A la lecture de vos orientations d'investissement vous stipulez, "L’amélioration de l’expérience spectateur", "La monétisation des audiences" et "L’optimisation des conditions de jeu", des choix qui semblent laisser de côté d'autres secteurs tels que les clubs esports ou encore l'édition de jeux vidéo ? Pourquoi ces 3 domaines et pas d'autres?
Investir dans des jeux requiert une expertise très particulière. Et d’ailleurs très peu de fonds financent des jeux, c’est plutôt le métier d’un éditeur. Investir dans des clubs coute très cher, en moyenne 15M€ aujourd’hui en Europe et le double aux US. Il faut être cohérent avec ses moyens et ses compétences.
Nos choix doivent s’orienter vers l’avenir, répondre à des besoins, anticiper l’évolution du marché. Quand vous investissez, c’est pour créer de la valeur sur 5 à 7 ans. Et ces trois domaines me semblent couvrir la majorité des futurs sujets de l’Esport. Comment élargir les audiences ou faire comprendre à des non-joueurs les émotions de l’Esport ? C’est le sujet de l’expérience spectateur. Comment rendre cette économie plus juste avec des plateformes ou des services qui permettent aux clubs, aux organisateurs, aux joueurs de créer des revenus pérennes indépendamment des jeux ? C’est le sujet de la monétisation des audiences. Comment développer l’Esport online quand vous pouvez cheater, gagner grâce à votre meilleure connexion, ou jouer avec le compte de quelqu’un d’autre ? C’est le sujet des conditions de jeu. Pour ces trois domaines, il y a des dizaines solutions à inventer, plutôt technologiques, qui trouveront j’en suis certain leurs modèles économiques parce qu’elles sont nécessaires.
20 millions d'euros c'est un bel objectif, vous citez notamment Fimalac (maison mère de Webedia et de Millenium, NDLR) comme investisseur principal à hauteur de 50% avec 10 millions d'euros. Cela veut-il dire que Fimalac dirigera le fonds et ses décisions à hauteur de 50% des voix ?
Non, le principe d’un fonds est de dissocier la gestion, des investisseurs et d’abord pour des raisons de responsabilité légale ; exactement comme dans une entreprise. De plus, dans un fonds, les souscripteurs vous font précisément confiance pour trouver les meilleures opportunités d’investissement et ensuite les faire grandir. Si demain vous souhaitez investir dans le médical, ou dans les énergies renouvelables, vous serez bien avisés de vous appuyer sur des équipes qui connaissent ces secteurs et qui en ont une vision à 10 ans. Si vous commencez à décider à leur place, c’est que vous n’avez pas besoin d’eux.
Je m’applique depuis des années le conseil de Steve Jobs: « cela n'a pas de sens d'embaucher des gens intelligents et de leur dire ensuite quoi faire ; nous embauchons des gens intelligents pour qu'ils puissent nous dire quoi faire ». J’espère que c’est dans cet esprit que Fimalac me fait confiance.
Pour terminer, Fimalac n’est pas seul, j’investis aussi personnellement, et d’autres partenaires complètent le tour de table. Nous nous apportons tous beaucoup mutuellement, et faisons preuve de pédagogie les uns avec les autres. J’ai pour ma part beaucoup à apprendre.
Vous vous fixez un objectif de 10 à 12 entreprises, quel est du coup le processus pour attirer votre attention ? À quoi ressemble la candidature idéale ?
J’ai déjà travaillé sur 70 dossiers, et nous visons un rythme de 200 projets étudiés par an. Sur ces 200, nous rentrerons dans 3 ou 4 seulement, notamment pour avoir du temps à y consacrer une fois l’investissement réalisé. J’ai la chance d’avoir un réseau de contacts internationaux, de conseiller des grands événements pro, je fais beaucoup de veille. Nous réfléchissons aussi à l’organisation de concours pour créer des moments forts dans l’année sur des thèmes précis. Le processus est assez simple : nous avons un canal de présentation des dossiers sur pro.trust-esport.com. Je réponds à tous. S’il y a un intérêt nous commençons par des échanges skype/hangouts avec les fondateurs, en général 2 fois 1 heure. Puis nous nous rencontrons IRL, et là nous travaillons ensemble – test des produits/services, mise à l’épreuve du business plan… La candidature idéale : un duo mixte de fondateurs Tech+Sales, une idée unique et simple transformable en produit ou service, une vision long terme. Nous pourrons aussi bien investir dans des projets portés par des étudiants sans expérience, que dans des entreprises montées par des vétérans du secteur.
Avez-vous déjà repéré des projets d'intérêt ? Pourriez-vous nous en dire 3 mots ?
J’aurais adoré participer aux levées de fonds de Genvid ou Maestro, ou Haste, trois entreprises qui correspondent parfaitement à notre cible avec des super produits. Mais je ne peux pas répondre plus précisément à ce stade pour les projets en cours. C’est à la fois confidentiel et je ne voudrais pas créer de fausses joies à des entrepreneurs avec lesquels ce n’est pas bouclé.
À titre personnel monsieur Dallon, vous étiez jusqu'à il y a peu encore l'un des acteurs et créateur principal de l'ESWC (propriété du groupe Webedia depuis fin 2016, NDLR), vous êtes aujourd'hui à la tête de ce nouveau fonds d'investissement, avez-vous d'autres projets en cours ?
L’ESWC et Toornament sont dirigés depuis plus de 2 ans par des équipes propres, qui font un travail remarquable. J’ai eu la chance de travailler un peu sur la stratégie Esports du groupe pendant un an, puis j’ai travaillé quasiment 1 an sur la structuration de ce fonds. Je vais m’appliquer à moi-même ce que je recherche dans les projets : du focus. Le seul sujet ouvert est la création d’un deuxième fonds à 3 ans, plus doté, ouvert peut-être à l’investissement dans des jeux, des stades esports, ou des clubs pros quand les modèles économiques seront plus clairs.