Ce Lundi 15 octobre était diffusé sur TMC Warcraft : Le Commencement, le célèbre film sorti le 25 Mai 2016 que nombre de joueurs de World of Warcraft : Battle for Azeroth connaissent.
Entre le IXème avant Jésus Christ et le VIème siècle après Jésus Christ est né le terme πολεμιστής (polemistés) afin de désigner les personnes ayant fait de la guerre leur métier, les militaires en somme. De nos jours, on entend surtout parler du terme polémiste désignant un écrivain ou un journaliste s'accaparant un sujet subjectivement afin de le ridiculiser, le plus souvent de façon très virulente, dans le but de démontrer l'anormalité supposée de la situation évoquée.
De nos jours, la télévision et les journaux en ligne ont grandement banalisé ce type de pratique ; mais le public n'est plus soumis à la seule idée de l'intervenant, l'avènement d'internet ayant grandement revu à la hausse sa capacité d'analyse et de recherche d'informations, il est donc bien difficile de se soumettre à ce type d'exercice sans se heurter à de vives critiques de la part des lecteurs ou des téléspectateurs.
Addiction aux jeux-vidéo : mythe ou réalité ?
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), il est reconnu depuis plusieurs mois maintenant que l'addiction aux jeux-vidéo est une pathologie psychologique à part entière ayant sa place dans la Classification internationale des maladies (CIM). Alors qu'à son annonce, cette nouvelle avait fait débat au sein de la communauté des joueurs, en réalité ce diagnostic doit s'étaler sur une période d'au minimum une année durant laquelle les facteurs à risques devaient s'exprimer clairement sans quoi le joueur ne serait pas désigné comme addict.
L’invocation de la position de l’OMS sur l’addiction aux jeux-vidéo fait ici figure d’argument d’autorité pour convaincre le lecteur que "C’est du sérieux". Or, outre qu’elle n’est qu’indicative, cette classification de l’OMS fait encore l’objet d’un vif débat nullement tranché parmi les psychologues.
Personne ne stigmatise donc les joueurs de jeux-vidéo, et surtout pas l'Organisation Mondiale de la Santé dont le but est à priori préventif plus que stigmatique. Personne, oui mais...
Journalisme, joueurs et MMORPG
À l'ère du meme, le célèbre "MEUPORG" étouffé de Nathanel de Rincquesen est désormais bien connu de par l'immense polémique qu'avait créé ce journaliste il y a quelques années alors qu'il évoquait l'addiction aux jeux-vidéo. Pour les plus irréductibles, voici l'extrait en question :
Après avoir malheureusement subi les affres du traitement d'un sujet qu'il ne connaissait pas, ce journaliste est devenu un meme et l'étendard de ce que la communauté des joueurs exècre : la désinformation. Oui, car l'idée sous-jacente retenue par la communauté lors de telles interventions est la stigmatisation : un prétendu fait est souligné par une personne n'ayant pas les connaissances requises pour le sujet en question, cette dernière englobant ainsi l'ensemble des joueurs dans ce qui concerne en réalité une infime minorité d'entre eux (qui ne mérite par ailleurs pas elle non plus d'être stigmatisée).
D'autres exemples bien plus récents ont fait polémique, tel que l'interview de Squeezie par Ardisson dans Salut Les Terriens en Novembre 2017. Il avait suscité un grand élan de solidarité de la part de la communauté des joueurs auprès de Squeezie, y compris ceux ne l'appréciant guère.
Malgré tout, certains journaux s'adonnent toujours à ce genre de pratique. C'est aujourd'hui le cas de Télé Star ayant publié ce Lundi 15 octobre, une heure avant la diffusion de Warcraft : Le Commencement, un article intitulé "Warcraft : Le Commencement, TMC : les drogués de WoW". Certes, le titre est taquin, aguicheur pour les plus susceptibles, et alors que l'on pourrait penser à une mauvaise blague de la part du journaliste, il n'en est rien.
L'auteur, Paul Guermonprez, sous-entend que notre jeu-vidéo favori, World of Warcraft, aurait rendu plusieurs centaines de milliers de joueurs dépendants à cause de ses "14 grades différents", en référence aux 14 grades PvP qui pouvaient être obtenus jusqu'à The Burning Crusade. En effet, à l'époque manquer plusieurs jours de farm de points d'honneur vous rétrogradait, mais... C'était il y a plus de 10 ans. Aujourd'hui, le PvP n'est plus aussi pratiqué qu'autrefois et le jeu est bien moins exigeant qu'il n'a pu l'être à ses débuts.
Il tente également de justifier sa position en utilisant les termes de Hikikomori et de No life. Malheureusement, le Hikikomori désigne au Japon une rupture sociale, certes, mais certainement pas liée uniquement aux joueurs de World of Warcraft, il s'étend à toute forme de rupture sociale totale dont le trauma familial, l'accident ou la maladie peuvent en être la cause, parmi bien d'autres.
De la même façon, le journaliste sous-entend que ce farming intensif créerait des troubles comportementaux chez certains joueurs, faisant un parallèle très maladroit avec l'addiction à la cocaïne et aux jeux d'argent, citant notamment l'appauvrissement de la vie affective, relationnelle et intellectuelle.
Il apparaît comme évident que cet article n'est rien de plus qu'une pétition de principe : un raisonnement fallacieux – connu aussi sous le nom de sophisme – assez fréquent. Il consiste à faire une démonstration qui contient déjà la confirmation de la conclusion.
La fin de l'article propose, elle aussi, une généralisation abusive : "*À* l'automne 2005, deux joueurs français de WoW âgés d'une vingtaine d'années avaient été admis en hôpital psychiatrique. L'un d'eux n'était pas sorti de sa chambre depuis trois semaines."
Cet exemple, qui sert d’illustration assez forte, appuie ici le propos de l’auteur. Mais il y a un problème : un exemple comme celui-ci ne représente que lui-même et est présenté sans le moindre contexte. Existe-t-il des problèmes familiaux, scolaires ou autres antérieurs ? Aucune idée. Reste enfin les chiffres mentionnés en fin d’article. Si dans l’absolu l’absence de lien vers ces données est un peu regrettable mais secondaire, c’est surtout l’absence de précision du contexte qui pose problème. Quelle est la taille des échantillons ? Ces chiffres sont-ils confirmés par d’autres études ou non ? Et surtout, est-ce bien World of Warcraft la cause ou une conséquence d’un ou plusieurs problèmes antérieurs une fois de plus ? Pour l’auteur, le coupable est tout trouvé, sans pour autant nous donner plus d’explications.
Enfin, Melody du site Mamytwink a relevé un fait plutôt amusant : l'article paru sur TéléStar serait en réalité une pâle copie d'un article paru entre 2006 et 2008 sur Magic-Ville dont toutes les nuances ont été supprimées afin d'aller dans le sens de son auteur. On comprend mieux les exemples datant de Vanilla complètement incohérents avec la réalité actuelle du jeu.
Les joueurs, vous, nous, savons que derrière un avatar peut se cacher une mère de famille, un étudiant, un sexagénaire retraité ou même une personnalité telle que Robin Williams (un mémorial lui est d'ailleurs dédié en jeu) ou Alexandre Astier.
Oui, World of Warcraft est à consommer avec modération, mais ce jeu ne se limite pas à de vagues clichés à l'égard de ses joueurs. Les rencontres merveilleuses, les éclats de rires, les wipes dans la douleur et les innombrables soirées passées tous ensemble sont vecteurs de bien trop de belles choses pour être passées sous silence ; World of Warcraft, c'est avant tout un outil pour rire, rencontrer, apprendre et aimer.
Par Laerezh, Tyler et J.B.