Where The Water Tastes Like Wine est un jeu vidéo narratif qui nous plonge au coeur du folklore américain à travers un road trip nous amenant à rencontrer moultes figures sur notre route et à découvrir tout plein de petites histoires. Ce titre hors norme, qui a obtenu le prix de l'originalité à la Gamescom 2017, est édité par Good Shepherd Entertainment, spécialisé dans les jeux vidéos conçus par des artistes indépendants à travers sa plateforme d'investissement participatif établie depuis 2011 aux Pays-Bas sous le nom initial de Gambitious BV (jusqu'en 2017) et rejoint notamment par Devolver Digital et Croteam dès 2012. Le premier jeu à succès a avoir été édité est Train Fever en 2014, et depuis, beaucoup ont suivis.
Aujourd'hui, ce sont les studios indépendants Dim Bulb Games (créé par Johnnemann Nordhagen, le papa de Gone Home), dont c'est le premier projet, et Serenity Forge, à la recherche d'expériences intéractives originales, de bénéficier de cet investissement participatif pour Where The Water Tastes Like Wine sorti sur Steam le 28 février 2018 pour PC (Windows ou Linux) et Mac pour 19,99 €. De plus, une Special « Wayfarer » Edition (édition spéciale du voyageur), comprenant un exemplaire numérique de la bande-originale composée par Ryan Ike et un artbook numérique, est également proposée au prix de 29,98 €. Et récemment, Good Shepherd Entertainment a annoncé sa collaboration avec le chanteur-auteur-compositeur et acteur Sting, ancien leader de The Police, pour le doublage. De quoi mettre la lumière sur leur jeu. Alors c'est parti pour un voyage dans les contes et la musique folk des États-Unis.
- Genre : road trip narratif
- Date de sortie : 28 février 2018
- Plateforme : PC et Mac (Steam)
- Développeur : Dim Bulb Games et Serenity Forge
- Éditeur : Good Shepherd Entertainment
- Prix : 19,99 € (29,98 € pour la Special "Wayfarer" Edition) en promotion à 16,99 € (et 22,93 €) sur Steam jusqu'au 7 mars 2018
Dis, tu me racontes une histoire ?
Le jeu commence alors que vous arrivez d'un long voyage dans une baraque en bois où se tient une partie de poker dans une pièce plongée dans l'obscurité. Vous prenez place à la table et vous découvrez rapidement que les autres joueurs ne sont pas très bons, hormis l'homme en gris assis en face de vous. Rapidement, tous se font éliminés et vous vous finissez en tête à tête avec l'homme en gris. Pour la dernière partie, vous vous retrouvez avec une quinte flush royale à pic, une main imbattable. Mais l'homme en gris fait tapis et vous n'avez pas de quoi suivre. Vous vous résignez donc à vous coucher jusqu'à ce que l'homme en gris vous propose de miser votre parole que vous rembourserez, si besoin, selon sa volonté. Sans hésiter, vous signez le pacte avec votre sang mais la quinte que vous aviez en main se trouve dans celle de l'homme en gris et en lieu et place de votre jeu vous retrouvez des cartes de tarot divinatoire. L'homme en gris craque alors une allumette et vous découvrez alors un homme avec une tête de loup.
Celui-ci vous explique que les États-Unis se sont construits avec les histoires, qu'ils ne sont qu'une grande histoire composée de nombreuses petites histoires. Et si quelques unes des plus petites peuvent s'avérer exactes, les plus grosses ne sont que des mensonges. Les histoires, les chansons, les mythes, les légendes commencent avec une petite graine puis, au fur et à mesure qu'elle se propage, cette petite graine donne naissance aux histoires que nous connaissons. Et pour rembourser votre dette, le loup vous demande de trouver ces graines et de propager ces petites histoires jusqu'à ce qu'elles prennent de l'ampleur et deviennent incroyables à force d'être racontées. Cela les ternit probablement, mais ne vaut-il pas mieux une sombre vérité qu'un brillant mensonge ?
Le loup pourra vous en apprendre plus sur les 16 cartes du tarot divinatoire, mais pour l'instant vous ne disposez que des 5 qui se trouvent dans votre main : 3 de batons (voyage), Justice (moralité), Le Monde , La Roue de la Fortune (chance) et La Tour (changement). Son propos restent toutefois très énigmatiques. Quoi qu'il en soit, il semble vous envier car vous allez pouvoir trouver ce que tout le monde cherche : aller là où même l'eau a le goût du vin. Il est maintenant temps de prendre votre baluchon et de partir vagabonder sur les routes à travers tous les États-Unis avec en poche uniquement des dés en ivoire pipés pour ne faire que des doubles un.
Votre aventure commence sur la côte est, dans le Maine, près de la frontière avec le Canada, et vous aller devoir partir à la recherche d'une histoire. La première que vous croiserez se déroule dans un bungalow mis à sac avec tout le mobilier à l'exérieur et des munitions en tas sous la boite aux lettres alors qu'une foule d'hommes en tenue soignée démembrent une voiture dans l'allée. Deux femmes armées et maculées de boue vous réclament alors une cigarette. En refusant (vous pourriez aussi accepter), vous déclencherez leur mécontentement et l'une d'entre elles pointera son fusil sur vous avant de crier "Pan". Elles se feront alors arrêter pour braconnage. Des histoires comme celle-là vous devrez en recueillir beaucoup sur votre route, dans une ruelle, dans le hall venteux d'une gare, au fond d'un dinner miteux ou à l'abris derrière une station service, afin de mieux les raconter ensuite au coin du feu aux 16 personnages qui errent eux-aussi sur les routes, comme le jeune clochard Quinn et ses deux chiens Cass et Flip, ou Mason, le vétéran de la Grande Guerre, et bien d'autres encore. Ces échanges d'histoires vous permettront de gagner leur confiance et de faire connaissance mais aussi de propager vos histoires que vous recroiserez un peu plus loin déformées, enjolivées, tel que vous l'avait anoncé le loup. C'est votre mission après tout et c'est ça l'Amérique.
Tu peux me dessiner un engoulevent ?
On se retrouve ainsi avec notre personnage dessiné un peu en bâton, tout en noir, le baluchon sur l'épaule, à devoir se déplacer sur une carte en 3D où l'on croise des routes où sillonnent des voitures, des ponts pour traverser les fleuves, des montagnes, des habitations de ci de là, les principales villes des États-Unis, les frontières séparant les États avec leur nom écrit au sol… Notre personnage n'est bien entendu pas du tout à l'échelle, tout comme les voitures ou autres éléments du décor. Tout est dessiné à la main. C'est simple mais plutôt bien fait. Un cycle jour-nuit est même incorporé et apporte son petit plus.
A cela il faut rajouter toutes les interractions que l'on va avoir avec les éléments du décors : visiter les villes, fouiller pour trouver des histoires, camper près du feu avec un personnage pour partager celles-ci, écouter un peu plus loin des histoires pour voir comment celles que l'on connaît ont évolulées, monter dans un train à partir d'un dépôt ferroviaire ou d'une gare… À chaque fois cela débouche sur une belle illustation faite main en 2D par Kellan Jett et Serenity Forge, parfois sujette à quelques animations très succintes, accompagnée d'un texte lu par l'un des nombreux conteurs ayant participé au doublage du jeu.
Parmi ceux-ci, on retrouve bien sûr Sting qui fait la voix du loup mais aussi de beaucoup d'acteurs ayant déjà travaillé sur d'autres jeux vidéos, comme par exemple Dave Fennoy (The Walking Dead : A Telltale Game Series), Cissy Jones (Firewatch), Kimberly Brooks (Mass Effect), Sarah Elmaleh (Gone Home), Melissa Hutchinson (The Walking Dead : A Telltale Game Series), Elisabeth Maxwell (The Legend of Zelda : Breath of the Wild)… Les voix sont donc bien entendu en anglais et, vu la qualité du travail effectué à ce niveau, il aurait été dommage de les dénaturer avec une localisation hative. Les textes, en revanche, sont entièrement traduits en français, même si l'on a pu noter quelques oublis de traduction parfois. Curieusement, même dans ces situations, les réponses proposées étaient, elles, bien en français. Et au niveau de la bande sonore, il n'y a pas que les voix qui doivent être acclamées, les musiques et autres chansons issues du folklore américain et arrangées par le compositeur Ryan Ike sont également à saluer. Celles-ci cherchent d'ailleurs à être de circonstance avec l'État que vous êtes en train de visiter.
Sur le plan technique, le jeu est relativement simple et fonctionne donc sans soucis. Pour ce qui est de l'immersion, on suit toutefois cela de loin, un peu comme un spectateur. Il faut dire que l'on n'a pas grand chose à faire, il s'agit surtout de lire et/ou écouter les nombreuses histoires et leurs déclinaisons que l'on va retrouver au cours de notre périple à travers les 48 États américains. Impossible toutefois de sortir des États-Unis pour se rendre, par exemple, au Canada. Les histoires se partagent oralement, et l'on déplace notre personnage sur la carte d'une histoire à une autre, partant à la rencontre de tous les vagabonds ou autres marginaux en tous genres que l'on pourra trouver. On découvre ainsi un siècle d'histoire américaine à travers une vision tantôt nostalgique du monde, tantôt désespérée ou au contraire pleine d'espoir, faite de tous ces petits riens qui font le grand tout. On sera même parfois confronté à des situations plus étranges, voire surnaturelles, comme des fantômes ou encore cet engoulevent, oiseau crépusculaire et nocturne, que l'on croisera à plusieurs reprises et qui viendra nous donner des conseils avant de disparaître à nouveau.
Il y a bien quelques variantes. On trouvera par exemple parfois des lieux où l'on pourra se faire un peu d'argent ou prendre un peu de repos. Attention toutefois à rester méfiant car on peut aussi se faire voler son argent si l'on est trop confiant. Mais tout cela se passe comme pour les histoires à travers un dessin auréolé d'un texte lu à haute voix. On peut aussi se déplacer un peu plus vite grâce au "jeu du sifflet" qui nous demande de reproduire les notes indiquées avec les flèches de direction (haut, bas, gauche, droite), ou encore faire du stop (les voitures ne se déplacent toutefois que dans un sens). Il y a également les dépôts ferroviaires, ainsi que les villes à visiter, mais le principe reste grossièrement le même. Et puis il y a les 16 personnages du jeu à qui l'on devra raconter nos histoires et qui en retour nous en diront un peu plus sur eux, toujours sous forme textuelle lue sur fond d'illustration en 2D.
Cela peut donc s'avérer assez répétitif, d'autant que les histoires n'ont aucun lien les unes avec les autres. Ce sont juste de petites tranches de vie disséminées sur la grande carte. Au début cela est assez désorientant, on se demande bien où tout cela va nous mener et à quoi cela rime. Et puis, petit à petit, on se laisse happer par ce grand mouvement de la vie et on avance ainsi sans vraiment s'en rendre compte avec toujours plus d'envie d'aller plus loin. Il se pourrait bien que le loup nous ait envouté et que l'on soit possédé par lui, à moins que ce ne soit par l'Amérique elle-même.
Et tu veux bien me chanter une chanson au coin du feu ?
L'essentiel du jeu va donc tourner autour des histoires que l'on va découvrir. On nous demande parfois d'intervenir pour faire un choix, ce qui aura des conséquences sur le dénouement. Il est important ici de se construire un panel assez varié d'histoires (drôles, tristes, effrayantes…) afin de pouvoir répondre par la suite aux demandes des personnages qui nous réclameront un type d'histoire particulier. Et chaque histoire est associée à une carte de tarot symbolisée par son icone dans le déroulement de l'histoire. On retrouvera ensuite toutes les histoires collectées dans notre inventaire autour des 16 cartes de tarot. En cliquant sur l'une d'entre elles, les histoires actives correspondantes s'afficheront. Au total, ce sont 219 histoires qui vous attendent, sans parler de leurs évolutions liées à leur transmission de bouche à oreille.
En se promenant, on aura l'occasion d'écouter des gens raconter des histoires que l'on aura déjà croisé par le passé. Mais celles-ci ne seront jamais identiques, elles auront été enjolivées, exagérées au gré des désidératats de chacun. Dès lors, ce sont ces nouvelles versions déformées que nous auront à notre disposition et non plus l'histoire originale. On verra d'ailleurs l'oeil qui les surplombe s'ouvrir à chaque fois un peu plus. L'histoire des femmes arrêtées pour contrebande deviendra ainsi celle de la fusillade avec la police, l'histoire des mouettes observées chaque année par le pêcheur se transformera en celle des mouettes immortelles, l'histoire de la femme élégante dans la petite ville évoluera en celle de la morte au ruban jaune, et ainsi de suite. Au fond, l'histoire reste toujours la même mais son contenu s'étoffe sans cesse.
Au bout d'un moment, il se peut qu'un petit signe en forme de triple Z apparaisse au-dessus de votre tête, il est alors temps de se reposer auprès d'une bonne âme tel que ce pasteur qui nous offre l'hospitalité dans son église. À défaut, on pourra toujours se rendre dans le magasin d'une ville pour acheter une boisson revitalisante (bière Root, thé glacé, soda à la glace…), mais cela nécessitera de l'argent, ce que l'on ne possède pas forcément. Qu'à cela ne tienne, dans les villes il y a toujours moyen de trouver un petit boulot ou de taper la manche. On peut aussi simplement explorer la ville et découvrir au passage une nouvelle histoire. Enfin, on peut se rendre à la gare qui nous permettra de rallier en train une autre ville contre quelques uns de nos deniers.
Faute d'argent ou de ville à proximité, on peut se rendre dans les dépôts ferroviaire pour voyager clandestinement à bord des trains. Cela est un bon moyen de découvrir encore d'autres histoires auprès des compagnons de voyage que l'on ne manquera pas d'avoir. Mais attention à la police qui pourrait nous attraper lors de notre arrivée. Et ce que l'on peut dire est que la police n'est pas tendre avec les voyageurs clandestins sans le sou puisqu'elle peut littéralement vous tabasser à mort.
Fort heureusement la mort n'est pas ici définitive. "Ca arrive à tout le monde" nous dira d'ailleurs le loup que l'on retrouvera alors. En revenant à la vie, on aura alors un petit coeur qui scintillera au-dessus de la tête et qu'il faudra remplir en se rendant dans le magasin d'une ville pour acheter de quoi manger (bagel frais, part de pizza, crabe bleue à la vapeur, oeufs brouillés…). La mort n'est d'ailleurs pas si male puisque c'est l'occasion d'en apprendre un peu plus auprès du loup sur les cartes que l'on a débloqué en recueillant des histoires, même si ses propos restent toujours très énigmatiques.
Pour le reste, on se comportera avec le loup comme avec les autres personnages (Althea la chanteuse de blues, Jimmy le prêcheur, August le marin, Roy le cowboy, Rose la hippie, Rocio le travailleur immigré…) qui nous réclament des histoires d'une certaine catégorie (triste, drôle, pleine d'espoir, effrayante…) que l'on ira puiser parmi celles que l'on a préalablement recueillies. Si l'histoire que l'on choisit lui plaît, l'oeil symbolique qui se trouve en haut de l'écran s'ouvrira progressivement jusqu'à être entièrement ouvert. Dans ce cas, cela signifie que l'on a gagné la confiance du personnage qui se livrera ainsi davantage à nous la prochaine fois qu'on le croisera.
Mais attention, on n'a le droit à chaque fois qu'à une seule histoire par carte de tarot (donc par catégorie) et l'on ne pourra pas la réutiliser lors des prochaines rencontres car chaque personnage se souvient de ce qu'on lui a précédemment raconté. Hormis le loup, les personnages campent près d'un feu de camp où on les rejoint pour échanger des histoires jusqu'à la levée du jour. Pour chaque histoire racontée (5 à chaque rencontre), il se dévoilera à nous en nous narrant un évènement de sa vie en lien avec le thème de la carte (l'amour, le voyage, la mort…). Avant de se séparer, il nous indique systématiquement où il se rend et où l'on pourra donc le retrouver, ce que l'on peut voir sur la mini-carte.
En fin de compte, Where the Water Tastes Like Wine, qui peut parraître un peu obscur au premier abord, s'avère plutôt plaisant pour ceux qui voudront bien se donner la peine de se laisser emporter par la vague à la fois de mélancolie et d'espoir qui se dégage du titre, avec ce sentiment de liberté du voyageur solitaire sillonant l'imensité du territoire américain.
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