D'un simple jeu, League of Legends aura su évoluer en un véritable sport électronique. Et durant cette transformation, les employés de Riot Games ne seront pas les seuls à avoir dû s'adapter. Les joueurs et les équipes, eux aussi, auront adopté de nombreux changements. Revenons donc sur ces différentes avancées et penchons-nous sur les domaines qui pèchent encore.
À l'aube de la légende
En 2009, tout commence. Riot Games sort son premier jeu : League of Legends. Pendant plus d'une année, celui-ci commencera à attirer ses premiers fans. Les joueurs se mettront à assimiler le titre : ses mécaniques, ses stratégies, ses possibilités. Certains escaladeront le ladder et se regrouperont en équipe. Mais c'est en 2010 qu'arriveront les premières équipes « professionnelles ».
aAa, Fnatic, etc. Tous ces noms commenceront à se faire connaître via les différents tournois. Et là, les choses deviennent sérieuses. Ici, les joueurs ne sont plus ensemble simplement pour s'amuser ou s'améliorer. Il y a un véritable objectif derrière : gagner. Les sociétés mettent la main à la patte pour avoir la meilleure formation possible et les joueurs se transforment en un véritable investissement. Mais qui dit investissement, dit également rentabilité ! Car c'est la base d'une entreprise et le mécénat n'y a que peu de place.
D'un côté, il y aura les sponsors. Des noms et logos mis sur les maillots afin de promouvoir des produits. Et de l'autre, on verra l'apparition des managers. Des managers, mais qu'est-ce que c'est ? Hé bien, leur rôle est basique : s'assurer du bon fonctionnement de l'équipe. Ils doivent gérer les problèmes collectifs et individuels, faire transiter les différents besoins, etc. Parfois, ils endosseront même la casquette d'un coach. Néanmoins, ils n'en seront jamais un et pour la plupart, ils ne s'impliqueront pas en détail dans les stratégies ou les entraînements. En plus de cela, d'autres services venant parfaire ce système seront à la disposition des joueurs en fonction de leur structure, par exemple des conseils juridiques, etc.
L'équipe Fnatic lors de la saison 1
L'heure du changement
Pendant quelques années, aucun réel changement ne se fera sentir. League of Legends se développera, bien entendu, mais les équipes miseront surtout sur leur roster. Une décision logique : à l'époque, le jeu se base surtout sur les mécaniques individuelles de chacun. La compréhension du jeu, le choix des champions, les décisions, tout cela était secondaire. Et il y avait des raisons à cela ! D'une part, le jeu était moins dense, les champions moins nombreux, etc. Mais d'autre part, le snowball était plus efficace et plus rapide.
Pourtant, durant la troisième saison, les choses ont commencé à changer : les stratégies commenceront à devenir de plus en plus importantes. Néanmoins, c'est en saison 4 que tout se concrétisera en occident : les coachs et les analystes arrivent. En Europe, on verra notamment l'arrivée d'Aranae, puis de Toyz en tant que coach temporaire chez Fnatic. Finalement, l'année suivante, Riot les officialise. Leur statut est reconnu, ceux-ci peuvent participer à la phase de draft et ils ont même leur propre récompense à la fin du split. Ainsi, on verra l'arrivée de Deilor chez Fnatic, Prolly pour H2K, YamatoCannon pour ROCCAT et bien d'autres. Leur impact commence donc à être accepté. Ce sont eux qui permettent aux joueurs d'être bien préparés pour un match. Les coachs accompagneront les joueurs durant leurs entraînements, ils réfléchiront aux stratégies, ils examineront les différents picks et bans, ils regarderont les lacunes individuelles ou en équipe des joueurs pour y remédier...
Pour ça, ils seront aidés des analystes. Ces hommes de l'ombre, souvent oubliés, sont pourtant essentiels au collectif. Ils sont chargés de collecter les informations sur les parties, sur les patchs, sur les équipes. Quels sont les points faibles à exploiter ? Quelles erreurs ont été commises ? Comment l'équipe adverse joue-t-elle ? Qu'est-ce qui est important sur la nouvelle méta ? Autant de questions auxquels ils doivent répondre. Et elles sont importantes, car ce sont elles qui donnent les informations nécessaires au coach et aux joueurs pour composer une bonne stratégie.
Mais la décision de Riot n'est pas la seule raison ayant motivé les différentes équipes à engager des coachs et analystes. Le développement de l'esport et de League of Legends aura joué un rôle clé dans tout cela. Cela aura permis aux formations d'être plus rentables et donc, de dépenser plus pour assurer leur capital.
Prolly, coach des H2K depuis deux saisons maintenant
Le miroir de soi
Néanmoins, l'année 2015 fut aussi le théâtre d'un autre changement. Plus discret, il n'en est pas moins important ! Peut-être avez-vous remarqué la façon dont TSM a annoncé ses nouveaux joueurs ? Ou alors, peut-être avez-vous suivi les « inside » filmés par Fnatic ? Tout cela démontre une chose : les équipes commencent à s’intéresser à leur image !
Cela se voit d'ailleurs sous différentes formes. Si l'on excepte les chaînes YouTube avec les teasers, les réseaux sociaux sont aussi des environnements surveillés. Certaines équipes font attention à ce que leurs joueurs communiquent par le biais de ces médias. Il regarde également à la façon dont les choses sont dites. S'il y a des problèmes internes pour certaines équipes, cela ne doit pas se faire ressentir. Les fans ne doivent pas le savoir. C'est, encore une fois, le cas de Fnatic. Lorsque Rekkles est à son tour devenu le capitaine de l'équipe, ses partages sur les réseaux sociaux ont changé. Il a ainsi repris le flambeau de YellOwStaR en laissant un message après chaque match. De même, il félicite toujours l'équipe adverse. Mais cela n'est pas encore appliqué par tout le monde. Origen, par exemple, a souvent tendance à s'emballer sur Twitter ou sur Facebook.
Aujourd'hui, on n'a pas tous de droits
Pourtant, malgré quelques avancées, les formations ne sont pas encore armées pour toutes les situations. L'un des point les plus important est celui de la reconnaissance législative de l'esport. Aujourd'hui, le statut de ce milieu reste flou, voire inexistant, dans certains pays. Cela entraîne de nombreux problèmes. Le cas le plus récent est celui des visas qui empêcha DiamondProx et Edward de jouer en LCS. Mais ça ne s'arrête pas là. De nombreux autres problèmes ont dû être réglés par Riot plutôt que par la loi ! L'affaire entre Meet Your Makers et Selfie (Kori) en est le parfait exemple. Riot avait dû se saisir de l'affaire et régler le problème. Si on peut être heureux qu'ils aient agi, on déplore tout de même le fait que Selfie n'ait pas pu directement en référer aux instances juridiques. En quel cas, le tribunal se serait saisi de l'affaire
De même, le manque d'encadrement de l'esport par la loi pose un autre problème : Riot, à droit sur tout ou presque ! Si ceux-ci doivent bien sûr respecter la loi et les normes mondiales en vigueur, ils n'en restent pas moins les développeurs de leur jeu. Et donc, en plus d'avoir les droits de diffusions de ceux-ci, ils sont également décisionnaires des règles de leurs tournois. Autrement dit, rien n'empêche à Riot de faire un écart sur ses lois ou d'agir de manière impartiale, à part une temporaire véhémence du public peut-être. Évidemment, cela n'est jamais arrivé, mais qui sait ? Néanmoins, tout cela ne sera pas réglé avant que l'esport obtienne un statut officiel
Et c'est sans doute là la plus grande différence entre les équipes de LoL et celle des autres sports. Prenons le football par exemple, les équipes ont un manager, un entraîneur, un coach, ... Ils font parfois appel à des spécialistes (médecin, nutritionniste, etc) comme l'a fait YellOwStaR. Mais ils ont aussi beaucoup plus de facilité législative. Voilà toute la différence.
Kori, lorsqu'il était chez Meet your Makers
Un autre monde, une autre vie
Également, il existe un point qu'aucune équipe n'a encore réellement essayé : l'encadrement psychologique. Car si aujourd'hui les équipes possèdent coachs et managers, elles n'ont pas de psychologue ou de psychiatre. Si ce travail pourrait sembler anodin dans le sport classique, dans le monde du jeu vidéo, cela pourrait vite s'avérer essentiel !
Après tout, les conditions de vie des joueurs ne sont pas toujours simples. La plupart du temps, ceux-ci sont jeunes, ils ont de 17 à 22 ans. La majorité vit éloignée de sa famille, de ses amis ou de sa petite amie, etc. Et le cadre de vie est loin d'être des plus habituels. Ainsi, cinq garçons se retrouvent à vivre ensemble dans une Gaming House avec leur coach et parfois leur manager ou des membres de l'équipe technique., à peine plus âgés la plupart du temps. Toute la journée, ils passent leur temps à s'entraîner derrière leur écran, à réfléchir aux stratégies, à faire du sport sans pour autant avoir une véritable vie sociale. Et si quelques sorties leur sont bien autorisées, elles restent minoritaires par rapport au reste. Sans oublier que ce sont de véritables stars. Sur les réseaux sociaux, ils ont leurs fans et leurs détracteurs. Et tout ça n'est pas facile à gérer.
Plusieurs joueurs ont d'ailleurs eu des problèmes avec tout cela. Récemment, Remilia n'a pas résisté à la pression des LCS et a abandonné. Mais ce n'est pas la première ! Il y a peu, IWilldominate a parlé de ses problèmes d'anxiété et ses crises de paniques. I'm Gosu, l'actuel remplaçant de Doublelift chez TSM, a fait une tentative de suicide il y a un mois à peine. Or, il pourrait se retrouver à devoir jouer. On pourrait également citer Voyboy, ancien midlaner de Curse, qui était lui aussi sujet à des problèmes d'anxiété.
Un soutien médico-psychologique pourrait donc être à prévoir. Et s'il est vrai que parfois, une aide est mise en place, ce n'est pas suffisant. Car lorsqu'un joueur se sent mal avec ses équipiers alors qu'il est loin de sa famille et de ses amis, les choses peuvent vite s'enchaîner. Et même si le coach est présent, il n'a pas forcément une formation adéquate pour faire face à ces difficultés. Surtout quand derrière la pression et les exigences montent...
La soirée où Gosu a parlé de ses envies de suicides.
Ainsi les différents collectifs auront réussi à s'équiper pour faire face aux nouvelles exigences du monde de l'esport. Les analystes, les coachs, tous les éléments possibles sont mis en place pour que les joueurs gagnent leur match. L'encadrement des équipes League of Legends se rapproche de plus en plus des autres sports.
Malgré tout, nous ne sommes pas encore arrivés au bout du tunnel. L'esport a ses propres particularités et il s'agit désormais de se préoccuper des problèmes humains et du bien-être des joueurs. Soutiens psychologiques et droits du travailleur, voilà au moins deux points auxquels il faudrait réfléchir. Car si la réussite d'une équipe est importante, la sécurité de ses joueurs l'est encore plus.