assez parlé — ou sur les performances de l’Amérique du Nord qui plus que jamais doit se remettre en question sur le renouvellement de ses joueurs (chose dont on parlera plus tard quand j’écrirai sur le mercato, parce qu’au vu des nouvelles et des bruits de couloir, la reconstruction prendra du temps).
Mais tout cela a conduit à un nouvel arc favorable à ce que l’Europe a construit durant des années : un style laissant place à une créativité qui, ayant été punie par le passé, devient ici une force quand elle est couplée à une bonne compréhension et exécution du jeu.
Quand j’en ai parlé à Cabochard durant une interview il y a quelques semaines, il m’expliquait que, selon lui, le jeu a toujours été aussi ouvert, et que c’est une complaisance ou tout simplement une peur des joueurs qui les empêchait à sortir des schémas établis. Doit-on comprendre qu’on en a toujours été capables ? Je pense que oui et si on y réfléchit un peu plus, c’est quelque chose que l’on a toujours eu. Cela a pu se traduire par les fameux “niveau 1” ou “bush strat “ de Fnatic, les champions exotiques de toplaners comme sOAZ ou Vizicsacsi, ou même Cabochard qui en parlait lui-même. On peut aussi citer la créativité de nos duolanes avec des joueurs comme Perkz ou même Rekkles, qui avec un Garen/Yuumi absolument infect a tout de même réussi à réinventer le rôle connu comme étant le moins flexible de League of Legends.
Si nous devions remercier le jeu pour ce qu’il nous a offert, je dirais merci à la méta funnel qui, l’an dernier, a été l’élément déclencheur et a permis que l’on approche de l’apogée du style européen aujourd’hui. Et nous savons tous à quel point ce style a été abusé et détesté dans ses derniers instants.
Beaucoup de choses vont changer l’an prochain. Les équipes vont énormément bouger. La LCK doit se reconstruire et arrive aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle ère. À la croisée de ce que les vétérans de la dynastie coréenne peuvent encore offrir, et ce que la nouvelle génération parviendra à sublimer. L’Amérique du Nord doit plus que jamais tirer la sonnette d’alarme et commencer à préparer la relève. Ovilee en parlait durant le mondial, Doublelift qui a encore une fois connu la défaite l’a mentionné aussi. Mais c’est une reconstruction qui prendra du temps et demandera une nouvelle vision pour faire naître des talents. La LPL, quant à elle, vit ses plus belles heures et ne fera que grandir.
La pré-saison annonce un jeu complètement différent lui aussi, et il est difficile de dire si le League of Legends 2020 sera favorable à l’Europe ou non pour l’instant. Mais une chose est certaine, les performances de notre région n’étaient pas dues au hasard, et 2019 était le boost de confiance dont nous avions sûrement besoin pour évoluer par la suite (et aussi parce que trébucher est le meilleur moyen de se surpasser par la suite...difficile, mais vrai).
Finalement, ce qui compte le plus quand on veut gravir la plus haute marche, ce n’est pas d’en sauter le plus possible, c’est de trouver le meilleur moyen d’anticiper les étapes. Si, sur le chemin, on peut en brûler quelques unes, c’est du bonus. Cette année, G2 esports et le reste de l’Europe ont fait ce que certains pensaient encore impossible, et si beaucoup les voyaient déjà gagnants, c’est aussi pour ce qu’ils ont été capables de montrer cette année.
L’avenir est troublé mais peut-être rayonnant pour l’Europe, et c’est une page de notre histoire que j’ai hâte de lire à l’aube de la dixième saison.