Tours, ville au cœur de la région Centre compte un peu plus de 130 000 habitants, et le temps d'un week-end centralisait une communauté mordue de jeux vidéo. Entre les compétitions CS:GO, Hearthstone ou encore LoL, se déroulait la première étape de la DreamHack Open du tournoi StarCraft II. Au bord du boulevard Heurteloup, une des artères principales de la ville, et idéalement placé en face de la gare, se dresse le Centre des Congrès Vinci, facilement reconnaissable grâce à sa casquette métallique surplombant une petite esplanade (qui a sûrement un vrai nom mais en même temps je ne suis pas dans le bâtiment alors zut) qui s'est peu à peu transformée en cendrier géant au cours du week-end.
Aperçu de l'extérieur du Vinci
Les phases de poules
Une fois rentré dans la gueule de cette immense baleine, le Centre paraît un peu complexe à mapper (surtout avec mon orientation de bulot), donc comme on a autre chose à voir et que nous ne sommes pas dans un cours d'architecture, je vous laisse juger par vous-même :
Pour vous situer, les quarts jusqu'à la finale se sont jouées dans l'auditorium François 1er, tandis que le BYOC se jouait au dernier étage. À l'arrivée des joueurs du premier stage de la DH Open, ceux-ci bien installés font chauffer leur combo souris/clavier dans la matinée du vendredi. Les amateurs sont vites évincés et les favoris obtiennent leur ticket pour la phase 2, où les attendent les rouleaux compresseurs coréens. Dayshi, qui finit en tête de son groupe en phase 1 est le premier à ouvrir la marche sur le stream officiel face à HuK. Après une première manche qui se déroule sans problème ... pour le Canadien, la deuxième doit être mise en pause à cause de lags (qui viendront gêner les joueurs à plusieurs reprises le vendredi). Quand finalement la partie reprend pour voir Dayshi égaliser, le stream principal va connaitre alors un long, très long moment de flottement dû à un video switcher qui aurait lâché la production inopinément. Un peu embarrassant mais au final pas totalement catastrophique.
Il l'avait dit, HyuN n'est pas le Coréen le plus effrayant, et c'est sans trop de problèmes que Lilbow met la barre très haut en sortant de son groupe par le haut, sans perdre une seule carte et devant le Zerg ROCCAT. MarineLorD n'aura pas autant de chance face à MC mais ce sera suffisant pour gagner sa place dans l'arbre final. Tandis que MMA se fait surprendre par Revolver puis éliminé par sa teammate Scarlett, Dayshi affronte HuK à nouveau pour décider de celui qui accédera à l'arbre. Le match fut serré et dans le long couloir près des amphis, il ne restait plus qu'eux, entourés d'une vingtaine (ou peut-être plus) de spectateurs. C'est finalement Dayshi au terme d'un match intense qui s'impose face au Canadien.
Dayshi n'est pas encore à enterrer
Il aura fallu une carte. Une carte pour que PtitDrogo passe potentiellement de qualifié et premier de son groupe, à éliminé. Une carte contre ForGG en match des gagnants qui va l'envoyer tout droit en match décisif, dans un duel retour face au Norvégien Snute qu'il avait battu un peu plus tôt. L'espoir Protoss français ne parviendra malheureusement pas à réitérer la performance et devra se rabattre sur le tournoi BYOC pour tenter de ne pas repartir de Tours les mains vides.
Branche après branche
L'arbre et son Ro32 débute assez rapidement après la fin de la phase 2. C'est là que la machine coréenne se met en marche : sur les huit rencontres opposant un Coréen à un foreigner, aucun des représentants hors-Corée n'a réussi à s'imposer, et Dayshi n'a pas été verni malheureusement en tombant sur Rain, l'un des gros poissons, contre lequel il s'inclinera, sans vraiment de regrets. Deux déceptions : le tirage teamkill qui verra s'affronter Lilbow et MarineLorD, duel au cours duquel le Protoss est sorti vainqueur, mais l'on retiendra surtout (où on essaiera de l'oublier, au choix) l'élimination prématurée de ForGG face à Heart, sur son propre terrain, le TvT. La journée s'achève sur le Ro16 avec une cruelle déception pour Lilbow qui, à 1-1 face à MarineKing et un all-in bien exécuté, fini par s'empaler en montant la rampe dans la B1 du Coréen. Coup dur pour le joueur Millenium qui avait pour objectif d'atteindre le Ro8 et monter pour la première fois les marches accédant à la scène, et pousser la porte du booth.
Petite consolation de la part de Nilou
Autre fait de jeu notable, la victoire discutable de HyuN sur FanTaSy. Le Zerg venait en effet de littéralement voir s'envoler sa pop après s'être jeté sur des mines biens senties lorsque des spikes de latence sont venues mettre leur grain de sel. Mise en pause, puis relancée à partir du replay, la partie a été reprise quelques secondes avant l'empalage critique de HyuN sur les mines. Pas idiot, HyuN ne se jette pas deux fois dans la gueule du loup, modifiant totalement l'issue potentielle de la partie. À 1h30 du matin, le dernier match entre Patience et Sacsri s'achève, sonnant la fin de la première journée.
En piste
Les quarts de finale d'une DreamHack sont généralement synonymes de l'entrée en scène ... de la scène. Parmi les forces en présence, un foreigner en la personne de Harstem, noyé au milieu des Coréens. Le défi était relevé mais pas impossible face à un HyuN qui apparu fébrile en phase de poule face à la Protosserie de Lilbow, contre lequel il s'était incliné 2 à 0. Mais, on le sait, les playoffs contrairement aux phases de poule ne laissent pas la place à l'erreur. Nouveauté cette année : les matchs étaient joués en Bo5 dès le Ro8 jusqu'à la finale, les Bo3 jusqu'aux demi-finales utilisés jusque là étaient critiqués alors même que les RedBull Battle Grounds, et encore plus les IEM proposaient déjà depuis longtemps le Bo5 dès les demi-finales.
Le trophée tant convoité de la DreamHack StarCraft II
Avant l'entrée en piste du Néerlandais, un match au sommet devait se jouer entre deux des prétendants au titre - PartinG face à Rain dans un PvP qui s'annonçait haut en couleur. Le public l'a compris et commence à envahir peu à peu l'amphithéâtre François 1er, une queue se formant à l'entrée de la salle. Malheureusement pour le joueur mYinsanity, et pour l'audience, la rencontre fut assez rapidement expédiée par PartinG qui l'emporte assez nettement sur le score de 3 à 0. De ses propres dire : PartinG n'avait peur que d'un seul homme, c'était Rain, et une autoroute lui est désormais ouverte vers le titre.
C'est au tour d'Harstem, qui n'avait pas encore rencontré de Coréen dans l'arbre, de faire ses débuts sur la scène face à HyuN. La salle est comble, et la foule est acquise au seul représentant occidental, le joueur de chez Invasion eSports le sait et il en joue, de quoi survolter les spectateurs venus en nombre, et générer la hype. Hype qui retombera comme un soufflet lorsque le dur retour à la réalité se fera sentir. Rapidement, le Zerg ROCCAT habitué de ces événements étouffe son adversaire et écrase tout espoir pour Harstem d'espérer pouvoir affronter PartinG en demi-finales.
Aperçu de la scène depuis le public
Les seuls Terrans de la compétition sont arrivés par deux : le chouchou MarineKing affrontait en effet GuMiho. Si la première partie était plutôt serrée, avec du méca de sortie, les deux autres ont vu le joueur MVP se faire par deux fois renvoyer les Hellbats dans la figure, chaque contre-attaque ayant été fatale. Trois matchs sur les quatre sont joués, et nous sommes à un triple trois zéros, autant dire qu'à ce rythme-là on était juste à temps pour regarder Pyramide sur France 2 en rentrant à la maison.
Le dernier match, TRUE vs Patience, n'avait pas réellement de quoi faire rêver sur le papier. Pourtant, c'est bien dans ce match que l'amphi va s'enflammer. À 1-1, Patience tente un proxy 2 gate sur Vaani Research Station ... tandis que True pose une proxy hatch. Le Zerg détruit finalement l'intégralité des probes et la bataille finale opposera une poignée de drones face à quatre ... trois ... deux .... puis finalement un seul et unique Zélote trop amoché face à Jean-François le Drone armé de son gourdin, beaucoup trop puissant pour Patience qui lâche le GG. Impossible pour TRUE de cacher sa joie qui lève alors les bras en l'air comme s'il venait de remporter la finale, alors qu'il n'a pas encore gagné ne serait-ce que le match.
Jean-François le Drone aurait déclaré « Moi les Zélotes, j'en bouffe trois au petit déjeuner !»
Psychologiquement amoindri, Patience comprendra trop tard dans la quatrième game le fast speedling de son adversaire, la faute à un jeu de cache cache dans le scouting (les deux se sont évités de fort belle manière) qui avantagera TRUE. Les Zerglings parviennent à se faufiler dans la B1 du Protoss qui commence à poser son wall bien trop tard, et laisse le match lui filer entre les doigts sous un tonnerre d'applaudissements.
Dernière ligne droite
La première demi-finale opposera PartinG à HyuN. Les deux sont des habitués des tournois internationaux et la rencontre s'annonçait intéressante, PartinG partant encore une fois favori. Dans la troisième manche, PartinG vient notamment imiter son coéquipier Has avec un cannon rush doublé d'un triple Pylones block sur Cactus Valley. La B2 perdue, HyuN ne survivra pas longtemps et donnera l'avantage 2 à 1 au joueur Protoss. Dans une dernière partie plutôt classique mais rondement menée, PartinG devient le premier finaliste de cette DreamHack. Le deuxième ne se fera pas attendre, loin s'en faut. Au travers d'un Bo5 lui aussi plié sur un 3-0, GuMiho confirme sa très grande forme puisqu'à la manière d'un TaeJa et son 17-0 en DreamHack Summer l'année dernière, le Terran de chez Invasion eSports est alors invaincu.
Le public en feu lors de la finale
Lorsque l'heure de la finale approche, les plus fous commencent à évoquer la possibilité que le favori PartinG pourrait finalement ne pas décrocher l'étoile qui lui était pourtant destiné. Qui du Protoss ou du surprenant Terran allait l'emporter ? Malgré certaines phases de jeu plutôt serrées, dont la première partie avec un basetrade qui tourne à l'avantage du joueur Invasion eSport, PartinG remet les pendules à l'heure et s'impose magistralement 3 à 1 devant une audience explosive, six mois après son dernier titre en HomeStory Cup.
Une victoire bien méritée
L'instant BYOC
En marge du tournoi Open, se déroulait le tournoi BYOC (Bring Your Own Computer). Comme son nom l'indique, il s'agissait d'une compétition tournée amateur permettant à tous ceux qui, littéralement, « ramenaient leur propre PC » de pouvoir participer. Ce side event était organisé par les excellents membres de la Lyon eSport parmi lesquels on a pu apercevoir un certain Linyu. Parmi les participants, beaucoup de joueurs éliminés lors du tournoi Open dont MarineLorD, PtitDrogo, Stephano, DnS ou encore Chubz. Rapidement les favoris sortent des groupes et avancent dans l'arbre à double bracket.
Zone BYOC
Malgré un parcours honorable, Stephano s'incline en winner bracket face à MarineLorD, puis en loser bracket contre PtitDrogo. C'est d'ailleurs tout à fait logiquement que ce sont ces deux joueurs qui iront s'affronter en finale du tournoi, le dimanche à 10h ... Cruel horaire pour les joueurs qui seront un peu fatigués de la veille, mais néanmoins présents. Dans l'auditorium Descartes, YoGo et Nepou nous ont fait vivre le Bo5 qui tournera à l'avantage du joueur Millenium finalement assez nettement sur le score de 3 à 1, empochant la modique somme de 1 000€, 600€ pour PtitDrogo et 400€ pour le troisième joueur, DnS. Le joueur Millenium, délivré de la présence de son coéquipier Lilbow, impose sa domination sur le reste de la scène française et empoche un titre mérité.
Une DreamHack qui finit bien
Le bilan
« Du jamais vu », « Incroyable », « Géniaux » les superlatifs ne manquent pas pour qualifier le public français, plutôt flatteur surtout venant de la part de commentateurs et autres professionnels qui ont pourtant roulé leur bosse à travers le monde. Sans s'en cacher, il s'agissait pour eux du public le plus bruyant qui leur ait été donné de rencontrer, et on aurait du mal à croire qu'il ne s'agit ici que de politesse, tant il apparaît évident qu'un monde existe entre les silences presque gênants dans les salles à moitié vides d'autres DreamHack, et l'explosivité de l'auditorium de Tours. Partout dans le monde, notre énergie et notre ferveur nous sont enviées.
Cependant ne nous leurrons pas, la France reste une exception même si nous en avons pris plein les mirettes, et cette DreamHack n'est en rien significative d'un retour en forme de StarCraft II, malheureusement. Les chiffres sont parlants : la DreamHack Tours sur StarCraft II a réalisé la plus mauvaise audience enregistrée toutes DreamHack confondues avec une moyenne sur le week-end de 22 500 viewers (contre 25 000 à Moscou pour comparaison, source: Fuzic.nl). On peut seulement espérer que Starcraft fera mieux l'année prochain pour la Dreamhack Tours 2016 (confirmée) ... sur Legacy of the Void ... en supposant que Starcraft sera toujours dans le panel des disciplines représentées. Mais ne boudons pas notre plaisir, on n'a pas toujours l'occasion d'être fiers d'être Français, et le temps d'un week-end il était possible d'élever encore une fois bien haut nos baguettes !
Retrouvez tous les résultats de la DH Open et du BYOC de la DreamHack Tours en cliquant sur les images ci-dessous :